les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 23 janvier 2023

La mayonnaise

La mayonnaise Vous avez fait l’expérience culinaire d’une mayonnaise récalcitrante à qui vous avez donné tout ce qu’elle demande, son petit jaune d’œuf, son petit filet d’huile et même ses petits grammes de moutarde, que vous avez entrepris de monter avec une spatule en bois, à température ambiante, comme on vous a dit ; et patatrac, elle refuse de monter. Soit elle vous nargue en quelques secondes pour donner au fond du bol un liquide jaunâtre qui vous met en colère. Soit elle fait semblant de vous écouter, elle se densifie lentement, mais sûrement, vous en profitez pour accentuer le filet d’huile, presque assuré de votre affaire, et là pour une raison inconnue vous sentez qu’elle se fragilise, qu’elle perd de sa consistance jusqu’à devenir de plus en plus liquide… Foutu ! Et puis parfois, pour des raisons qui vous échappent un peu…tout marche à merveille… De la métaphore Cette métaphore culinaire est souvent utile dans l’action sociale : l’ambition de ceux qui luttent (ils savent qu’on ne gagne jamais tout seul) est de créer de la solidarité, de l’engagement, c'est-à-dire de rassembler du monde pour obtenir satisfaction. ET ce n’est jamais la génération spontanée, il faut que ça monte, comme pour la mayonnaise il faut des ingrédients, et il faut touiller, touiller, et puis ça prendra, ou pas. Avec les conflits précédents des retraites, on a le souvenir de mayonnaises qui avaient largement débordé de tous les bols et qui avaient donné des soucis aux différents pouvoirs. Tous les ingrédients sont là Là, avec le projet de Macron de nous voler un peu de notre retraite, on se doutait que la mayonnaise avait de beaux jours devant elle, d’autant que tous les ingrédients, je dis tous, même l’huile CFDT, étaient disposés à faire péter le bol. Eh bien l’art culinaire qui est parfois hasardeux, comme l’activité syndicale, un certain 19 janvier est presque devenu une science exacte. Le 19 janvier, une mayonnaise de tous les diables. Du monde comme très rarement, les habitués, les nouveaux, les jeunes et les moins jeunes, tous les syndicats, les organisés et les moins organisés, une ville, des villes paralysées. Un plaisir manifeste de se retrouver. A PERPIGNAN, le grand tour des grands boulevards. Une conscience sociale en éveil comme jamais. Le pouvoir est interloqué, en général il n’aime pas la mayonnaise, mais là il ne peut que reconnaître qu’elle a prise, qu’elle rassemble, quantité et qualité, que même si elle n’est pas à son goût, il va falloir faire avec. Le peuple dans la rue Macron qui se doutait de quelque chose était allé faire un tour à Barcelone pour ne pas assister à ce qu’il n’apprécie pas du tout : le peuple dans la rue ! Les contorsions des ministres, le « même pas peur » du Président Freluquet,(pardon, Macron), les journalistes aux ordres qui emberlificotent les consciences, les « Républicains » qui s’interrogent, des élus de la majorité qui ont des états d’âme, même le Rassemblement national, pourtant opposé à la réforme qui se tait ( le jour de la manif Marine était, elle, au Sénégal ), les syndicats qui programment une nouvelle montée de mayonnaise unitaire pour le 31 janvier : tout cela dessine un paysage qui fait plaisir à voir pour tous ceux qui ont le progrès, la justice sociale chevillés au corps Il va donc falloir touiller à nouveau pour faire que les mayonnaises à venir soient d’une force encore plus grande, qu’elles restent toujours aussi fermes, unitaires et déterminées pour faire comprendre à un pouvoir réactionnaire qui visiblement ne les digère pas bien qu’il doit donc éviter de les provoquer, qu’elles ne lui appartiennent pas, qu’elles sont la chose du peuple, comme son droit à la retraite. Jean-Marie Philibert

dimanche 15 janvier 2023

LA RETRAITE MA COPINE

La retraite… ma copine Depuis presque 20 ans on copine sec, du matin au soir à glandouiller, à palabrer, à aller au café, au cinéma, à faire encore un peu le syndicaliste et donc à militer, à lire la presse et le reste, à écrire pour le TC, à aller un peu plus souvent chez le toubib, à m’occuper de ceux que j’aime, à faire aussi les commissions, à peindre, dessiner et visiter ma muse, à mettre les pieds dans le plat de temps à autres… j’oubliais, à faire de la gym ( par devoir), à me souvenir, sans regret, que pendant des décennies j’ai fait le prof, avec beaucoup de sollicitude, mais de temps à autres avec le regard dur (pour avoir la paix). Enfin à digérer mes peines, à cultiver mes joies et à partager avec elle, Miss retraite, les visages qui m’ont marqué. A l’insu de mon plein gré Elle est une copine et même plus, alors qu’au départ elle n’était rien pour moi. Lorsqu’à la fin de l’été de 1968, j’ai rencontré mes premiers élèves, elle était une totale inconnue dont je me désintéressais absolument et pourtant miracle du droit du travail, je mettais déjà pour elle des sous de côté, à l’insu de mon plein gré. Le passage de la gauche au pouvoir en 81 m’a permis de croire que dès les 60 ans je pourrais me jeter dans ses bras, mais cela me laissait froid. Les urgences étaient ailleurs, dans les batailles quotidiennes pour le service public, pour une éducation de haut niveau, de qualité pour tous… Serrer le quiqui Le temps passant, les évolutions socio-économiques et les chantres du capital trouvant que payer les gens à ne rien faire n’était pas moral, ni normal, les puissances financières européennes s’organisèrent pour serrer le quiqui aux retraités et aux travailleurs qui prétendaient le devenir le plus tôt possible. Et après les années 80, la retraite s’est mise à occuper les esprits. Les socialistes ont traîné les pieds. La droite en a fait son cheval de bataille. ET Lulu Berlu que je suis a dû s’y mettre, à combattre un discours éculé. On meurt plus tard. On coûte trop cher. Tous les pays travaillent plus longtemps. On n’aura plus de sous pour payer ces fainéants. A l’attaque A l’attaque, à l’assaut contre les couillonnades du plan Juppé, en 1995, les projets de Fillon en 2003 pour allonger la durée de cotisation, celui d’Eric Woerth en 2010, pour repousser de deux ans l’âge minimun de liquidation des pensions, celles de Marisol Touraine ( 43 ans) en 2013, et ça continuera jusqu’à Macron avec son projet de retraites à points. Avant donc de profiter de ses bienfaits, j’ai dû donc consacrer beaucoup de mon temps, à défendre, connaître, m’enrichir de son histoire, de son sens, de son apport incommensurable au droit du travail, à la santé des travailleurs et illeuses et à me dire qu’il serait bien que j’en profitasse moi aussi. Et donc sans réserve, je profite, mais pas les pieds dans mes pantoufles, actif, déterminé et solidaire dans une démarche syndicale qui se doit de combattre le piège de l’individualisme dans lequel le pouvoir veut nous enfermer. Certes vous perdez deux ans, mais regardez ce que vous allez gagner. Et des calculs d’apothicaire pour faire croire qu’il n’y aura plus de petites retraites, que la pénibilité sera prise en compte, que les carrières longues seront étudiées attentivement et que, grâce à votre silence, le système sera sauvé ad vitam aeternam. Mensonges ! Le système vit et vivra de nos luttes. Malgré ses insuffisances et ses injustices, il fait des heureux depuis des lustres, dans une période de la vie qui n’est pas toujours facile. La retraite est une copine universelle pour le peuple dans sa richesse et sa diversité, il y tient. Et j’ai honte pour tous ceux qui tentent de la réduire, avec des arguments d’un autre âge. Cette copine-là, les mouvements en cours vont montrer qu’elle est toujours jeune et vigoureuse ; j’aimerais qu’elle puisse infliger, à ces réactionnaires de tous poils, dont beaucoup veulent sa perte, la correction qu’ils méritent. Jean-Marie PHILIBERT