les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

samedi 21 septembre 2013

visa



De la photo… à la poésie
Non ! Je ne vais pas cracher dans la soupe. J’ai appelé le maire de Perpignan monsieur Nobody (monsieur Personne pour les non anglicistes) à cause de sa propension à désertifier tout ce qu’il touche, de l’avenue de la Gare , du Centre du monde, du boulevard Clémenceau au centre-ville ancien et de son enfermement dans une spirale qui fait de PERPIGNAN et de son agglo la reine des zones commerciales multiples et variées plus laides les unes que les autres au détriment d’une belle ville qui se vide de son suc.
Je me suis trompé.
Eh bien, je l’écris haut et fort, je bats ma coulpe, je me suis trompé. Mon erreur sera de courte durée, la durée de Visa. Mais elle est réelle. Pendant la première quinzaine de septembre la ville retrouve sa vie, son charme et son animation. Le festival du photojournalisme attire beaucoup de monde, des gens d’ici et des gens d’ailleurs, des professionnels et des amateurs, des curieux et des sceptiques. Le festival entraîne dans son sillage une floraison d’initiatives où l’image est reine et suscite chez de nombreux amoureux de la photo le besoin de montrer leur travail, de le confronter à un public qui se laisse facilement conquérir.
Autre charme de cette initiative : la découverte ou redécouverte de vieux bâtiments de la ville d’un intérêt architectural authentique dont je n’arrive pas à comprendre qu’il ait fallu attendre si longtemps pour les mettre ( un peu) en valeur  alors qu’il y a là une richesse touristique qui est le plus souvent inexploitée ( le syndrome du nobody sans doute qui hante l’équipe municipale).
Je pourrais prendre de multiples exemples : le Couvent Sainte Claire, l’ancienne prison de la ville, des lieux beaux et forts que Visa a permis de redécouvrir, mais que la municipalité s’est empressée de scléroser pour y déposer les reliques des nostalgiques de l’Algérie française à la fréquentation confidentielle. La Chapelle du Tiers Ordre,  la Place de la Révolution Française, la caserne Gallieni, des lieux qui  mériteraient de vivre plus que quinze jours par an, qui pourraient réveiller un centre-ville qui se meurt, qui œuvreraient à mettre de la mixité sociale dans des  quartiers déshérités.
Voilà pour le cadre, la ville est belle (elle pourrait l’être bien plus encore), elle grouille de monde, elle suscite un intérêt certain en défendant le photojournalisme. Des motifs de satisfaction !
Et pourtant…
Et  pourtant en parcourant les cimaises des différents lieux d’exposition dont on vous parle par ailleurs dans le TC, j’ai comme un malaise, qui n’est pas nouveau, c’est pratiquement le même tous les ans, mais il n’a pas nécessairement la même vigueur. Cette année il s’accompagne d’un vers d’Aragon qui revient comme un leitmotiv face aux spectacles de toutes les horreurs du monde que les photos donnent à voir, un vers d’un poème du « Roman inachevé » qui dit la désespérance d’un homme face à l’amour impossible dans une ville abîmée par la guerre :
« Est-ce ainsi que les hommes vivent… »
Les souffrances des femmes pachtounes, la pacification au forceps des favelas de Rio, la violence domestique d’un couple américain, les guerres en tous genres, les armes de toutes les couleurs, des enfants, des femmes, des hommes qui pleurent de douleurs, la maladie mentale que l’on soigne pas ou mal, Alep martyrisé, on ne sait plus par qui… Des images du monde. N’est-ce que cela ? Loin de moi l’ambition du faire du photojournalisme le propagandiste de l’idéologie des bisounours : je sais le monde, son cortège d’horreurs et de turpitudes. Mais de la dialectique, de la diversité, la vie complexe d’ici, comme d’ailleurs, les luttes des hommes et les lueurs d’espoirs qu’ils y allument, le bémol mis au sensationnalisme, des distances  prises par rapport  à une fatalité morbide me semblent en mesure d’enrichir une démarche qui a un enjeu d’importance :  la survie économique et financière du photojournalisme que je ne voudrais pas voir condamné à nous rejouer la mort du cygne.
« C’était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
…Moi j’y tenais mal mon rôle
C’était de n’y comprendre rien
Est-ce ainsi que les hommes vivent… »
Peut-on s’habituer aux malheurs du monde ? La force des images ne change rien à ma réponse : non !
Jean-Marie PHILIBERT

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