Le syndrome de Cresta
« Un syndrome
est un ensemble de signes cliniques et de symptômes
qu'un patient est susceptible de présenter lors de certaines maladies,
ou bien dans des circonstances cliniques
d'écart à la norme
pas nécessairement pathologiques ». Voilà pour la définition !
La préparation des élections législatives dans les P.O. a
apporté une avancée significative de la
science médicale, psychologique et politique : elle a permis d’identifier
et de définir un nouveau syndrome excessivement dangereux pour le pluralisme,
pour le pluralisme à gauche, j’entends, celui dans lequel se reconnaissent de
nombreux citoyens qui ont l’ambition et
l’espoir de changer la société. Par commodité et par tradition les observateurs et les chercheurs ont donné à ce syndrome le nom de celui qui
en a manifesté la version la plus saisissante : ils l’ont appelé le
syndrome de Cresta, du nom du candidat socialiste sur la première
circonscription qui, soutenu par les instances de son parti, a refusé toute possibilité d’accord avec le Front de
Gauche pour une candidature d’union ; elle aurait permis à cette gauche
d’être présente à coup sûr au second tour, d’empêcher le FN d’y faire son trou,
de donner à la gauche une dimension unitaire et pluraliste.
Le clivage.
Décrivons le syndrome : il consiste à une instauration
d’un clivage indépassable chez un individu
entre ce qu’il dit, ce qu’il proclame, les principes mis en avant et … ce
qu’il fait … au point de voir deux individus différents là où il n’y en a qu’un
seul. Et cela dans une dimension essentielle pour quelqu’un qui veut jouer un rôle politique, dans la
capacité à construire des relations de confiance, de réciprocité avec ceux avec
lesquels vous travaillez et avec lesquels vous partagez un certain nombre de
valeurs progressistes. Ainsi vous dites « rassemblement…unité… solidarité »
et vous pratiquez division, désunion et chacun pour soi.
Mais vous allez me dire que tout cela en politique est
banal, courant, déjà connu depuis longtemps, qu’il n’y a pas là de syndrome
nouveau. Vous vous trompez, dans ce cas précis, c’est la profondeur du mal qui
fait syndrome, c’est la mémoire qui est atteinte. Le patient ne retient que ce
qu’il a pu dire et écrire, mais oublie totalement ce qu’a pu être son comportement,
comme si celui qui faisait le contraire de ce qu’il a dit était quelqu’un d’autre
que lui-même. Ainsi lors des élections cantonales qui opposaient au deuxième
tour Jean Vila au Front National, contrairement aux consignes de votes qu’il
avait données, il n’a pas voté et il ne se souvient de rien. Lors des dernières
élections sénatoriales, il a oublié que la gauche aurait pu avoir deux
sénateurs s’il avait voté et fait voter
en tant que responsable socialiste pour Philippe Galano, ce qu’il avait
dit qu’il ferait et puis qu’il a totalement oublié. Un autre lui-même a dû
voter pour Dieu sait qui…
Le socialiste
serait-il seul au monde ?
C’est cet oubli profond, régulier, inexorable, cette
impossibilité viscérale, physique, cette incapacité à travailler de façon
unitaire, cette croyance absolue que le socialiste est seul au monde, qui caractérise le syndrome de Cresta et le fait que la
démarche lui échappe totalement…
A chaque moment électoral, les circonstances relancent le
syndrome.
Là, les effets risquent de ne pas être exactement ceux qui
sont escomptés. Il y a de nombreux électeurs de gauche qu’agacent sérieusement
des pratiques qui consistent à ne
concevoir le pouvoir qu’hégémonique, des
pratiques qui parlent d’autant plus du changement qu’on ne change pas grand-chose, des
pratiques qui ne vantent les mérites du pluralisme que pour les autres. Ils sont d’autant plus agacés
que les urgences sociales et politiques à affronter sont des plus sérieuses,
chômage, précarité, injustices. Ils sont d’autant plus ulcérés que face à cela
la course poursuite aux bonnes places est une insulte pour ceux qui souffrent,
que toutes les formes de duplicités
(feintes ou pathologiques) sont mortifères pour la démocratie.
Les millions de voix du Front de Gauche ont été essentielles
dans la victoire de François
Hollande : elles sont en mesure de jouer un rôle important pour les
législatives et les changements à mettre
en œuvre dans le pays…. A condition de
ne pas trop leur jouer, leur re-jouer et leur re-re-jouer le syndrome de
Cresta.
Jean Marie PHILIBERT.