les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

vendredi 23 mars 2012

se coucher


Se coucher ?
Depuis plusieurs semaines je déverse mes humeurs amusées ou colériques sur la sphère politique : l’actualité oblige. Le temps des élections se resserre, les échéances n’ont jamais été aussi proches. Je sais qu’il faut argumenter, convaincre et gagner chaque voix.
Je sais aussi que les choix politiques que nous ferons et les conséquences concrètes de ces choix en termes  de progrès sociaux, par exemple, ne sont pas indépendants des batailles syndicales  que nous avons menées, que nous menons, que nous mènerons. J’utilise à dessein le mot « indépendant » parce que je suis convaincu  que derrière ce mot se pose  une question clef, la question du rapport du syndical et du politique, question centrale pour tous ceux qui ambitionnent de changer la société, de lutter contre les injustices, contre l’exploitation, contre l’aliénation des femmes et des hommes.
Le syndical et le politique.
J’ai souvent vu les ardeurs syndicales les plus farouches se heurter aux murs du politique ; j’ai souvent vu les politiques tout tenter pour se soumettre les faveurs du syndical. J’ai trop souvent vu les divisions du politique gangréner le syndical et affaiblir la volonté unitaire du monde du travail. Je crois donc utile d’aborder le problème de front pour y voir peut-être un peu plus clair et les péripéties qui ont entouré la journée d’action  syndicale européenne du 29 février m’en donnent l’occasion.
Devant une dégradation très grave de la situation sociale dans toute l’Europe, aussi bien en termes de chômage, de pouvoir d’achat, de précarité, d’inégalités, face à des politiques d’austérité qui se mettent en place et qui ne visent qu’à étrangler un peu plus les peuples, la Confédération Européenne des Syndicats qui regroupe pratiquement tous les syndicats des pays européens a voulu donner un signe fort et unitaire pour dire qu’il faut en finir avec des politiques  qui ne font qu’enfoncer un peu plus les pays dans la crise et qui appauvrissent  un peu plus ceux qui sont déjà pauvres. L’appel à manifester, à agir le 29 se situait dans ce cadre : une action judicieuse, appropriée, nécessaire. Elle répond à une attente, maintes fois exprimée des peuples, qui demandent une véritable Europe sociale.
D’importantes manifestations ont eu lieu : à Perpignan, plusieurs centaines de personnes, à Barcelone, plus de 50 000 dont des représentants des syndicats du département pour y marquer la dimension internationale.
Péché ?
Il s’est trouvé, ici, des organisations syndicales, pour dire et écrire, au nom du contexte politique électoral dans lequel nous nous trouvons, que descendre dans la rue, manifester, faire grève dans un tel contexte ne relevait pas d’une action syndicale indépendante, mais aurait un sens politique et que c’était … péché !
Questions : les politiques d’austérité ont-elles disparu ? Les syndicats ont-ils une obligation de réserve ? Pendant combien de temps faut-il, avant et après les élections, geler l’action syndicale ? Qu’est-ce que gagnent les syndicats à ce petit jeu ? Gommer les revendications syndicales pendant toute la période électorale n’est-il pas un geste éminemment politique ? En les faisant passer sous la table, ne fût-ce que quelques semaines,  n’est-ce pas réduire leur force et leur nécessité ?  Ne peut-on pas voir dans cet attentisme une manœuvre qui viserait à préparer les esprits et les corps aux sacrifices  imposés par les politiques d’austérité envisagées, pas seulement à droite? Ne désarme-t-on pas le peuple en agissant ainsi ?
C’est vraiment là une conception « désarmante » de l’action syndicale. Pour ne faire référence qu’au passé le plus récent, sur les retraites, sur les services publics, sur l’école, sur le chômage, sur la désindustrialisation  les organisations syndicales sont porteuses de revendications : faut-il les oublier un peu, beaucoup, passionnément pour permettre à Pierre, Paul ou Jacques  de décrocher la timbale ? Dans le même temps observons que patronat et gouvernement, eux,  n’oublient rien  et accélèrent projets rétrogrades et plans sociaux.
Pendant que les salariés dociles se coucheraient devant les urnes, aux pieds de leurs maîtres !
Ce sont-là des visions mutilées du syndicalisme  (comme de la politique) qui l’éloignent  de son projet fondateur, la fin de l’exploitation et l’émancipation du travailleur. 
Et parmi les tâches à accomplir, n’oublions jamais une des conditions des succès futurs le développement,  le renforcement d’un syndicalisme de lutte, de masse, de contestation et de proposition, d’un syndicalisme unitaire et démocratique.
A nous d’en être les acteurs sans attendre!
Comme nous serons les acteurs de tous les changements politiques, sociaux et économiques auxquels nous aspirons.
 Pour nous sortir… du pétrin, il vaut mieux être debout que couché !.
Jean-Marie Philibert

mercredi 7 mars 2012

le mou et le dur


Le mou et le dur
C’est paradoxal, mais c’est ainsi : toutes les démocraties  ne peuvent exister que, parce qu’en leur sein, elles entretiennent  un royaume, un royaume d’esclaves dociles et indispensables: le royaume des bulletins  (des bulletins de vote, bien sûr !). C’est de ce royaume et de ces esclaves-là que je veux vous parler.
Dans les périodes électorales on s’agite beaucoup au royaume des bulletins. Les disputes vont bon train pour être le plus beau, le plus fort, le plus séduisant, et donc le plus choisi. Une vie de bulletin, c’est très éphémère et les plaisirs sont rares; alors autant porter un nom qui va servir à quelque chose et attirer la sympathie. 
Pour les prochaines élections, il y a un nom qui leur fait honte, qui les fait  tous fuir parce qu’il est synonyme de haine, de racisme, d’exclusion. Vous savez lequel : les pauvres bulletins qui le portent sont appelés les bulletins KIPU.
On ne se bouscule pas non plus chez les bulletins pour porter le nom de l’agité-sortant .Les bulletins sont très bien placés pour savoir que dans toutes les élections qui ont dernièrement eu lieu, il y avait beaucoup de réticences chez les électeurs à prendre un bulletin qui portait son nom.  Les candidats de son propre  parti avaient d’ailleurs tout fait pour que son nom disparaisse.
Quelques bulletins, par coquetterie sans doute, par besoin de se singulariser,  aiment porter un nom peu connu. Ils permettent ainsi à la démocratie de s’exprimer. D’autres bulletins peureux  veulent cacher  leur opinion (de droite), ils  choisissent systématiquement le centre. On leur trouve toujours le nom d’un peureux à porter.
La solidité du bulletin.
A gauche, c’est parfois une affaire de couleur, il y a ceux qui aiment le rose, ceux qui préfèrent le rouge, ceux qui ne pensent qu’en vert. Mais à voir comment se présentent les choses,  je crois que, même si la couleur garde sa charge symbolique, l’essentiel doit résider dans la consistance du bulletin, dans la teneur, dans la solidité, dans les promesses d’avenir qu’il porte.  Les bulletins l’ont bien compris : ils se sont divisés en deux camps bien distincts les bulletins mous et les bulletins durs. Entre eux les débats sont très animés.
Les bulletins mous disent à satiété que, pour gagner, il ne faut pas effrayer l’électeur, qu’il faut être gentil, qu’il ne faut pas tout chambouler, que du passé il n’est pas nécessaire de faire table rase, qu’on ne pourra pas tout faire tout de suite, qu’il faut tenir compte de la crise financière, de la dette publique, de l’euro, de l’Europe, des contraintes internationales, de la mondialisation … que l’essentiel est de se débarrasser de l’agité-sortant. 
Construire du neuf.
Les bulletins durs veulent tout autant s’en débarrasser, mais ils sont plus raides. Ils veulent s’en débarrasser pour la plus longue période possible. Ils savent d’expérience que la patience est une vertu, eux qui attendent depuis bien longtemps que les choses changent vraiment. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour en rabattre sur leurs ambitions qui sont immenses, elles risquent de décoiffer un peu. Les bulletins durs veulent un vrai partage des richesses : comment y parvenir sans augmenter les salaires,  les pensions, le pouvoir d’achat,  sans abolir la précarité ? Les bulletins durs n’ont pas peur de reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers. Pour promouvoir un progrès humain durable, ils savent qu’il sera nécessaire de produire autrement, de donner une vraie priorité à l’emploi et à la qualification, de jouer toutes les cartes de la solidarité. Les bulletins durs envisagent même  de refonder une 6° république, de s’affranchir du traité de Lisbonne, de construire une nouvelle Europe.  De construire du neuf !
Dans le royaume des bulletins aussi la subversion démocratique est à l’ordre du jour et c’est tant mieux : d’où l’importance du bulletin que nous choisirons.
Le mou n’est pas le dur et le dur n’est pas le mou.
Et nous savons tous que, pour construire, le dur est préférable au mou.
Jean-Marie Philibert.

samedi 3 mars 2012

pschiiiittttttttt


Pschiiiit !
« Le candidat du peuple »… C’est la dernière trouvaille pour faire oublier que pendant 5 ans il n’a été que le président des  riches, le champion des inégalités,  et le roi des injustices. Aux mots « candidat du peuple », il est facile d’opposer des faits, des gestes, des décisions : le Fouquet’s, le petit séjour sur le yacht de Bolloré, le bouclier fiscal, la chasse aux sans-papiers…  La liste serait interminable.  Les faits sont ce qu’ils sont, tangibles, on peut les cacher, les travestir, tenter de les faire oublier, ils résistent le plus souvent et, mis à la porte, reviennent par la fenêtre.
Que les mots…
A Sarkozy, ils collent à la peau : le pouvoir d’achat en berne, la multiplication des chômeurs, la destruction du tissu industriel, le saccage des droits sociaux. Comment faire pour continuer sur la même voie en demandant au peuple d’être d’accord avec lui ? Il ne lui reste que les mots, le verbe, le baratin. « Vous allez voir ce que vous allez voir ! » Tant pis si pour cela il faut les triturer, les torturer, leur faire dire le contraire de ce qu’ils sont.
La « TVA sociale », parce qu’il y a social dans l’expression, parce que le téléspectateur peu attentif va croire que l’on va enfin faire dans le social, parce que le commentateur servile (et ils sont légion) va enrober le tout  d’une mixture où l’on ne comprendra rien. Imaginez un instant l’ouverture du journal télévisé de 20 heures : « Chers téléspectateurs, bonsoir,  ça y est c’est décidé, la TVA sociale est sur les rails, vous allez payer plus d’impôts indirects, mais vous ne bénéficierez pas d’un centime des sommes prélevées, c’est par pour vous, c’est pour les patrons dont seront réduites les charges ! » Ne disons donc plus TVA sociale, mais arnaque sociale !
Super-incapable.
C’est la même chose avec la « compétitivité des entreprises », un autre mensonge d’état. Ce serait le souci premier du président-candidat ! Ou il ment, ou il est,  non pas super-héros, mais super-incapable. Plus il parle de compétitivité, plus le tissu industriel se délite, mais plus les profits financiers prolifèrent. Ne disons plus « compétitivité des entreprises »,  mais « aidons-les patrons-à-se-gaver-toujours-un-peu-plus ».
C’est toujours au nom de la compétitivité des entreprises que Sarkozy, avec des trémolos dans la voix, veut imposer aux syndicats de négocier des accords dérogatoires aux droits les plus élémentaires des salariés.  A la place de compétitivité des entreprises nous pouvons donc dire aussi « cassons-en-chœur-toujours-un-peu-plus-le code du travail ».
Mais nous n’avons pas compris, manants et mauvais esprits que nous sommes, que comme nous le serine le super-incapable, toutes ces décisions ont pour but de sauver la valeur « travail » du naufrage. Encore du vocabulaire perverti, quand on voit les cortèges de chômeurs qui ne  cessent de grossir. Et ce n’est pas en jouant les pompiers de service auprès des usines qui ferment qu’il trompera son monde.
L’estoqué.
La cerise sur le gâteau de cette entreprise de décervelage électoral et de corruption du vocabulaire, c’est le « candidat du peuple ». En terme tauromachique on pourrait parler d’estocade ; je crains, que dis-je, j’espère,  que l’estoqué dans ce cas-là soit le super incapable lui-même.
Je n’ai qu’un regret, que les mots ne puissent pas eux-mêmes protester, dénoncer la supercherie, pour dire « Attention ! Cet homme est dangereux pour la démocratie… et pour le peuple. ! » La preuve : l’attaque contre « les corps intermédiaires …les élites » qui empêcheraient le peuple de s’exprimer. Et je te mets tout dans le même sac, les partis politiques, les syndicats, les associations, les fonctionnaires, les collectivités locales… Autant d’institutions que la démocratie a patiemment mises en place.
Il rêve d’un face à face solitaire entre le peuple et lui, entre lui plutôt, et, derrière des barrières de sécurité et des escadrons de CRS, le peuple.
 Je pense très fortement qu’il s’agit surtout d’un face à face entre lui et lui.
Le peuple a disparu.
L’évocation incantatoire du peuple a fait pschiiiit.
Jean-Marie PHILIBERT.