les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

jeudi 30 mai 2013

risotto



Du réalisme.
J’en ai un peu assez de toujours taper sur les mêmes, non pas qu’ils ne le méritent pas, on dirait qu’ils font tout pour ça. Regardez Hollande et son nouvel abandon du projet de taxation des très haut revenus : il envoie Moscovici dire avec la bouche en cul de poule et sa dose de conviction toujours au top que cela serait inutile,  et hop une promesse de plus aux oubliettes. La droite, c’est pareil : ils n’arrêtent pas de jouer à plus réac que moi tu meurs. La bataille contre le mariage pour tous leur va comme un gant : c’est un cache-misère idéologique où chacun puise ce qu’il veut et où ils peuvent faire copain-copain avec encore plus réacs qu’eux. Dans les rubriques locales rien n’émerge : Pujol, il est de plus en plus nobody dans une ville fantôme.
Du risotto…
Alors sortons de ce qui fâche pour nous distraire en évoquant des sujets plus légers, plus culturels. La culture peut représenter parfois un moment de respiration dans un monde trop prégnant. Et d’autant plus que la culture qui nous était, là, promise  n’était pas que divertissante, on la disait aussi nourrissante. Il s’agit du dernier spectacle de la saison de notre « cher » (dans tous les sens du terme et en particulier pour les finances locales) Théâtre de l’Archipel. Le titre « Risotto », un essai sur l’art du risotto, « une amitié de cinquante ans racontée, le temps de la préparation et de la cuisson d’un risotto d’exception, par deux italiens… » . Le théâtre est-il contaminé par la prolifération d’émissions culinaires de télévision ? Le spectacle de nos deux italiens  serait antérieur à cette déferlante et tiendrait lieu de performance dans ce qu’ils appellent « une dramaturgie de la réalité ». Je me garderai de tout jugement ferme et définitif sur un spectacle où je me suis copieusement ennuyé : à voir les départs prématurés de quelques spectateurs, je n’étais pas le seul. Je voudrai surtout m’interroger sur ce que peut être, doit être une dramaturgie de la réalité et plus largement sur la question du réalisme au théâtre, dans les arts en général, et peut-être même au-delà.
A une réalité dramaturgique...
Suffit-il de mettre une gazinière sur une scène, d’y couper des oignons, d’y pleurer (à cause des oignons), de veiller à ce que la cuisson du risotto soit comme il faut et d’inviter les spectateurs à venir le déguster pour que la réalité devienne dramaturgique et la dramaturgie réalité ? On a là un nouvel avatar du schématisme ambiant qui réduit la réalité à ses apparences et qui en les théâtralisant tente de leur donner la force de la vie. Le spectacle du monde devient le monde et nous devenons les victimes d’un réalisme trompeur. Dans ce monde-spectacle il ne nous restera plus qu’à rester sage comme des images qui regardent des images qu’ils croient vraies.
Et le monde politique fonctionne sur un schéma qui n’est pas très éloigné de celui de nos compères italiens (mes démons reviennent) : nous croulons sur les images « vraies » prises en « live », en général mises en scène dans les journaux télévisés successifs. Hollande au Mali, en Ethiopie, en Allemagne. Emmanuel Valls sur le terrain des manifestations … Elles sont la réalité et ils sont le réalisme. La force de l’image, du concret, de la preuve tangible qui s’impose à nous sans discussion possible. Leur parole devient alors incontestable et la contestation est donc inutile. C’est la loi du risotto.
Pour une leçon très riquiqui.
Il est donc alors aisé de glisser du sentiment du réalisme et  d’une vérité indiscutable à l’évocation de toutes les conséquences qui ne peuvent qu’en découler naturellement. Ainsi Hollande  lors de la Fête des 150 ans du parti social-démocrate allemand : « Le réalisme ce n’est pas le renoncement à l’idéal, mais l’un des moyens les plus sûrs de l’atteindre. Le réformisme ce n’est pas l’acceptation d’une fatalité, mais l’affirmation d’une volonté. Le compromis ce n’est pas un arrangement, mais un dépassement… »
Je me fais une autre idée du réalisme, aussi bien au théâtre, qu’en politique et en philosophie : limiter le réalisme  aux seules dimensions d’un monde possible, c’est l’enfermer dans un réel qui en sclérose les potentialités et renoncer définitivement à toute perspective de transformation sociale. C’est ouvrir toutes grandes les portes du réformisme, des compromis et des petits arrangements qui ne nous offrent qu’un risotto insipide.
Jean Marie PHILIBERT

mercredi 22 mai 2013

mouvement



Mouvement.
Des années d’enseignement de la langue française ne peuvent que laisser quelques traces : en particulier une grande sensibilité aux sens des mots, une crainte toujours présente celle de voir ces sens peu à peu se vider de leur richesse et les mots se vider de leurs vies. Vous me direz que c’est le propre de toute langue de mettre du sens en mouvement et que cela ne peut pas se faire sans casser quelques œufs et torpiller quelques mots. Mes centaines d’élèves  en ont torpillé pas mal, ils en ont inventé tout autant. Cela ne peut que donner allégresse et richesse à une pratique qui est fondatrice dans la construction de la personnalité, comme de la culture, et qui peut se mener sans limite d’âge. Il suffit d’aimer les mots et en général ils vous le rendent bien. Les profs de français aiment les mots, certains de leurs élèves aussi, les journalistes aussi. Même si entre les profs et les journalistes des querelles surannées et passéistes peuvent opposer des approches académiques et modernistes qui sont toujours emportées par le mouvement de la vie qui tranche… dans le vif.
A propos d’un éditorial.
Et c’est de ce mouvement de la vie que j’ai l’intention de vous parler aujourd’hui, à propos d’un éditorial écrit dans le quotidien local que je ne cite pas parce qu’il n’y en a qu’un,  intitulé justement « Mouvement » et qui traite de la conférence de presse de celui que dans le billet précédent je comparais à Lou Ravi et à Tartuffe réunis (c’était la séquence révision). Vous avez deviné de qui il s’agit. Le billettiste que je suis peut s’autoriser des libertés qu’un éditorialiste n’a pas. Je  peux partir dans tous les sens, me moquer des uns et des autres, chercher à amuser mon lectorat. Le journaliste sérieux qui écrit son édito a un sens à faire passer, qui soit à la fois le sien, celui du journal, celui du ou des patrons du journal, celui des hobereaux locaux et aussi un peu celui du public.
Et le sens que l’Indép (oh zut, je l’ai cité) donne au mot mouvement  mérite quelques commentaires.
Il doit accélérer !
D’abord, une petite perfidie,  en disant que la seule chose nouvelle et intéressante qu’Hollande ait annoncée dans sa conférence de presse n’était pas de lui, mais  d’un de ses inspirateurs, l’artiste suisse Jean Tinguely ( un inventeur de mobiles en tous genres) qui a dit « La seule chose stable, c’est le mouvement ».Et l’éditorialiste,  de s’appuyer sur ce paradoxe pour gloser sur tout ce qui bouge en ce bas monde, d’autant plus que la crise a horreur de l’immobilité. Et de déboucher sur la conclusion imparable : le chef de l’état doit bouger  et vite. Jusque-là il a tout fait au ralenti, il doit accélérer et en profondeur… « sur les retraites, sur le gouvernement économique de l’Europe, sur les grands chantiers d’avenir. »
En marche arrière.
 Comme vous n’êtes pas des lecteurs idiots, vous avez compris que le mouvement préconisé sur les retraites, c’est un mouvement à sens unique, ou en marche arrière, comme vous voulez : travailler plus longtemps, payer plus de cotisations, pour partir plus âgés (et contents sans doute) avec des retraites réduites. Comme disent les linguistes, le beau mot de mouvement a perdu toute sa polysémie, c'est-à-dire toute la richesse de ses sens multiples, divers et ouverts, que notre éditorialiste ne semble même pas soupçonner, pour servir à bourrer les crânes d’un mensonge éhonté : le pays ne peut plus nourrir ses vieux, il va falloir passer à la caisse et faire passer à la casse dans la foulée tant d’autres droits qui ne sont que des survivances d’un monde défunt. Les millions de chômeurs, de précaires, les tonnes de retraités pauvres,  la misère sociale enkystée, c’est le fatum, on n’y peut rien. Hollande doit bouger dans le sens d’une politique encore plus réactionnaire pour que tous les réactionnaires du monde entier puissent en se donnant la main dire : on a gagné, regardez dans quel état on a mis le pays qui a fait quelques révolutions, qui a organisé la Résistance, qui a inventé un état social. Et cerise sur le gâteau : c’est un socialiste qui est à la manœuvre.
Chapeau ! La réaction !
Chapeau ! La réaction ! Autant j’ai beaucoup de mal à voir la richesse du mot « réaction », c’est très univoque la réaction, c’est toujours moins de liberté, de droit, de salaires, de démocratie, de justice…. autant je sais d’expérience la richesse du mot « mouvement », les potentialités dont il est porteur, les dérives qu’il a empêchées, les bouleversements qu’il a amenés dans nos vies, les surprises qu’il a produites. Je sais aussi qu’il n’est jamais l’œuvre d’un seul homme, aussi puissant soit-il, mais celui d’un peuple dans l’urgence de la construction de son avenir. Et sur ces sujets-là, le peuple a son mot, ses mots,  à dire, je crois qu’il a même prévu de les dire. Ce qui ne va pas plaire à notre journaliste pris dans un mouvement qui visiblement le dépasse complètement. Et c’est tant mieux !
Jean Marie PHILIBERT.

mercredi 1 mai 2013

à propos du 5 mai



De l’audace…
La politique a cent visages, que dis-je cent, mille et même beaucoup plus.  Dans notre microcosme local, elle peut avoir le visage de Nobody à la recherche d’une gloire locale qui lui échappe inexorablement, elle a le visage de Bécassine du Lac qui fait moins parler d’elle depuis qu’elle ne hante plus les couloirs du palais Bourbon, elle a le visage ouvert à la dialectique du Chevalier de Pollestres, elle a le visage du grand défenseur de la psychologie, de la sociologie et de la géologie qu’est le seul député  UMP des P.O. encore en lice, elle a enfin le visage toujours en mouvement ( comme le corps d’ailleurs) de la grande Diva de l’agglo, toujours à la recherche d’un destin qui ne soit pas que local. Voilà, la droite est servie ; le pourboire n’est pas compris !
Consternant.
Mais à suivre l’actualité de près,  je me dis que de l’autre côté, au parti socialiste local, je pourrais aussi porter mes humeurs : le jeu de massacre catalano-catalan a commencé, il  ne me semble pas rehausser le débat dans les hauteurs les plus éthérées de la  stratosphère politique. Là c’est le visage de la rivalité interne, du pousse-toi de là que je m’y mette, des tripatouillages en tous genres, de l’hypertrophie des egos que nous pouvons contempler dans la course à l’investiture pour les prochaines municipales de Perpignan. Très-très loin des préoccupations des perpignanais, accablés pour un grand nombre d’entre eux par la précarité, le chômage, les fins de mois difficiles, à des années-lumière des manœuvres d’appareil de quelques potentats locaux plus préoccupés par la survie de leurs prébendes que par le souci de dresser des perspectives de changement. Veulent-ils vraiment que cela change, d’ailleurs ? Si c’était le cas, ils enfourcheraient autre chose que la machine à perdre. Un visage de la politique consternant.
 Que le citoyen de base soit un peu déboussolé, qu’il se laisse abuser par les discours simplistes du FN, qu’il se soit fait un adepte forcené du clientélisme pour tirer les marrons du feu … (et trouver un petit emploi modeste pour ses enfants à la mairie, comme me l’avoue mon voisin)…, faut-il s’en étonner ?
Qu’ont changé les trois députés socialistes que nous avons élus, il n’y a pas un an ? Ils ont voté  d’un seul cœur le texte de l’ANI qui représente sur le plan du code du travail un recul historique ( benis-oui-oui de l’Elysée, vous dites ?). Cela signifiera aussi des reculs sociaux majeurs, n’en déplaise aux organisations syndicales signataires, et pour que personne ne se trompe, citons-les CFDT, CGC et CFTC. Tout le monde est-il servi ?
Parler clair
Il est plus que temps de parler clair si l’on veut donner à la politique un visage attractif, si l’on veut que le changement soit autre chose qu’un ornement des discours électoraux, mais une action collective dans laquelle tous ceux qui aspirent à une vie plus juste se reconnaissent. Si l’on veut que la notion de progrès ne passe pas aux oubliettes de l’histoire pour le plus grand bonheur des réactionnaires de tous poils auxquels le pouvoir socialiste  en l’espace de quelques mois a offert un boulevard. Parler clair, c’est dire comme le Front de gauche qu’il faut en finir avec une cinquième république qui réduit la démocratie à la portion congrue, qui corsette la société dans une alternance qui n’a rien de rien d’une véritable alternative, qui fait du peuple le spectateur aigri des turpitudes d’arrivistes sans morale, sans foi et sans loi. Cela suppose que l’on n’attende pas sagement que la Madame Merkel, que les marchés financiers, que l’Europe, que le CAC 40, et tutti quanti aient levé leur veto à tout changement politique… et que le capitaine de pédalo se soit réveillé de sa torpeur (feinte ?).
Cela impose que le peuple bouge, marche, manifeste et se manifeste. C’est l’appel du 5 Mai à l’initiative du Front de gauche : il nous appartient à tous, à tous, individus et organisations progressistes, qu’il soit le plus entendu possible. La situation impose l’audace, même s’il faut bousculer les habitudes. La situation impose de bousculer l’esprit de boutique  qui enferme chacun dans son pré carré et qui ferait de la prudence la vertu cardinale.
Ces visages nouveaux de la politique à construire, donnons leur rendez-vous dans la rue le 5 Mai. Les absents, c’est sûr, auront tort !
Jean-Marie PHILIBERT.