Questions
sur l’unité
Entre Paul Laurent et Jean-Luc Mélenchon, il y a eu la
semaine dernière comme de l’eau dans le gaz : aux journées organisées par
le Front de gauche à Hyères quelques petites phrases ont fait l’actualité pour
les commentateurs politiques patentés. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été
dit, d’autres le font dans ce journal. Il n’y a pas de quoi en faire tout un
fromage, je crois, mais je pense qu’il faut saisir cette occasion pour traiter
d’une question importante pour l’action politique et sociale : la question
de l’unité et accessoirement celle de l’efficacité et donc de la conquête du
pouvoir.
En prise avec le
peuple dans sa diversité…
Pour avancer dans ces domaines, il n’y a pas d’autres
moyens, dans une démocratie, que d’être porté et soutenu par des esprits
brillants certes, mais surtout par de nombreux, très nombreux citoyens, de tout
âge et de toute condition qui vont se reconnaître dans la démarche que vous
tentez d’impulser. Il est vrai qu’une solide organisation politique peut
faciliter la manœuvre, mais si elle est sans prise avec le peuple dans sa
diversité, le résultat ne sera pas brillant.
D’où la quête de l’unité, la recherche du rassemblement, la
construction des convergences, pour peser le plus possible. Cette exigence est
encore plus importante quand, comme au Front de Gauche, on a l’ambition de
transformer la société en s’attaquant aux rois de la finance et à leurs valets
qui font leurs choux gras de nos misères. Cela suppose de ne pas être seulement
spectateur, et de ne pas limiter son action politique à la gestion des affaires
courantes et à la promenade en pédalo.
Une démarche
crédible
Les présidentielles de 2012 et le bon score réalisé dans le
cadre du Front de Gauche ont permis de remettre la gauche de la gauche dans le
jeu politique et de rendre crédible une démarche politique progressiste qui
était et reste sans illusion sur les capacités du PS à s’attaquer à la
toute-puissance des capitalistes (plus d’un an d’Hollande en a apporté une confirmation). Il s’agissait de
créer un pôle de radicalité susceptible de servir de points d’appui à des
changements politiques majeurs. C’est ce qu’exprimaient les meetings de
Mélenchon, du PC, du PG, du Front de gauche, et de tous ceux qui s’y
agglutinaient. Parce qu’il y a eu attractivité, unité, engagement collectif,
même si les résultats ont peut-être été en deçà de nos espérances.
Le paysage politique n’avait pas fondamentalement
changé : il avait bougé … parce qu’il y avait eu rassemblement, au sommet,
comme dans l’électorat ; un rassemblement où chacun reste ce qu’il est,
mais où on se retrouve pour faire front. Et dieu ou Marx ( rayez la mention qui
vous dérange) sait que c’est nécessaire parce qu’il y a une vraie souffrance
sociale, faite de chômage, d’exclusion, de précarité, de recours aux expédients
de toutes sortes pour s’en sortir, le tout « agrémenté » d’une
politique économique qui en rajoute une couche dans l’austérité au nom d’impératifs
qui ont dans leur nature de nous dépasser encore et toujours, du moins
tente-t-on de nous le faire croire. Notre seule satisfaction, c’est de n’être
ni Grecs, ni Espagnols, ni Portugais qui sont confrontés au plus pire avec la
bénédiction de l’Europe et du FMI.
Tout changer…
Il n’est pas étonnant que, dans ce contexte-là, ceux qui
avaient envie de tout changer, aient encore envie de le faire et qu’ils
cherchent à s’en donner les moyens. Par exemple en se battant contre des
projets sociaux du gouvernement qui remettent en cause le droit à la
retraite : ce sera dès le 10 septembre. Par exemple aussi en préparant les
prochaines échéances électorales, les municipales : les communes peuvent
aussi être des espaces où se réinvente le social, où s’enrichit la démocratie,
où se construit un petit peu (soyons modestes) un monde plus juste.
Grande question d’actualité au cœur de la bisbille
Laurent-Mélenchon : comment et avec qui ? Le degré d’attractivité du
Front de Gauche est-il tel qu’il lui permette de renverser la montagne
réactionnaire qui se nourrit de beaucoup de désespérance ? Peut-il seul
conquérir ces espaces nouveaux dont nous avons besoin ? Doit-il faire
comme si des stratégies unitaires à gauche, dans les communes, n’étaient pas en
place depuis des lustres qui avaient donné des résultats non
négligeables ? Où commencent les alliances présentables ? N’y a-t-il
à gauche que la gauche de la gauche ? Peut-on faire l’économie de laisser
des progressistes sincères qui désirent s’engager en dehors de nos
démarches ? Est-on définitivement soumis à la loi du socialisme du pédalo.
N’y a-t-il pas des batailles à mener au sein même de ces rassemblements de tous
ceux qui aspirent à des changements ? La personnalité attachante de
Mélenchon, son verbe haut et percutant, l’impatience de son parti, le parti de
gauche, suffisent-ils à faire une politique ? Les contradictions sont
nombreuses, (la dialectique,
camarades !), ne schématisons pas. Nous ne sommes pas seuls à être totalement
insatisfaits d’un monde injuste et inhumain ; nous ne sommes pas seuls à
savoir que nous ne nous en
débarrasserons pas en un soir (fût-il grand).
Serons-nous capables de nous rassembler, sans hésiter et
sans œillères, avec tous ceux qui
veulent sincèrement remettre ce monde sur ses pattes ? Il n’y a pas
d’autres voies possibles. Sinon d’avoir la nostalgie des voies de garage.
Jean-Marie PHILIBERT
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