les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

samedi 26 janvier 2013

ESPRIT ES TU LA ?



Esprit, es-tu là ?
Là où souffle la tramontane, l’esprit ne souffle pas nécessairement. C’est mon cas ce matin. J’ai mon billet d’humeur à écrire et le souffle de mon esprit est au point mort. J’ai bien quelques petites idées à mettre en avant.
Par exemple les déclarations des élus PS de la Côte Vermeille qui ne pouvaient pas laisser passer la caravane des manifestants du 19 Janvier sans apporter bien sûr leur soutien, mais en omettant de dire que le budget 2013 que leur parti a voté ne fera qu’enfoncer la Côte Vermeille un peu plus dans la crise et l’austérité. Et Pierrot Aylagas, le député-maire d’Argeles, il l’a voté ce budget. Alors il y aurait deux vérités : une à Argeles et l’autre à Paris.
L’art ( ?) de la citation.
Dans la série «  les billets d’humeur auxquels vous avez échappé », il pourrait y avoir le chapelet de vœux pieux (bien sûr, c’est un chapelet) alignés par un grand nombre de maires à l’occasion des cérémonies de la nouvelle année ; ils ont souvent à leur disposition un dictionnaire des citations où ils puisent sans retenue. Le champion toute catégorie, Pujol, le maire de Perpignan. « Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts » d’Isaac Newton a fait un tabac, cette année et pas seulement à Perpignan. Et en plus, à Pujol, elle lui va très bien puisqu’il a centré toute son activité municipale sur la construction d’une passerelle piétonnière sur la Têt.  Pendant toute ma carrière d’enseignant, j’ai tenté d’apprendre à mes lycéens qu’il fallait être prudent et modeste dans l’usage de la citation, qu’il valait mieux donner le sentiment que l’on pensait par soi-même plutôt qu’à travers les phrases ronflantes piquées à droite et à gauche. Mais au moment d’écrire leurs discours les maires devaient être comme moi ce matin : le souffle de l’esprit absent !
 Alors on emprunte, on papillonne !
Le train du monde.
Mais le train du monde suit son cours qui n’est pas réjouissant, les difficultés sociales  nous assaillent sans perspective d’issue autre qu’une bataille de tous les instants pour refuser de se laisser enfermer dans le « no future ». Et le déferlement intégriste ajoute son lot de  violences, de folies meurtrières,  dont il n’est pas impossible de penser qu’un peu moins de pauvreté, un peu plus de justice et de démocratie auraient pu briser l’élan moyenâgeux. Mais les grandes puissances, comme on dit, ont-elles eu un jour cette ambition ? Regardez la sollicitude dont bénéficient des monarchies et des régimes d’un autre âge qui font peu de cas de la dignité humaine, mais qui grouillent de pétrodollars. Alors une petite guerre en Afrique peut avoir son utilité… Le train du monde, je vous dis !
Et le Nouveau Roman.
On peut ne pas avoir envie de le prendre pour se réfugier ailleurs. Dans « Nouveau Roman », le spectacle de Christophe Honoré présenté au théâtre de l’Archipel (il nous coûte suffisamment cher ce théâtre, autant en profiter surtout quand le spectacle est de qualité). C’est l’histoire de ce genre littéraire à part que raconte ce spectacle : un genre qui se veut hors des conventions, dans la seule nécessité d’une écriture inventive pour dire sa vérité du monde et des hommes. Une vérité au moins aussi vraie que beaucoup des discours entendus. Une vérité que l’on aurait pu croire démodée, mais qui avait gardé toute sa verdeur. Même s’ils ont aujourd’hui tous disparu, les Samuel Beckett,  Nathalie Sarraute, Claude Simon, Alain Robbe-Grillet … qui revivent sur scène ont encore des choses à nous dire sur les interrogations qui fondent notre humanité, sur le monde qui semble nous emporter, sur la liberté de penser, de créer, sur le souffle de l’esprit qui peut parfois nous animer. Les lycéens nombreux dans la salle, après une écoute très attentive du spectacle ont applaudi sans retenue : sans doute ont-ils été sensibles à un tel souffle de l’esprit, vrai, mais qui ne se prend pas au sérieux.
Ca y est, vous voyez, j’en ai aussi retrouvé un peu de ce souffle de l’esprit et il me permet de terminer ce billet d’humeur qui part dans tous les sens,  qui n’a ni queue, ni tête et qui mélange tout. Comme la vie et le nouveau roman! Merci, la littérature !
Jean-Marie Philibert.

samedi 19 janvier 2013

le lutte des classes



Les mauvaises pensées.
Tant d’efforts pour rien !
Tous ces penseurs convoqués pour annoncer la bonne nouvelle : Marx est mort ! Toutes ces campagnes médiatiques pour nous convaincre que les patrons sont devenus des entrepreneurs humanistes, que les banquiers sont les bienfaiteurs de l’humanité, que tous les ouvriers dorénavant seront chinois ou ne seront pas, n’auraient donc rien donné. Toutes les tentatives pour ringardiser les luttes sociales auraient donc échoué. Tous ces élus socialistes auraient été définitivement transformés en chantres de la concurrence libre et non faussée et en apôtres de l’austérité et l’électeur moyen ne serait pas convaincu. Damnation ! Abomination ! Belzebuth est de retour ! Et avec lui les mauvaises pensées.
L’impensable
Depuis des décennies, on utilise toutes les ressources du vocabulaire pour faire disparaître du terrain social ce qui pourrait faire désordre. Dieu sait et Marx aussi  que la classe ouvrière, ça fait désordre dans le paysage : ça ne porte pas les beaux costumes des beaux quartiers, ça n’a pas les bonnes manières de la duchesse de machin-truc, ça vit dans des immeubles où règne l’insécurité, et surtout, surtout ça manifeste trop-trop souvent, ça revendique, et du boulot et des augmentations et des droits, et même de la justice, de la justice vous pensez ? Mais voyons, c’est impensable. Il faut que ça cesse, il faut que le capital puisse répandre ses bienfaits sur tous. C’est cela l’égalité voyons et ça n’a rien à voir avec le nivellement par le bas qu’ont pu imaginer tous ces révolutionnaires marxistes… Beurk ! Rien que ces mots nous donnent de l’urticaire à nous les thuriféraires de la nouvelle société.
Une réalité.
Eh bien, ma bonne dame, mon bon monsieur, on s’est fatigué pour rien. Il y a une expression sur laquelle tous les efforts avaient été concentrés, qui avait été bannie du paysage, (dans les rédactions des journaux bien pensants son utilisation vous valait un licenciement immédiat et sans indemnisation), c’est … horreur … j’ose à peine l’écrire de peur que cela souille mon ordinateur dernier cri… c’est « lutte des classes ». Eh bien la lutte des classes n’est pas morte : c’est l’huma de mercredi qui nous l’apprend en rendant compte d’un sondage d’opinion réalisé à la demande du quotidien. Et  même que nos concitoyens auraient le sentiment largement majoritaire (56% chez les artisans et commerçants, 59% chez les professions libérales et cadres supérieurs, 57 % chez les employés et professions intermédiaire, 53 % chez les ouvriers et même, pensez donc, chez les inactifs 57 %) d’appartenir à une classe sociale. Et le pire c’est la suite, et là les chiffres sont encore plus éloquents : 62 % des inactifs, 63 % des ouvriers, 68 % des employés et professions intermédiaires, 60 % des professions libérales et cadres supérieurs, 59 % des artisans et commerçants pensent, ouvrez bien vos grandes oreilles, qu’en France, à l’heure actuelle, la lutte des classes est une réalité. U-N-E   R-E-A-L-I-T-E !!!!!!
Imaginez toutes les révisions déchirantes que cela va entraîner.
Je vais vous révéler un secret, à la rédaction du T.C., nous avions fait notre petit sondage depuis longtemps et nous savions que la machine à décerveler n’avait pas bien fonctionné. C’est la raison qui nous incitait chaque fois qu’il y avait un coup de mou sur le terrain social à prescrire un petit coup de lutte des classes. Mais je pense que là les perspectives s’ouvrent et qu’il ne faudra plus se contenter de petits coups par ci par là, mais d’un grand « cop d’escombre » pour redonner du goût à la vie. C’est ce que je nous souhaite pour 2013 !
Jean-Marie PHILIBERT.

mercredi 9 janvier 2013

parenthèses



(Parenthèses)
La ponctuation a des ressources insoupçonnées et du sens, ainsi des parenthèses et des guillemets. Ce sont dans notre langue les deux seuls signes de ponctuation qui sont à double détente : ils s’ouvrent et se ferment. Dans le cas des guillemets, c’est normal, on ne peut pas parler sans fin, tout discours même le plus long et le plus pénible a un début et une fin qui peut être parfois perçue comme libératrice. Dans le cas des parenthèses, la logique n’est plus la même. Il y a  un changement de registre, de perspective, de regard, un moment de respiration, une remarque de moindre importance, un complément d’information,  quelque chose qui n’est pas tout à fait dans la norme attendue que l’on  tente d’inclure dans le discours sans y mettre fin.
Respirer enfin !
C’est un peu la même chose dans la vie, après des mois de travail ou de chômage, après des périodes tristounettes, après la monotonie du quotidien, dont on sait qu’ils vont continuer, on s’accorde comme une parenthèse pour respirer, pour penser à autre chose. Le temps social est scandé par ces périodes et la période de Noël en fait partie pour les croyants, comme pour les incroyants. Le goût de la fête et des plaisirs a le pouvoir de dépasser l’esprit de chapelle est c’est tant mieux. Mais les parenthèses se referment toujours et il faut revenir aux choses sérieuses.  C’est fini. N.I.N.I. On reprend le boulot, les emmerdes, le pôle-emploi, l’école, le train-train du quotidien, avec les poches un peu vides, ou complètement vidées. Les parenthèses n’arrêtent pas le temps.
On peut garder un œil sceptique devant ces périodes de festivités normalisées, rituelles et consensuelles ( ?): elles existent, elles nourrissent l’imaginaire des enfants, elles rassemblent. Elles sont utiles, dans un monde qui oppose, qui divise, qui rend les plus fragiles tous les jours un peu plus fragiles, qui ne sait plus quoi inventer pour nous rogner chaque jour un peu plus les ailes, dans une société qui trouve tous les prétextes possibles pour remettre en cause les avancées sociales chèrement conquises et qui parfois nous  promet des reculades  pires encore. La parenthèse en se fermant nous confronte au monde tel qu’il est et à ses acteurs pas toujours drôles.
Sourire.
Encore que l’observation attentive des faits et gestes, pendant cette parenthèse, de notre président normal et de son gouvernement moumou puisse inciter à sourire quelque peu. Il fallait montrer que l’on reste au turbin, que le pédalo continue à être piloté de main ferme au milieu de la tempête, alors à l’Elysée on a fait dans la sobriété, on n’est pas parti pour des vacances somptuaires sur des yachts de luxe appartenant à de riches copains. Le premier ministre s’est autorisé une escapade dans les Pyrénées catalanes, en toute discrétion, et même le peloton de gendarmerie qui l’accompagnait avait la consigne de rester discret et de laisser l’uniforme au vestiaire pour avoir l’air d’un vacancier moyen. Comme s’ils sacrifiaient leurs parenthèses.  Comédie du pouvoir pour les uns et aggravation continue de la situation pour les autres : n’y a-t-il pas d’autres perspectives à proposer ?
Par exemple, tenir les promesses faites ; par exemple ne pas laisser les salariés désarmés devant les décisions des patrons ; par exemple renforcer le droit du travail ; par exemple investir dans les services publics de façon à les rendre mieux à même de remplir leurs missions de formation, de santé, de protection…  Par exemple en finir avec la misère qui gangrène nos villes et nos banlieues. Par exemple donner un toit à tous ceux qui n’en ont pas !
Ouvrons une parenthèse sur le toit : le maire de Perpignan vient de décider de chasser de l’école Jeanne Hachette les familles de sans papiers qui l’occupent, la lutte se poursuit et s’organise. Fermez la parenthèse. Plus de toit !
C’est un signe de plus que pour ouvrir de nouvelles parenthèses de progrès, pour construire un avenir qui ressemble à l’avenir et pas à un champ de ruines, nous ne pouvons compter que sur notre maîtrise de la ponctuation et sur notre volonté indéfectible de nous battre pour un monde meilleur. Ouvrons grand les parenthèses !
Jean-Marie PHILIBERT.