Le corona,
le corps et la tête.
Le corona a fait des dégâts, c’est le propre (enfin c’est une
façon de parler) d’une maladie, d’une épidémie, d’une pandémie de ne pas nous
vouloir du bien et de nous rappeler ce que nous sommes. Je ne reviendrai pas
sur la maladie elle-même, je n’ai aucune compétence pour en parler, si ce n’est
ce que mes lectures et les media m’ont appris, sans aucune garantie sur la
véracité du propos et l’immensité de nos ignorances.
Mon propos est de tenter de montrer que cette maladie n’est
pas qu’organique, que cette épidémie ne s’attaque pas qu’à nos corps, mais
aussi à nos tronches et à ce que nous avons, ou nous n’avons pas dedans. Je
crains moi aussi sur ce terrain glissant de m’aventurer vers des terres peu
sûres, mais je pense que j’ai quand même quelques arguments à faire valoir.
C’était
avant
D’ailleurs cela a démarré, ici avant que les premiers cas
n’apparaissent. Nous avions la grosse tête. « Même pas peur ! »
Alors que la Chine se confinait, que le virus échappait au contrôle, au plus
haut sommet de l’état, on se la jouait décontracté, on allait au théâtre, on
faisait le kakou, on se voulait rassurant. J’ai même le souvenir d’un conseil
des ministres, officiellement consacré à l’épidémie : il avait servi à décider
d’utiliser le 49/3 pour faire passer le projet de réforme des retraites au
Parlement. C’est dire si l’épidémie on s’en tamponnait le coquillard.
Il était plus urgent de purger nos droits que, par exemple,
de regarder si l’on aurait des masques, si on serait en capacité de tester les
malades, d’organiser les hôpitaux (qu’on avait auparavant mis en coupe réglée).
La première forme que le corona a prise pour brouiller les esprits, y compris
les plus puissants, fut donc le déni. Il s’agissait de détourner les yeux d’une
réalité qui fâche. Ce déni n’a pas touché que nos dirigeants.
Ce fut
pendant
La deuxième fut le contraire. Devant la menace, on ferme
tout, on reste à la maison, on vide les villes, les villages. C’est la guerre…
Et on le répète à satiété. On compte les
morts chaque soir. Jusqu’à pousser les gens qui étaient vos amis à descendre du
trottoir et à passer le plus loin possible de vous quand ils vous rencontraient
dans des villes désertes, où le microbe, le virus, la bébête pouvaient vous
sauter dessus à la moindre inattention. Jusqu’à ne plus se parler, si ce n’est
par ordinateur interposé. Jusqu’à interdire la moindre sortie à tous ceux qui
pouvaient avoir les moindres risques et même ceux qui allaient à merveille.
C’était la trouillomanie sévère. Cette seconde atteinte a touché tout un
chacun, les récalcitrants étaient regardés de travers, passaient pour des
diffuseurs de la pandémie.
Et
maintenant
Cette trouillomanie est telle chez nos gouvernants qu’ils
font ce qu’ils n’ont jamais fait :
ils distribuent du pognon à tout va, « quoi qu’il en coûte »,
c’est dire s’ils sont perturbés.
Mais les atteintes psychologiques ne s’arrêteront pas en si
bon chemin. Avec le déconfinement, le rapport au réel restera très
problématique, après le déni et la trouille, place à la paranoïa : les
masques que je n’ai pas eus, je ne les veux plus, ils ne servent à rien. J’ai
eu la trouille, mais maintenant je fais n’importe quoi. Les rassemblements de plus de 5000 personnes sont interdits,
mais pas au Puy du Fou, bravo De Villiers, là le virus est gentil. Le spectacle
vivant est sinistré, qu’il le reste, là le virus n’est pas gentil. Et puis
Bachelot peut à elle seule faire le spectacle! Les élucubrations sur le
complotisme, sur les rivalités des labos pharmaceutiques, sur les chercheurs
crédibles et ceux qui ne le sont pas prolifèrent. Le tableau est très
parcellaire Un zinzin complet. Et beaucoup d’embrouillamini mental… Pendant que
le corona, ici comme ailleurs, circule.
Deux bonnes nouvelles quand même, nos personnels de santé,
même mal traités, sont efficaces. Et nous avons enfin des masques et des tests.
Il vaut mieux s’en servir. Et il suffit de parcourir les rues de nos villes
pour se rendre compte qu’il y a beaucoup plus de gens lucides et masqués, que
de crétins allumés.
Jean-Marie Philibert
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