Journal
d’une inquiétude
Vendredi 26
Juin
Les temps sont contrastés, l’été tire ses premières salves,
les plages petit à petit se remplissent, la ville dévoile à nouveau son attractivité,
les cafés et restaurants reprennent vie, le dé-confinement produit ses effets
et pourtant il y a comme de l’inquiétude dans l’air, même si chacun est heureux
de retrouver quelque chose qui ressemble à une vie. Il y a de l’anxiété quant à
notre capacité à surmonter une crise, quant à l’attitude des gouvernants à
faire ce qu’ils ont dit « quoi qu’il en coûte ». La construction du
monde d’après ne sera pas une sinécure. Même si je sens et j’espère que nos
capacités de résistance ont gardé leur vigueur.
Mais dans ce bout de France, dans ce contexte difficile, il se joue quelque chose qui n’a rien d’une
bagatelle et qui aura de l’influence sur nos vies : le risque d’une
municipalité d’extrême droite. J’ai envie d’en tenir le journal pour les dernières
trente-six heures. La presse du jour bruisse des derniers moments de la
campagne. Elle ne vole pas haut. Il y a heureusement tous ceux qui alertent du
danger : gens de la culture d’ici et d’ailleurs et le texte de jean Vila.
Samedi 27
Juin
Je ne pense pas que les jeux soient faits. Les états d’âme
n’ont pas fini de produire leurs effets. Les mêmes rengaines :
« …bonnet-blanc et blanc bonnet … j’irai à la pêche…il aurait
pas fallu faire comme ça … c’est la faute à…..» ( à compléter en fonction
de ce que vous avez entendu).J’ose espérer que la proximité de l’élection va mettre un peu de plomb dans la cervelle de
beaucoup de ceux qui ont « débouriné » grave, en ne se rendant pas
compte que s’abstenir, ou voter blanc, c’est tout comme voter Aliot. Et qu’une
voix peut faire la différence ! Certes l’enthousiasme n’est pas au
rendez-vous, mais la raison peut apporter ses lumières.
Dimanche
28 Juin
On y est : la carte d’électeur est prête, la masque
aussi. Le GRRRRand quotidien local ne prend
aucun parti… comme pour mieux banaliser un événement qui pour moi n’a
rien de banal. Il vaut mieux ne fâcher personne. Au TC, et ailleurs, nous, on a
fait le job : on a uni, rassemblé, alerté contre l’extrême droite. Il y a
les debout et ceux qui préfèrent attendre le verdict des urnes.
Le bulletin est dans l’enveloppe. Encore une fois, j’y mets le nom de gens de droite. Je ne suis
pas en colère, je ne veux pas de l’extrême droite dans ma ville. Mon vote est
un geste barrière pour éviter un microbe dont la nocivité ne me semble pas
suffisamment comprise par de nombreux électeurs que je pensais lucides. Enfin
les jeux sont faits. Mon inquiétude rentrée va occuper mon quotidien. Je crains
le pire… mais je veux encore espérer.
19 heures…
L’abstention a été moins pire ici qu’ailleurs. Les premiers bulletins sont
comptabilisés, c’est ric-rac… Mais tous ceux qui dans les couloirs de la mairie
ressemblent à des démocrates ont triste mine. Seuls quelques mastuvu de la
bande d’Aliot semblent y croire et commencent à jouer les importants. La rumeur
se répand, ce serait 53-47 pour la « fachosphère ». L’inquiétude
m’envahit définitivement, totalement. Le cataclysme transforme mon inquiétude
en un sentiment que je ne sais plus définir
« Horrible ! » me dit un SMS.ami C’est sans doute cela !
Une situation inexorable ? La lutte continue,
continuera, il faudra continuer d’éveiller les consciences, agir, rassembler
avec tous les démocrates sincères, tous les progressistes musclés et démasquer
tous ceux qui font de l’embrouille des intelligences leur terrain de manœuvre.
L’expérience de ce 28 juin montre
qu’ils y parviennent parfois.
Lundi 29 Juin
J’ai mal à ma ville.
Jean-Marie Philibert