les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 25 janvier 2021

La méthode Macron

 

La méthode Macron

De la méthode Macron : les événements de la semaine ont apporté une nouvelle illustration de sa capacité à gouverner et de l’état d’esprit qui l’anime.

Les procureurs

D’abord pour créer un état d’esprit idoine au respect de la parole présidentielle : une petite provocation est toujours la bienvenue. Rappelez-vous « les riens… les fainéants… ceux qui ne savent pas traverser la rue pour chercher un boulot… le pognon de dingue que l’on fout en l’air pour faire du social… » Cette semaine ce fut « les soixante millions de  procureurs » qui n’arrêtent pas de dézinguer son éminence. Les Francais : des râleurs invétérés qui ne savent pas reconnaître la vraie valeur du « conduttore » de la nation. Il faut donc les tancer pour qu’ils perdent de leur superbe.

La seule superbe autorisée, homologuée, c’est la mienne parole de Manu…

Toute la forme de ses discours découle de cette autosatisfaction première, de cette incapacité à voir comme des citoyens lucides et responsables ceux qu’il ne sait considérer que comme des sujets. De la forme au contenu, on reste dans la même veine (déveine, j’ai envie d’écrire) : la situation concrète, les difficultés de vie, les besoins sociaux, les aspirations, les revendications, le peuple et son inconséquence il ne faut surtout pas l’écouter.

Les étudiants

Les universités ne fonctionnent plus depuis des mois, les étudiants n’étudient plus, si ce n’est dans le meilleur des cas en pratiquant cette hérésie du distanciel. Tu écoutes (ou pas) pendant des heures ton ordinateur qui débite un cours. Tu es comme un zombie qui a le droit de tourner un peu dans sa cage. Rien de ce qui fait la transmission du savoir : le dialogue avec celui qui apporte la connaissance à transmettre, la maïeutique (on va dire le questionnement qui accouche les esprits) qui n’est rien sans le retour de l’étudiant, le contact éclairant entre le savoir, la quête du savoir, la recherche de la (d’une) vérité. Les universités sont les seuls lieux où dans le même temps la connaissance se transmet et s’invente. On les ferme presque !
Les mettre hors jeu est suicidaire pour une société et une immense douleur pour les étudiants, qui prennent conscience qu’en dépit des efforts de tous ordres qu’ils font avec leur famille, ils auront du mal à être les ingénieurs, les médecins, les enseignants, les cadres, les juristes, les inventeurs de demain. Il y a chez eux une énorme ambition dévoyée, abusée…

Antisocial et antidémocratique

La réponse de Macron : le retour dans les amphis, oh ! que non ! mais un chèque pour aller voir un psy, et deux repas par semaine à un euro (pour ne pas totalement crever de faim sans doute). C’est sa méthode, alors que dans les écoles, les collèges, les lycées le présentiel fonctionne sans catastrophe sanitaire. Antisocial et incompréhensible.

Quant à ce qui est actuellement en débat autour d’une perspective de troisième confinement, il apparaît comme participant de la même incapacité à écouter qui que ce soit d’autres que les stratèges que l’on s’est choisis, dans un comité ad hoc, de façon à ne pas avoir à faire un quelconque cas des élus, des représentants du monde du travail, des opinions des partis politiques, du terrain associatif… Comme pour les vaccins, pourquoi ne pas tirer au sort trente pèlerins chargés de représenter le vulgus pecum auprès de l’imperator qui décidera ce qu’il veut. Réponse dans la semaine. Elle sera un nouveau poison pour la démocratie.

Jean-Marie Philibert

lundi 18 janvier 2021

La familia grande

 

UN LIVRE UTILE

 

« La familia grande », c’est ainsi que Camille Kouchner intitule son livre, par antiphrase, parce que ce qu’elle nous raconte au fil des 200 pages , c’est l’éclatement de cette familia grande, le-les mensonge(s) sur lesquels elle s’est construite, les acteurs, les victimes, le coupable, les sentiments qui s’y sont exarcerbés ou enfouis et les douleurs qui ne se sont pas éteintes  trente ans plus tard.

Un récit vrai

Ce livre fait l’actualité : il a été au cœur de la dernière Grande Librairie  de François Busnel.  Ce n’est pas une fiction mais un récit vrai, très personnel, d’une histoire familiale qui concerne l’autrice (fille de Bernard Kouchner qui, sans être totalement absent, verra les choses de trop loin), son frère jumeau dont elle change le prénom, sa mère, première épouse du french doctor et son beau-père, Olivier Duhamel, éminence médiatico-politique, qui participe activement à leur éducation, semble-t-il avec bonheur.

Nous sommes dans un monde où l’on ne manque de rien, pas loin de la « Haute », mais où l’on ne donne ni dans le conservatisme, ni dans le conformisme. Des valeurs nouvelles s’y font jour : le féminisme, l’émancipation, la gauche au pouvoir, la libération des moeurs, la réussite sociale, les vacances ensemble à Sanary. Un moment de l’histoire récente (les années 80) y est décrit avec justesse à travers les yeux d’une petite (puis un peu moins petite) fille qui découvre la belle vie et la richesse des relations décontractées qui peuvent s’y tisser  Une grande partie du livre se fait l’écho de ces moments de bonheur. Mais une menace plane et avance qui mettra du temps à apparaître pour ce qu’elle est  Il y faudra de douloureux événements familiaux pour que l’édifice se lézarde, pour que les équilibres précaires perdent de leur superbe, pour que la mère de Camille se mette à boire.

Un trouble bouleversant

Dans un premier temps, le secret le restera,. Le beau-père rend souvent visite la nuit à son beau-fils, jeune garçon de treize ans, pour assouvir des penchants pédophiles, qui se doublent d’actes incestueux. Le trouble est jeté sur un jeune garçon qui ne comprend pas nécessairement  tout, sur sa sœur jumelle Camille qui ne sait pas quoi faire d’une histoire qui, profondeur de la gémellité, la bouleverse et ne finira pas de la bouleverser au point d’avoir besoin de s’en libérer (?) en écrivant «  La familia grande ». Raconter la suite serait amoindrir l’intérêt du livre, la force du témoignage que je voudrais inciter les lecteurs à partager, la langue sobre et personnelle qui captive. On y voit les souffrances d’une conscience : elles dureront, hydres insatiables, elles dévoreront la vie de Camille qui tente courageusement de se construire.

D’autres strates

A s’en tenir à cette approche personnelle, psychologique, la pertinence du livre serait déjà saisissante ; mais le propos de l’autrice va au-delà et les strates invisibles dans lesquelles elle inscrit son histoire justifient amplement les échos qu’elle éveille : qu’ils soient moraux, juridiques, sociaux, philosophiques.

L’inceste est une réalité et la morale s’en est accommodée pendant trop longtemps sans s’interroger vraiment sur l’ampleur des dégâts occasionnés. Ce livre veut sans doute réveiller notre conscience ; là  l’auteur de ces actes est un éminent juriste qui s’accroche à une forme de déni, qui l’arrange comme il a arrangé pendant des décennies tout le tissu social.

Autant de questions qui semblent soulever l’intérêt du comité de rédaction du TC : elles devraient avoir des suites auxquelles les lecteurs du TC peuvent s’associer s’ils le souhaitent.

Avec une certitude ! L’outrage ainsi fait par ceux qui sont censés les aimer à des êtres qui ne sont pas encore adultes et qui souvent se construisent avec difficulté aboutit imparablement à une grande souffrance. Il rend quasiment impossible la conquête de leur liberté en les enfermant dans une négation de leur humanité.

Finissons-en avec des comportements criminels Il est heureux que, dans un air du temps compliqué, des ouvrages nous le rappellent

Jean-Marie Philibert

samedi 2 janvier 2021

 

Des vœux… qui guérissent

de jean marie philibert, poète et infectiologue

On pourra dire dans un moment plus ou moins lointain le sens de ce que nous vivons : l’intelligence des femmes/hommes est telle qu’elle parvient le plus souvent à donner du sens à ce qui en semble dépourvu. Il ne faut que s’en réjouir bien sûr ! Mais pour le moment nous n’en sommes pas là… et ça patine dans la choucroute. Que les alsaciens m’excusent pour un cliché aussi bas de gamme.

Ça patine à tous les étages : ne revenons pas sur ces différentes figures du patinage. Constatons que ça patine un peu partout, que les leçons à tirer doivent incliner à la plus grande prudence, qu’il faut laisser les complotistes-matamores-je-sais-tout-j’ai-peur-de-rien à leurs élucubrations. Protégeons-nous le temps qu’il faut ! Et tentons modestement d’y voir un peu clair.

La guerre

Le trouble est profond, comme la rupture fut soudaine. Le mois de mars 2020 nous a fait basculer dans un monde que nous ne connaissions pas. Un monde vide, des rues vides, une menace réelle, omniprésente, la mort aux trousses des plus fragiles, des protections élémentaires absentes, un pouvoir qui cachait son incurie sous de grands mots… La guerre… Nos ancêtres avaient connu 14/18, nos parents-et grands-parents 39/45, l’ Algérie. Nous ce sera le Corona. Et pour former/déformer les esprits, le comptage méticuleux des victimes tous les soirs à la télé.

La langue nouvelle

Avec les mots nouveaux d’une langue nouvelle : le télé-travail, par exemple, le distanciel pour être ensemble sans être ensemble, le présentiel quand on ne pouvait pas faire autrement, les gestes-barrières, les contaminés asymptomatiques, le mètre règlementaire  pour séparer tous les êtres vivants, le confinement et le déconfinement, le kilomètre dans lequel il faut s’enfermer pour tourner en rond, , l’autorisation de sortie à se délivrer à soi-même pour se donner le droit d’aller prendre l’air, mais une heure seulement...Toute manifestation prohibée, interdite, comme dans les dictatures… Le couvre-feu en temps de paix. Pas de bisous, ni de serrements de mains. Et les punitions pour tous les récalcitrants. Nous pourrons dire à nos descendants que nous avons fait des expériences inoubliables.

 

Les horreurs et les grands esprits

 

Avec quelques horreurs et quelques indignités dont celles, barbares, de ne pas avoir le droit d’accompagner nos morts dans leur dernier voyage, après les avoir enfermés vivants, à double tour dans les EHPAD. Rétrospectivement on se dira un jour que notre humanité avait pris un coup sur la casaque… que le rationnel avait connu des ratés.

Même quelques grands( ?) esprits s’étaient mis à élucubrer  des hypothèses croquignolesques et avaient réinventé un grand satan manipulateur de tout ce cirque.

 

Et les gens de progrès et le jour d’après…

D’où chez les plus engagés, le souci de dresser quelques perspectives, parce qu’on est conscient que ça ne doit ni durer, ni recommencer. Les gens de progrès, il y en a plus qu’on ne le pense, et ils sont un ferment social indispensable, organisé ou moins organisé, se sont  projetés dans un jour d’après où les tares d’un système social foncièrement inégalitaire, où l’exploitation du plus grand nombre par quelques privilégiés, où le saccage sans retenue de la planète ne seraient plus des données incontournaples.

Cette résistance est la nôtre : elle n’a dit que ses premiers mots.

La mise en œuvre d’un vaccin (et ce qu’elle révèle des avancées de la médecine) fait partie de ces signes positifs, comme la persistance du civisme lucide, mais pas aveugle, qui a été et reste le nôtre, comme toutes les formes de solidarité que la crise a multipliées, comme la volonté plus que durable de lutter pour une société juste et libre.

 

Que 2021 nous fasse tous avancer dans cette longue marche.

Dont pour fêter la nouvelle année et troubler la morosité ambiante, je vous offre le récit épique (bien sûr).

 



Le lent récit d’une marche sans fin

Une longue marche donc

Une haute marche donc

Une forte marche donc

Une marche obstinée, récalcitrante, mal éduquée

Mais sympathique

Avec les armes de la générosité en bandoulière et de la chaude et rouge camaraderie dans les veines

Le sourire aux lèvres

La colère dans la gorge

La détermination dans les yeux

Pour dire à l’espace, au temps et aux puissants

Qu’ils ne sont que ce que nous voulons bien qu’ils soient

Que le monde est notre travail notre sueur notre ambition notre rêve

Non seulement il le restera mais on va tant et tant marcher

Têtus courbés pleins de hargne

Qu’il le deviendra un peu plus et un peu plus et un peu plus

Même si nos chaussures s’usent

Nos muscles mollissent

Notre ambition est tintacte inaltérable bouillonnante

Comme le sang qui nous nourrit

Comme les désirs qui nous font tous les jours inventer

La vie et les mots pour la dire et les rires pour la sublimer et les couleurs pour la chanter