les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mercredi 22 mai 2013

mouvement



Mouvement.
Des années d’enseignement de la langue française ne peuvent que laisser quelques traces : en particulier une grande sensibilité aux sens des mots, une crainte toujours présente celle de voir ces sens peu à peu se vider de leur richesse et les mots se vider de leurs vies. Vous me direz que c’est le propre de toute langue de mettre du sens en mouvement et que cela ne peut pas se faire sans casser quelques œufs et torpiller quelques mots. Mes centaines d’élèves  en ont torpillé pas mal, ils en ont inventé tout autant. Cela ne peut que donner allégresse et richesse à une pratique qui est fondatrice dans la construction de la personnalité, comme de la culture, et qui peut se mener sans limite d’âge. Il suffit d’aimer les mots et en général ils vous le rendent bien. Les profs de français aiment les mots, certains de leurs élèves aussi, les journalistes aussi. Même si entre les profs et les journalistes des querelles surannées et passéistes peuvent opposer des approches académiques et modernistes qui sont toujours emportées par le mouvement de la vie qui tranche… dans le vif.
A propos d’un éditorial.
Et c’est de ce mouvement de la vie que j’ai l’intention de vous parler aujourd’hui, à propos d’un éditorial écrit dans le quotidien local que je ne cite pas parce qu’il n’y en a qu’un,  intitulé justement « Mouvement » et qui traite de la conférence de presse de celui que dans le billet précédent je comparais à Lou Ravi et à Tartuffe réunis (c’était la séquence révision). Vous avez deviné de qui il s’agit. Le billettiste que je suis peut s’autoriser des libertés qu’un éditorialiste n’a pas. Je  peux partir dans tous les sens, me moquer des uns et des autres, chercher à amuser mon lectorat. Le journaliste sérieux qui écrit son édito a un sens à faire passer, qui soit à la fois le sien, celui du journal, celui du ou des patrons du journal, celui des hobereaux locaux et aussi un peu celui du public.
Et le sens que l’Indép (oh zut, je l’ai cité) donne au mot mouvement  mérite quelques commentaires.
Il doit accélérer !
D’abord, une petite perfidie,  en disant que la seule chose nouvelle et intéressante qu’Hollande ait annoncée dans sa conférence de presse n’était pas de lui, mais  d’un de ses inspirateurs, l’artiste suisse Jean Tinguely ( un inventeur de mobiles en tous genres) qui a dit « La seule chose stable, c’est le mouvement ».Et l’éditorialiste,  de s’appuyer sur ce paradoxe pour gloser sur tout ce qui bouge en ce bas monde, d’autant plus que la crise a horreur de l’immobilité. Et de déboucher sur la conclusion imparable : le chef de l’état doit bouger  et vite. Jusque-là il a tout fait au ralenti, il doit accélérer et en profondeur… « sur les retraites, sur le gouvernement économique de l’Europe, sur les grands chantiers d’avenir. »
En marche arrière.
 Comme vous n’êtes pas des lecteurs idiots, vous avez compris que le mouvement préconisé sur les retraites, c’est un mouvement à sens unique, ou en marche arrière, comme vous voulez : travailler plus longtemps, payer plus de cotisations, pour partir plus âgés (et contents sans doute) avec des retraites réduites. Comme disent les linguistes, le beau mot de mouvement a perdu toute sa polysémie, c'est-à-dire toute la richesse de ses sens multiples, divers et ouverts, que notre éditorialiste ne semble même pas soupçonner, pour servir à bourrer les crânes d’un mensonge éhonté : le pays ne peut plus nourrir ses vieux, il va falloir passer à la caisse et faire passer à la casse dans la foulée tant d’autres droits qui ne sont que des survivances d’un monde défunt. Les millions de chômeurs, de précaires, les tonnes de retraités pauvres,  la misère sociale enkystée, c’est le fatum, on n’y peut rien. Hollande doit bouger dans le sens d’une politique encore plus réactionnaire pour que tous les réactionnaires du monde entier puissent en se donnant la main dire : on a gagné, regardez dans quel état on a mis le pays qui a fait quelques révolutions, qui a organisé la Résistance, qui a inventé un état social. Et cerise sur le gâteau : c’est un socialiste qui est à la manœuvre.
Chapeau ! La réaction !
Chapeau ! La réaction ! Autant j’ai beaucoup de mal à voir la richesse du mot « réaction », c’est très univoque la réaction, c’est toujours moins de liberté, de droit, de salaires, de démocratie, de justice…. autant je sais d’expérience la richesse du mot « mouvement », les potentialités dont il est porteur, les dérives qu’il a empêchées, les bouleversements qu’il a amenés dans nos vies, les surprises qu’il a produites. Je sais aussi qu’il n’est jamais l’œuvre d’un seul homme, aussi puissant soit-il, mais celui d’un peuple dans l’urgence de la construction de son avenir. Et sur ces sujets-là, le peuple a son mot, ses mots,  à dire, je crois qu’il a même prévu de les dire. Ce qui ne va pas plaire à notre journaliste pris dans un mouvement qui visiblement le dépasse complètement. Et c’est tant mieux !
Jean Marie PHILIBERT.

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