Le mou et le dur
C’est paradoxal, mais c’est ainsi : toutes les
démocraties ne peuvent exister que,
parce qu’en leur sein, elles entretiennent
un royaume, un royaume d’esclaves dociles et indispensables: le royaume
des bulletins (des bulletins de vote, bien
sûr !). C’est de ce royaume et de ces esclaves-là que je veux vous parler.
Dans les périodes électorales on s’agite beaucoup au royaume
des bulletins. Les disputes vont bon train pour être le plus beau, le plus
fort, le plus séduisant, et donc le plus choisi. Une vie de bulletin, c’est
très éphémère et les plaisirs sont rares; alors autant porter un nom qui
va servir à quelque chose et attirer la sympathie.
Pour les prochaines élections, il y a un nom qui leur fait
honte, qui les fait tous fuir parce
qu’il est synonyme de haine, de racisme, d’exclusion. Vous savez lequel :
les pauvres bulletins qui le portent sont appelés les bulletins KIPU.
On ne se bouscule pas non plus chez les bulletins pour porter
le nom de l’agité-sortant .Les bulletins sont très bien placés pour savoir que
dans toutes les élections qui ont dernièrement eu lieu, il y avait beaucoup de
réticences chez les électeurs à prendre un bulletin qui portait son nom. Les candidats de son propre parti avaient d’ailleurs tout fait pour que
son nom disparaisse.
Quelques bulletins, par coquetterie sans doute, par besoin de
se singulariser, aiment porter un nom
peu connu. Ils permettent ainsi à la démocratie de s’exprimer. D’autres
bulletins peureux veulent cacher leur opinion (de droite), ils choisissent systématiquement le centre. On
leur trouve toujours le nom d’un peureux à porter.
La solidité
du bulletin.
A gauche, c’est parfois une affaire de couleur, il y a ceux
qui aiment le rose, ceux qui préfèrent le rouge, ceux qui ne pensent qu’en
vert. Mais à voir comment se présentent les choses, je crois que, même si la couleur garde sa
charge symbolique, l’essentiel doit résider dans la consistance du bulletin,
dans la teneur, dans la solidité, dans les promesses d’avenir qu’il porte. Les bulletins l’ont bien compris : ils se
sont divisés en deux camps bien distincts les bulletins mous et les bulletins
durs. Entre eux les débats sont très animés.
Les bulletins mous disent à satiété que, pour gagner, il ne
faut pas effrayer l’électeur, qu’il faut être gentil, qu’il ne faut pas tout
chambouler, que du passé il n’est pas nécessaire de faire table rase, qu’on ne
pourra pas tout faire tout de suite, qu’il faut tenir compte de la crise
financière, de la dette publique, de l’euro, de l’Europe, des contraintes
internationales, de la mondialisation … que l’essentiel est de se débarrasser
de l’agité-sortant.
Construire
du neuf.
Les bulletins durs veulent tout autant s’en débarrasser, mais ils sont plus raides. Ils veulent s’en débarrasser pour la plus longue période possible. Ils savent d’expérience que la patience est une vertu, eux qui attendent depuis bien longtemps que les choses changent vraiment. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour en rabattre sur leurs ambitions qui sont immenses, elles risquent de décoiffer un peu. Les bulletins durs veulent un vrai partage des richesses : comment y parvenir sans augmenter les salaires, les pensions, le pouvoir d’achat, sans abolir la précarité ? Les bulletins durs n’ont pas peur de reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers. Pour promouvoir un progrès humain durable, ils savent qu’il sera nécessaire de produire autrement, de donner une vraie priorité à l’emploi et à la qualification, de jouer toutes les cartes de la solidarité. Les bulletins durs envisagent même de refonder une 6° république, de s’affranchir du traité de Lisbonne, de construire une nouvelle Europe. De construire du neuf !
Les bulletins durs veulent tout autant s’en débarrasser, mais ils sont plus raides. Ils veulent s’en débarrasser pour la plus longue période possible. Ils savent d’expérience que la patience est une vertu, eux qui attendent depuis bien longtemps que les choses changent vraiment. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour en rabattre sur leurs ambitions qui sont immenses, elles risquent de décoiffer un peu. Les bulletins durs veulent un vrai partage des richesses : comment y parvenir sans augmenter les salaires, les pensions, le pouvoir d’achat, sans abolir la précarité ? Les bulletins durs n’ont pas peur de reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers. Pour promouvoir un progrès humain durable, ils savent qu’il sera nécessaire de produire autrement, de donner une vraie priorité à l’emploi et à la qualification, de jouer toutes les cartes de la solidarité. Les bulletins durs envisagent même de refonder une 6° république, de s’affranchir du traité de Lisbonne, de construire une nouvelle Europe. De construire du neuf !
Dans le royaume des bulletins aussi la subversion
démocratique est à l’ordre du jour et c’est tant mieux : d’où l’importance
du bulletin que nous choisirons.
Le mou n’est pas le dur et le dur n’est pas le mou.
Et nous savons tous que, pour construire, le dur est
préférable au mou.
Jean-Marie Philibert.
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