les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 18 décembre 2023

DE LA LAICITE

De la laïcité L’incident Les Tartuffes ont la vie dure ! Voilà le tableau de Giuseppe Cesari qui a semé le trouble dans un collège des Yvelines où une professeure de lettres a eu le malheur de le montrer à ses élèves de sixième. « Actéon surprend Diane dans son bain ». Les corps sont nus : l’horreur ! Des élèves se sont plaints, ont alerté les parents qui ont protesté, les enseignants, les personnels ont mis en œuvre leur droit de retrait, la polémique est montée jusqu’au Ministre qui s’est rendu sur les lieux. Il faut dire que l’on n’est qu’à quelques encablures de Conflans Sainte Honorine où Samuel Patty a été assassiné. Il faut dire aussi que des incidents se sont multipliés dans cet établissement depuis le début de l’année : il souffre comme beaucoup d’autres de difficultés d’encadrement et les profs veulent être entendus. Les baigneuses ne portent pas de burkini, elles sont nues de chez nues, comme souvent dans les évocations mythologiques où le corps est respecté pour ce qu’il est, l’incarnation de la vie. Les intégristes de tous poils qui prolifèrent dans ces temps de crise sont passés, ô surprise, rapidement sur cet incident. Attal, le Ministre, est venu sur place et a annoncé le déblocage de quelques moyens. Les troubles Il n’en reste pas moins que les esprits sont troublés, que les personnels ont le droit d’être inquiets, que l’obscurantisme continue sa marche, que l’enseignement public est au cœur d’une démarche où la laïcité est difficile à faire admettre par des parents, des familles qui s’enferment dans un repli identitaire où les préjugés ont force de lois… divines. Les élèves sont les jouets d’enjeux idéologiques qui les dépassent. La tâche des enseignants est des plus compliquées. Leur mission formatrice, éducative s’appuie sur des savoirs qu’il importe avant tout de transmettre pour ce qu’ils sont, des données tangibles, vérifiables, rationnelles, à des jeunes qui souvent les découvrent, en leur en montrant, s’il le faut, les formes, les limites, les doutes, les ignorances. Construire l’intelligence Le prof cherche à construire chez l’élève qui lui est confié une intelligence en gestation, une intelligence qui a déjà son histoire, son contexte, ses a priori, qu’il faut développer. Mais plus essentiel encore, l’objectif majeur est de former un esprit libre, en mesure de faire la part des savoirs, des croyances, des choix individuels, des décisions personnelles qui constitueront une personnalité en mesure d’affronter son destin. Et tout cela, il le fait dans un contexte très dégradé, où l’insuffisance des moyens est la règle, où la mixité sociale est le plus souvent aux abonnés absents, où les salaires sont pitoyables. La sollicitude des gouvernants est rare, si ce n’est inexistante. La réussite de l’opération repose avant tout sur les épaules de ceux qui enseignent. La laïcité est la pierre angulaire de l’institution scolaire : il est fondamental que ses acteurs fassent tout pour qu’elle le reste. Jean-Marie Philibert

lundi 4 décembre 2023

SORTIR DE L'ORNIERE

Sortir de l’ornière Les faits Dans un village de notre cher pays, un soir de fête locale, une bagarre éclate en fin de soirée, entre des jeunes de la localité et une équipe de trublions venus de Romans, ville voisine. Un ou des prétextes futiles, des noms d’oiseaux, et c’est parti. Des échanges de coups. Des appels au calme inaudibles. Ça dégénère, un couteau est sorti. Un adolescent du Crépol reste étendu sur le sol dans une mare de sang. Les étrangers du village s’empressent de partir, sans doute conscients que cela peut mal tourner pour eux. Il se trouve qu’ils viennent d’un quartier de Romans dont la population est mêlée, la réputation sulfureuse et la couleur de peau un peu moins blanche que la moyenne. Il se trouve aussi que les jeunes identifiés comme les protagonistes de la bagarre portent des prénoms à consonances étrangères et qu’ils ont disparu. Ils sont vite retrouvés du côté de Toulouse. La population du Crépol, les amis de la victime, ses copains et copines sont dans la peine, la population de la Drôme est secouée. Une marche blanche est organisée. Sa nature Un fait divers ? Un événement politique ? Quelle importance lui donner ? Il ne faut pas oublier que notre société est travaillée par des va-t-en-guerre-civile qui ont pignon sur rues et dans les consciences, qui rêvent d’en découdre avec cette faune sauvage et arabe, venue nous remplacer, prendre notre travail, nos maisons et un peu nos richesses bien sûr. Un racisme ordinaire alimente une idéologie réactionnaire qui fait de l’étranger le fossoyeur de notre civilisation judéo-chrétienne et blanche. De grands esprits l’alimentent et trouvent sur CNews des porte-voix qui ne cessent de reprendre leurs propos, sous la baguette du maître de cérémonie Pascal Praud. « Tout ça était annoncé. Et ce n’est pas fini ! Ce n’est pas fini ! » Des propos édifiants Et CNews cite ses maîtres à penser, Marion Maréchal : « Une meute de barbares ». Thibault de Montbrial, avocat, « des racailles venus d’une cité », Eric Ciotti : « Thomas, victime de l’ensauvagement ». En vrac : « Fous ceux qui refusent de voir les prémices d’une guerre civile… La tentation de l’autodéfense va se radicaliser… Francocide ! … Un jour les citoyens se défendront eux-mêmes…» Crépol fait les affaires de l’extrême droite : pour que les gestes rejoignent les paroles, via les réseaux sociaux, elle appelle les bons français à manifester à Romans et ailleurs pour punir les coupables, les rejeter à la mer. Donnons l’exemple. Nous pourrons alors reconstruire la France blanche, policée, et propre sur elle qui nous échappe chaque jour un peu plus. L’extrême droite et ses sbires sont aux antipodes du pays réel, mais ils se dévoilent, prétendent occuper la rue. Ils alimentent des haines d’un autre âge qui servent les intérêts des réactionnaires en place et les plus-values du capitalisme triomphant. Ils se moquent de Thomas, de la douleur de sa perte, pour jouer leur partition d’un embrouillamini politique. Ils en appellent à l’urgence, occupent les esprits, alimentent les peurs. Macron et son équipe peuvent jouer les remparts républicains ; les Français peuvent préparer Noël. La gauche empêtrée dans ses relations compliquées, met bien du temps à construire des convergences, et pourtant c’est la seule voie pour nous sortir de l’ornière. Jean-Marie Philibert.