Faire la
gueule
Il y a un paradoxe
avec Manuel Valls : si l’on écoute les sondages d’opinion, on apprend
qu’il est de loin le ministre qui a la meilleure cote, ou soyons réalistes la moins
mauvaise (bien loin devant tous les
autres et en particulier le premier d’entre eux) et, dans le même temps, on se
doit de constater que, du matin au soir, il fait la gueule, une gueule
sinistre, méchante, dure, inhumaine, comme s’il avait envie de faire peur à la
terre entière.
Etre craint …ou
estimé…
Ce n’est pas à l’enseignant que je fus que l’on apprendra
les vertus d’une gueule fermée, allongée et pas commode pour calmer une classe
un peu récalcitrante : ça jette un froid, ça fait craindre le pire à
quelques agités et ça permet de relancer une écoute un peu faiblarde. Mais
l’enseignant sait d’expérience que, pour être efficace, la gueule revêche doit
être intermittente : pour être écouté il ne suffit pas d’être craint, il
faut aussi être, sinon aimé, du moins estimé.
Chez Manuel, point de tel calcul ! Nous voulons en
imposer d’emblée, montrer que notre pouvoir de répression s’inscrit sur notre
visage, laisser croire que nos neurones, nos cellules, notre être dans toutes
ses dimensions sont programmés pour être le « flicus imperator »,
celui auquel aucun délinquant ne résiste, sept jours sur sept, vingt-quatre
heures sur vingt-quatre. Pour cela pas d’autres moyens que laisser les
zygomatiques à la maison de façon à ne pas avoir la tentation de les utiliser
et se parer du matin au soir du masque du méchant. Et surtout, parcourir sans cesse la France, avec l’œil le
plus dur possible, à chaque désordre, pour tenter de faire peur à tous les
fauteurs de troubles en espérant faire croire que l’on conduit une politique
sécuritaire efficace. Parce que l’opinion publique réclame de la
sécurité !
L’école des
fanfarons.
Notons au passage que c’est une maladie chronique chez les
ministres de l’intérieur que ce passage obligé par la case méchanceté et pseudo
efficacité : ils nous l’ont pratiquement tous fait. A croire qu’ils
sortent tous de la même école ; celle des fiers-à-bras, des matamores et
des fanfarons.
Et question efficacité, c’est pas gagné. Meurtre à
Marseille, j’y vais. Re-meurtre, j’y re-vais. Re-re-meurtre, j’y re-re-vais. Si
le meurtre a lieu en Corse, j’y vais aussi.
Sur le terrain… de tir…
je suis et je reste. N’ayez crainte j’ai un bon gilet pare-balle.
A PERPIGNAN j’irai aussi s’il le faut. Ca flingue pas mal.
Je suis prêt à tout pour votre sécurité et je serai le plus fort.
Saperlipopette… Manuel me fait penser au gendarme des
spectacles de Guignol : beaucoup de bruit pour rien, pour occuper la
scène. Faire la gueule serait-ce un plan com. ?
Des calculs
politiciens.
Qu’une société ait besoin de sûreté, de sécurité, de bien-
être, de respect, osons le mot, d’ordre : c’est sans doute une évidence.
Laisser croire que la manière forte est la clé, est une sottise, régulièrement
démontrée. Il ne faut pas être naïf et refuser de voir les calculs politiciens
qui utilisent une question sensible pour vendre, dans ces temps d’inquiétude,
une politique peu ragoutante. Le Front National est expert en la matière et en
fait ses choux gras avec l’aide de media très complaisants. C’est là un piège
dans lequel un gouvernement qui se réclame de la gauche devrait éviter de
tomber.
La seule voie qui n’ait jamais été véritablement explorée
pour retisser du lien social, de la confiance, est celle qui s’attaque à
l’injustice, à l’exclusion, à la ségrégation, à la précarité, à la misère.
Mettre au pas une société où la souffrance est chronique sans s’attaquer aux
racines du mal est totalement illusoire. Ce qui ne signifie pas que la
délinquance n’a que des causes
économico-sociales : elle est
inhérente aussi à notre humanité. Mais ne mettre en œuvre qu’une démarche
répressive, et la gueule de Ministre qui va avec, serait risible, si ce
n’était aussi dramatique pour les
victimes et les acteurs de cette
délinquance-là. C’est tout le contraire d’une démarche progressiste. Sans doute
l’idée de progrès donne des aigreurs d’estomac à Manuel et explique une mine
sinistre dont il ne parvient pas à se sortir. Courage, ça se soigne !
Jean-Marie PHILIBERT.