UN LIVRE
UTILE
« La familia grande », c’est ainsi que Camille
Kouchner intitule son livre, par antiphrase, parce que ce qu’elle nous raconte
au fil des 200 pages , c’est l’éclatement de cette familia grande, le-les
mensonge(s) sur lesquels elle s’est construite, les acteurs, les victimes, le
coupable, les sentiments qui s’y sont exarcerbés ou enfouis et les douleurs qui
ne se sont pas éteintes trente ans plus
tard.
Un récit
vrai
Ce livre fait l’actualité : il a été au cœur de la
dernière Grande Librairie de François
Busnel. Ce n’est pas une fiction mais un
récit vrai, très personnel, d’une histoire familiale qui concerne l’autrice
(fille de Bernard Kouchner qui, sans être totalement absent, verra les choses
de trop loin), son frère jumeau dont elle change le prénom, sa mère, première
épouse du french doctor et son beau-père, Olivier Duhamel, éminence
médiatico-politique, qui participe activement à leur éducation, semble-t-il
avec bonheur.
Nous sommes dans un monde où l’on ne manque de rien, pas loin
de la « Haute », mais où l’on ne donne ni dans le conservatisme, ni
dans le conformisme. Des valeurs nouvelles s’y font jour : le féminisme,
l’émancipation, la gauche au pouvoir, la libération des moeurs, la réussite
sociale, les vacances ensemble à Sanary. Un moment de l’histoire récente (les
années 80) y est décrit avec justesse à travers les yeux d’une petite (puis un
peu moins petite) fille qui découvre la belle vie et la richesse des relations
décontractées qui peuvent s’y tisser Une
grande partie du livre se fait l’écho de ces moments de bonheur. Mais une
menace plane et avance qui mettra du temps à apparaître pour ce qu’elle est Il y faudra de douloureux événements
familiaux pour que l’édifice se lézarde, pour que les équilibres précaires
perdent de leur superbe, pour que la mère de Camille se mette à boire.
Un trouble
bouleversant
Dans un premier temps, le secret le restera,. Le beau-père
rend souvent visite la nuit à son beau-fils, jeune garçon de treize ans, pour
assouvir des penchants pédophiles, qui se doublent d’actes incestueux. Le
trouble est jeté sur un jeune garçon qui ne comprend pas nécessairement tout, sur sa sœur jumelle Camille qui ne sait
pas quoi faire d’une histoire qui, profondeur de la gémellité, la bouleverse et
ne finira pas de la bouleverser au point d’avoir besoin de s’en libérer (?) en
écrivant « La familia grande ». Raconter la suite serait amoindrir
l’intérêt du livre, la force du témoignage que je voudrais inciter les lecteurs
à partager, la langue sobre et personnelle qui captive. On y voit les
souffrances d’une conscience : elles dureront, hydres insatiables, elles
dévoreront la vie de Camille qui tente courageusement de se construire.
D’autres
strates
A s’en tenir à cette approche personnelle, psychologique, la
pertinence du livre serait déjà saisissante ; mais le propos de l’autrice
va au-delà et les strates invisibles dans lesquelles elle inscrit son histoire
justifient amplement les échos qu’elle éveille : qu’ils soient moraux,
juridiques, sociaux, philosophiques.
L’inceste est une réalité et la morale s’en est accommodée
pendant trop longtemps sans s’interroger vraiment sur l’ampleur des dégâts
occasionnés. Ce livre veut sans doute réveiller notre conscience ; là l’auteur de ces actes est un éminent juriste
qui s’accroche à une forme de déni, qui l’arrange comme il a arrangé pendant
des décennies tout le tissu social.
Autant de questions qui semblent soulever l’intérêt du comité
de rédaction du TC : elles devraient avoir des suites auxquelles les
lecteurs du TC peuvent s’associer s’ils le souhaitent.
Avec une certitude ! L’outrage ainsi fait par ceux qui
sont censés les aimer à des êtres qui ne sont pas encore adultes et qui souvent
se construisent avec difficulté aboutit imparablement à une grande souffrance.
Il rend quasiment impossible la conquête de leur liberté en les enfermant dans
une négation de leur humanité.
Finissons-en avec des comportements criminels Il est heureux
que, dans un air du temps compliqué, des ouvrages nous le rappellent
Jean-Marie Philibert
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