les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mardi 24 septembre 2013

manuel valls



Faire la gueule
 Il y a un paradoxe avec Manuel Valls : si l’on écoute les sondages d’opinion, on apprend qu’il est de loin le ministre qui a la meilleure cote, ou soyons réalistes la moins mauvaise  (bien loin devant tous les autres et en particulier le premier d’entre eux) et, dans le même temps, on se doit de constater que, du matin au soir, il fait la gueule, une gueule sinistre, méchante, dure, inhumaine, comme s’il avait envie de faire peur à la terre entière.
Etre craint …ou estimé…
Ce n’est pas à l’enseignant que je fus que l’on apprendra les vertus d’une gueule fermée, allongée et pas commode pour calmer une classe un peu récalcitrante : ça jette un froid, ça fait craindre le pire à quelques agités et ça permet de relancer une écoute un peu faiblarde. Mais l’enseignant sait d’expérience que, pour être efficace, la gueule revêche doit être intermittente : pour être écouté il ne suffit pas d’être craint, il faut aussi être, sinon aimé, du moins estimé.
Chez Manuel, point de tel calcul ! Nous voulons en imposer d’emblée, montrer que notre pouvoir de répression s’inscrit sur notre visage, laisser croire que nos neurones, nos cellules, notre être dans toutes ses dimensions sont programmés pour être le « flicus imperator », celui auquel aucun délinquant ne résiste, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pour cela pas d’autres moyens que laisser les zygomatiques à la maison de façon à ne pas avoir la tentation de les utiliser et se parer du matin au soir du masque du méchant. Et surtout,  parcourir sans cesse la France, avec l’œil le plus dur possible, à chaque désordre, pour tenter de faire peur à tous les fauteurs de troubles en espérant faire croire que l’on conduit une politique sécuritaire efficace. Parce que l’opinion publique réclame de la sécurité !
L’école des fanfarons.
Notons au passage que c’est une maladie chronique chez les ministres de l’intérieur que ce passage obligé par la case méchanceté et pseudo efficacité : ils nous l’ont pratiquement tous fait. A croire qu’ils sortent tous de la même école ; celle des fiers-à-bras, des matamores et des fanfarons.
Et question efficacité, c’est pas gagné. Meurtre à Marseille, j’y vais. Re-meurtre, j’y re-vais. Re-re-meurtre, j’y re-re-vais. Si le meurtre a lieu en Corse, j’y vais aussi.
Sur le terrain… de tir…  je suis et je reste. N’ayez crainte j’ai un bon gilet pare-balle.
A PERPIGNAN j’irai aussi s’il le faut. Ca flingue pas mal. Je suis prêt à tout pour votre sécurité et je serai le plus fort.
Saperlipopette… Manuel me fait penser au gendarme des spectacles de Guignol : beaucoup de bruit pour rien, pour occuper la scène. Faire la gueule serait-ce un plan com. ?
Des calculs politiciens.
Qu’une société ait besoin de sûreté, de sécurité, de bien- être, de respect, osons le mot, d’ordre : c’est sans doute une évidence. Laisser croire que la manière forte est la clé, est une sottise, régulièrement démontrée. Il ne faut pas être naïf et refuser de voir les calculs politiciens qui utilisent une question sensible pour vendre, dans ces temps d’inquiétude, une politique peu ragoutante. Le Front National est expert en la matière et en fait ses choux gras avec l’aide de media très complaisants. C’est là un piège dans lequel un gouvernement qui se réclame de la gauche devrait éviter de tomber.
La seule voie qui n’ait jamais été véritablement explorée pour retisser du lien social, de la confiance, est celle qui s’attaque à l’injustice, à l’exclusion, à la ségrégation, à la précarité, à la misère. Mettre au pas une société où la souffrance est chronique sans s’attaquer aux racines du mal est totalement illusoire. Ce qui ne signifie pas que la délinquance  n’a que des causes économico-sociales : elle  est inhérente aussi à notre humanité. Mais ne mettre en œuvre qu’une démarche répressive, et la gueule de Ministre qui va avec, serait risible, si ce n’était  aussi dramatique pour les victimes et  les acteurs de cette délinquance-là. C’est tout le contraire d’une démarche progressiste. Sans doute l’idée de progrès donne des aigreurs d’estomac à Manuel et explique une mine sinistre dont il ne parvient pas à se sortir. Courage, ça se soigne !
Jean-Marie PHILIBERT.

samedi 21 septembre 2013

jacquard



ETRE INTELLIGENT !
C’est peu dire que la question de la génétique a été au cœur des débats idéologiques des dernières décennies et plus particulièrement dans les domaines de la formation, de l’éducation. Les débats autour de l’inné et de l’acquis nous ont copieusement occupés, chacun y allant avec ses certitudes dont les fondements rationnels et scientifiques donnaient parfois le sentiment de laisser à désirer. Les partisans farouches de la suprématie de l’acquis avaient beau jeu de montrer  que l’idéologie des dons intellectuels innés avait pendant bien longtemps servi de justificatif  à des politiques scolaires violemment ségrégatives et de cache sexe à la puissance de l’argent qui fondait (et elle continue)  la division de la société. Les classes sociales… mais c’est génétique voyons. 
La question perdure
Et ça commence dès l’école. Je caricature certes, les choses ont bougé, l’accès aux savoirs s’est démocratisé, la fonction de reproduction sociale a été un peu bousculée ; mais la question perdure. L’intelligence pour qui ? Pourquoi (en un mot) et pour  quoi (en deux mots)? Comment ? Y a-t-il ordre, justification, explication, rationalité. La littérature sur ces interrogations n’a cessé de s’enrichir, sans percer le mystère. Je pense même que c’est préférable quand on voit aujourd’hui l’obsession d’un grand nombre d’ego hypertrophiés : être plus égaux que les autres. Imaginez ce que cela serait s’il avait la clef du temple de l’intelligence.
Et c’est là que des hommes comme Albert Jacquard vont être d’un très grand secours pour qu’on continue à garder la tête (fût-elle mal faite et pas très pleine) sur les épaules. En même temps qu’il fut un militant de progrès, un défenseur des opprimés, des mal-logés, des sans-papiers, un artisan de toutes les démarches unitaires (ce dont le TC vous parle par ailleurs), Albert Jacquard fut un scientifique, spécialiste de génétique des populations, et pour notre bonheur un extraordinaire vulgarisateur qui avait le don de rendre simple la complexité du réel.
Des pistes.
J’ai le souvenir d’une de ces lectures lumineuses, extraite  d’un ouvrage de 1983, intitulé « Moi et les autres » où il s’interroge et nous interroge sur la question de l’intelligence. Il ridiculise bien sûr la prétention des tests à la circonscrire, il met l’accent sur les efforts quotidiens à faire, sur les rapports entre imaginaire, invention et intelligence. Et il conclut. Je pense qu’il faut tout citer.
« Que répondre finalement à la question qui m’avait été posée : comment devenir intelligent comme vous ?
-Tout d’abord qu’il ne s’agit pas d’être intelligent comme un tel, cela n’a aucun sens ; deux intelligences sont nécessairement différentes, sans que, pour autant, l’une soit supérieure à l’autre ; les intelligences sont trop complexes pour être hiérarchisées ; cherchons à être intelligent, mais ne nous donnons pas de modèle ;
-que la question était bien formulée, car elle admet que l’on n’est pas intelligent, on le devient ;
-qu’il est très facile de ne pas devenir intelligent, la recette est simple : s’assoupir dans la passivité des réponses apprises, renoncer à l’effort de formuler ses propres questions ;
-que devenir intelligent, c’est suivre la voie inverse, c’est procéder au dressage de cet animal rétif, paresseux qu’est notre cerveau ; c’est le contraindre à aller au bout des questionnements, à ne pas se satisfaire trop facilement de réponses toutes faites ; c’est faire flèche de tout bois, les dons de la nature comme les apports de l’aventure, pour construire l’outil intellectuel qui nous permet d’être nous-même ; c’est se créer soi-même. »
Merci Albert Jacquard !
Jean-Marie PHILIBERT.

visa



De la photo… à la poésie
Non ! Je ne vais pas cracher dans la soupe. J’ai appelé le maire de Perpignan monsieur Nobody (monsieur Personne pour les non anglicistes) à cause de sa propension à désertifier tout ce qu’il touche, de l’avenue de la Gare , du Centre du monde, du boulevard Clémenceau au centre-ville ancien et de son enfermement dans une spirale qui fait de PERPIGNAN et de son agglo la reine des zones commerciales multiples et variées plus laides les unes que les autres au détriment d’une belle ville qui se vide de son suc.
Je me suis trompé.
Eh bien, je l’écris haut et fort, je bats ma coulpe, je me suis trompé. Mon erreur sera de courte durée, la durée de Visa. Mais elle est réelle. Pendant la première quinzaine de septembre la ville retrouve sa vie, son charme et son animation. Le festival du photojournalisme attire beaucoup de monde, des gens d’ici et des gens d’ailleurs, des professionnels et des amateurs, des curieux et des sceptiques. Le festival entraîne dans son sillage une floraison d’initiatives où l’image est reine et suscite chez de nombreux amoureux de la photo le besoin de montrer leur travail, de le confronter à un public qui se laisse facilement conquérir.
Autre charme de cette initiative : la découverte ou redécouverte de vieux bâtiments de la ville d’un intérêt architectural authentique dont je n’arrive pas à comprendre qu’il ait fallu attendre si longtemps pour les mettre ( un peu) en valeur  alors qu’il y a là une richesse touristique qui est le plus souvent inexploitée ( le syndrome du nobody sans doute qui hante l’équipe municipale).
Je pourrais prendre de multiples exemples : le Couvent Sainte Claire, l’ancienne prison de la ville, des lieux beaux et forts que Visa a permis de redécouvrir, mais que la municipalité s’est empressée de scléroser pour y déposer les reliques des nostalgiques de l’Algérie française à la fréquentation confidentielle. La Chapelle du Tiers Ordre,  la Place de la Révolution Française, la caserne Gallieni, des lieux qui  mériteraient de vivre plus que quinze jours par an, qui pourraient réveiller un centre-ville qui se meurt, qui œuvreraient à mettre de la mixité sociale dans des  quartiers déshérités.
Voilà pour le cadre, la ville est belle (elle pourrait l’être bien plus encore), elle grouille de monde, elle suscite un intérêt certain en défendant le photojournalisme. Des motifs de satisfaction !
Et pourtant…
Et  pourtant en parcourant les cimaises des différents lieux d’exposition dont on vous parle par ailleurs dans le TC, j’ai comme un malaise, qui n’est pas nouveau, c’est pratiquement le même tous les ans, mais il n’a pas nécessairement la même vigueur. Cette année il s’accompagne d’un vers d’Aragon qui revient comme un leitmotiv face aux spectacles de toutes les horreurs du monde que les photos donnent à voir, un vers d’un poème du « Roman inachevé » qui dit la désespérance d’un homme face à l’amour impossible dans une ville abîmée par la guerre :
« Est-ce ainsi que les hommes vivent… »
Les souffrances des femmes pachtounes, la pacification au forceps des favelas de Rio, la violence domestique d’un couple américain, les guerres en tous genres, les armes de toutes les couleurs, des enfants, des femmes, des hommes qui pleurent de douleurs, la maladie mentale que l’on soigne pas ou mal, Alep martyrisé, on ne sait plus par qui… Des images du monde. N’est-ce que cela ? Loin de moi l’ambition du faire du photojournalisme le propagandiste de l’idéologie des bisounours : je sais le monde, son cortège d’horreurs et de turpitudes. Mais de la dialectique, de la diversité, la vie complexe d’ici, comme d’ailleurs, les luttes des hommes et les lueurs d’espoirs qu’ils y allument, le bémol mis au sensationnalisme, des distances  prises par rapport  à une fatalité morbide me semblent en mesure d’enrichir une démarche qui a un enjeu d’importance :  la survie économique et financière du photojournalisme que je ne voudrais pas voir condamné à nous rejouer la mort du cygne.
« C’était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
…Moi j’y tenais mal mon rôle
C’était de n’y comprendre rien
Est-ce ainsi que les hommes vivent… »
Peut-on s’habituer aux malheurs du monde ? La force des images ne change rien à ma réponse : non !
Jean-Marie PHILIBERT