SORTIR
/ RENTRER
Même
si elle commence en janvier pour se terminer en décembre, les années pour moi
n’ont jamais fonctionné ainsi. Quand je faisais le prof, je commençais en
septembre pour finir en juillet, quand avant je faisais l’élève, c’était
pareil, et à la retraite je suis resté sur ce schéma. Et je remarque,
maintenant que je fais le journaliste que pour la vie politique, sociale,
culturelle c’est pareil. Il y a une sortie et une rentrée. En général une
sortie qui fait du bien à tout le monde, devant le cumul des emmerdements et
une rentrée que l’on sait, que l’on espère, que l’on voudrait chaude, riche,
pleine de promesse.
Rappelez-vous
Rappelez-vous
la dernière rentrée, septembre 2018 ! Il a fallu affronter les choix
politiques et économiques de Macron qui, tout à sa gloire jupitérienne, ne
pouvait pas concevoir qu’ils puissent être remis en cause.
Et que
je te réduise tes droits, ton pouvoir d’achat, ton espoir de mieux vivre. Et
que je t’alourdisse les impôts et que je t’invente de nouvelles taxes. Et que
je te méprise tant et plus, et que je t’insulte à l’occasion. Et qu’à l’Elysée
je me permette et je permette n’importe
quoi, à la bande à Benalla. La souffrance sociale, connais pas. La justice
sociale encore moins. Les nantis, les riches, les opulents, les premiers de
cordée : tout pour eux et puis ça ruissellera bien un jour, et un peu, sur les
riens qui ne savent que quémander.
Révolte
Les
syndicats (pas tous) faisaient le boulot, le Macron et sa bande méprisaient
commedab ... Jusqu’à un mois d’octobre où des gilets jaunes ont fleuri tant et
plus sur les carrefours, certes avec des discours disparates, pas toujours
d’une limpidité idéologique renversante, avec plein de gens qu’on n’avait pas
trop l’habitude de voir là. Mais avec une volonté commune de dire leur colère,
leur révolte devant leur situation difficile, de plus en plus difficile et
devant l’arrogance du pouvoir.
Ils
sont venus, revenus pendant des semaines, des mois. Ils ont bravé les interdits
et fait connaissance avec la violence policière. Ils se sont rendu compte que
les syndicats et les syndiqués étaient dans la même galère et que sans doute
des convergences pouvaient être utiles. La police fut pendant de longs jours la
seule réponse d’un pouvoir enfermé dans ses certitudes... Jusqu’au jour où
ayant enfin compris que ce peuple en colère ne lâcherait pas le morceau,
quelques miettes lui furent jetées pour le calmer.
Tournant
?
Laisser
passer l’orage, préserver un pouvoir secoué et continuer presque comme avant.
C’est ce que des éditorialistes bien en cour ont appelé le tournant social du
quinquennat. On n’a pas tous la même notion du tournant et du social.
Sur un
terrain plus politique les européennes ont embrumé la situation. Macron a sauvé
la face. Le Pen a rempli son escarcelle. .Et la gauche a volé en
morceaux : elle avait tout fait pour, en n’écoutant pas les cocos qui
prônaient une démarche unitaire. Le talent de Yan Brossat n’y a rien changé.
La
lutte des classes camarades !
Et
donc pour la suite et donc la rentrée, on reprendrait le scénario catastrophe.
Les
allocations chômages seraient passées à la moulinette. La retraite serait mise
au point… mort. Les services publics seraient en voie de disparition. Quant au
statut des fonctionnaires, il ne serait plus qu’un souvenir. Ne parlons pas de
l’hôpital, il resterait en souffrance ; il est fait pour ça, d’ailleurs.
Quant à l’école, au collège, au lycée, au bac ils deviendraient l’école des
pauvres et des diplômes qui n’en sont plus. Bien sûr ce sont là des réformes
incontournables. Dans la classe dominante on cherche à pourrir la rentrée dès
la sortie. Ainsi va la vie chez les puissants.
Dans
l’autre classe, celle d’en face, celle de la lutte (des classes, eh oui! ça
marche comme ça) celle qui rassemble le peuple et ceux qui luttent en jaune et
de toutes les couleurs, la sortie, elle, se fait nourrie des mois de résistance
et toujours pleine des volontés de transformer le monde. Quant à la rentrée,
elle se fera sous les mêmes auspices, avec une même ambition. Renforcée
peut-être.
Peut-on
rêver un peu et se dire que l’unité, le rassemblement, la détermination
collective, si les forces qui les
incarnent s’y mettent vraiment pourraient changer le climat et les
perspectives, il n’y a pas d’autres choix pour faire renaître l’espoir. Là on
aurait, on aura (?) une vraie rentrée renforcée.
Jean-Marie
Philibert