les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mercredi 27 novembre 2013

de l'atavisme



De l’atavisme…
(ou quand les ministres de l’éducation nationale sont prisonniers de leur hérédité …)

Il n’y a pas un ministre de l’éducation nationale, du moins parmi tous ceux que j’ai eu le plaisir (pourquoi tu tousses ?) de connaître pendant ma carrière,  qui n’ait rêvé d’accoler son nom au mot magique de « réforme », et de rester dans l’histoire, tel leur illustre prédécesseur Jules Ferry, comme le père fondateur de quelque chose de totalement nouveau dans un système qui, sans être vieux comme le monde, n’en a pas moins plusieurs siècles d’existence. N’est-ce pas Charlemagne ? Ils se prennent pour toi !
Toutes les réformes Tartampion.
Aucun ne s’est satisfait d’être le gestionnaire sérieux et efficace d’un système énorme et compliqué, ils ont tous voulu, pour des raisons qui souvent dépassent l’entendement, imposer au système des modifications qui pouvaient en perturber les fonctions, en changer les données, jusqu’à en changer quasiment la nature. Par exemple sous Giscard, il n’aurait plus fallu que l’éducation fût nationale. Puis les gouvernements et les ministres passant, la réforme Tartampion restait en plan et se mettait en place le nouveau projet du titulaire du portefeuille.
 La seule chose à espérer pour les personnels, pour les jeunes, pour les familles, était que l’abandon de la réforme n’ait pas transformé l’école en un champ de ruines. Après le passage de Luc Chatel et la destruction de milliers de postes, on n’était pas très éloigné du collapsus cardiaque.
Des opposants rétrogrades, bien sûr !
Bien sûr dans cette démarche, qui se prétendait novatrice et moderne et qui devait entraîner, comme par un coup de baguette magique la réussite de tous les élèves, même les plus récalcitrants, les opposants, et en particulier les organisations syndicales attachées à la défense d’un service public efficace et à un enseignement de qualité étaient qualifiés de ringards, de rétrogrades, de réactionnaires, de défenseurs de traditions caduques, de mammouths préhistoriques. Il est significatif de constater que le plus souvent les oppositions venaient de ceux qui étaient face aux jeunes, aux élèves, les mains dans le cambouis des apprentissages multiples et variés à mettre en place (et ce n’est jamais facile ni simple), les ministres trouvaient, eux,  quelques partisans chez ceux qui s’étaient empressés de trouver dans l’institution des voies multiples pour s’éloigner des classes, mais qui avaient gardé la prétention de savoir ce qu’il fallait y faire.
Et c’est reparti…
Avec Peillon, c’est reparti, comme en 68 comme en 72 ; comme en 76, comme en 82, comme en ….. Et c’est plus qu’une réforme, c’est une re-fon-da-tion. On refait tout, du sol au plafond et même on refait les fondations. Le système ancien est vermoulu. Les gosses sont épuisés. Les maîtres vont enfin voir ce qu’ils n’ont jamais vu : des enfants gentils, calmes, équilibrés, reposés, attentifs et sereins parce qu’ils travailleront une demi-journée de plus par semaine, parce qu’ils feront mumuse un peu plus chaque jour, parce que les nouvelles activités éducatives mises en place de façon improvisées et avec des moyens réduits les transformeront littéralement en perles de îles. Comme il me tarde de voir la métamorphose de mes deux petits-fils de  5 et 7 ans !
A-t-on expérimenté les transformations proposées ? S’est-on donné les moyens de mettre en œuvre des activités périscolaires confiées à des personnels compétents ? A-t-on  des locaux, des espaces suffisants pour les organiser ? S’est-on posé la question de la diversité des situations entre la classe unique d’un village et le grand groupe scolaire urbain et celle des possibilités financières des différentes communes? N’a-t-on aucun scrupule à faire payer les parents ? Est-on toujours, dans ce cas de figure-là, dans une école républicaine, laïque et obligatoire ? Egalité ou inégalité ? Progrès ou reculade ?
Toujours le même mépris.
Toujours la même improvisation ! Toujours la même ambition d’imposer des réformes qui n’en sont pas ! Toujours la même prétention de détenir une vérité politique que les manants que nous sommes ne peuvent pas saisir ! Toujours le même mépris pour la démocratie !
Ma seule satisfaction face à cet atavisme de générations de ministres de l’éducation : le système scolaire leur survit. Il le doit surtout à ceux qui y travaillent, jeunes et moins jeunes, aux élèves, à leurs familles et aux personnels.
Les « maitres », comme on disait avant,  seront en grève le 5 décembre : ils savent que nous serons avec eux.
Jean-Marie Philibert.

mercredi 20 novembre 2013

L'aporie



C’est grave, docteur ?
Par ces temps troublés, dans tous les Cafés du Commerce de France et de Navarre, on en entend de toutes les couleurs, pas des plus fines, ni des plus pertinentes à l’image de notre monde tourneboulé. Nos reporters sont allés enquêter ; ils ont laissé traîner leurs oreilles et ils n’ont pas été déçus.
« Mon Dieu ! On ne sait pas où on va, mais on y va !
-Vous avez vu les Bretons, patrons et ouvriers ensemble, c’est comme ça qu’il faut faire ! Ils font pas de politique eux au moins !
-Nous on pourrait faire pareil avec la baratina sur la tête et les vigatanes aux pieds…
-Tout le monde est mécontent, les agriculteurs, les artisans…
-Et puis, je vous le dis, et je vous le redis, il y a trop d’étrangers : ils ont tous les droits et nous aucun. Ça ne peut pas durer !
-Même qu’ils volent les plaques d’égout, maintenant ! Où allons-nous ?
 Tous les mêmes…
-La gauche, la droite, c’est tous les mêmes,
-Ils nous pressurent comme des citrons,
-Ayrault, il est cramé, Valls, il pourrait devenir premier ministre, on a besoin d’être commandés,
-Il y en a qui parlent de Ségolène, la Valérie, elle va pas être contente. C’est une jalouse.
-Pourquoi ils font tant de foin avec la fraude fiscale ? La fraude fiscale, la fraude fiscale, la fraude fiscale, mais c’est humain…
-C’est comme le racisme, ça vient tout seul, c’est naturel…
-Y a pas de quoi en faire toute une histoire…  et encore moins des manifestations.
-Vous avez vu, même les chevaux manifestent maintenant à Montpellier… Ils avaient mis des bonnets rouges.
-Ils voulaient plus d’avoine ?
De l’avoine !
-Moi j’en voudrais un peu plus aussi…
-Hollande il a été hué, ça fait peine quand même.
-Il n’y a pas de travail… surtout pour ceux qui n’en cherchent pas !
-Ce n’est plus comme avant, avec ce mariage pour tous ils ont tout perturbé,
-Vous êtes pour l’école à quatre jours ou à quatre jours et demi  vous ?
-Moi je suis pour pas d’école du tout : tous ces diplômes ça ne sert plus à rien…
-Et tous ces fonctionnaires qui nous coûtent si cher.
-Où allons-nous ? Mais dans la pétaudière… Voyons ! »
L’aporie.
Inquiets devant l’avalanche de sottises, nous nous sommes adressés à des esprits philosophiques élevés, pour nous aider  à diagnostiquer le mal :
«  C’est grave, docteur ?
-Cher Monsieur, un tel niveau d’âneries n’est pas le signe d’une santé mentale parfaite, loin de là ! Il faut voir dans le désordre de ces propos les signes tangibles d’une aporie, dans vos contrées lointaines on parlerait de cascades de cagades, il s’agit d’une incapacité de la raison à comprendre une réalité qui la dépasse et de la certitude qu’il est devenu possible de dire sans risque n’importe quoi. Le mal est accentué par les tonnes d’idioties diffusées aux heures de grande écoute dans la petite lucarne et par la confusion sciemment entretenue par toute une panoplie de forces politiques qui pensent tirer les marrons du feu.
-Que faire, docteur ?
-Les fondamentaux ! De la lutte sociale en comprimés quotidiens fortement dosés, un régime alimentaire d’unité sans réserve et de solidarité, une pleine conscience des enjeux politiques, une volonté farouche de défendre sa liberté, sa dignité… et un esprit critique toujours branché… »
Jean-Marie Philibert.

jeudi 14 novembre 2013

Ah ! Ah !



De Euh-Euh-Euh à Ah ! Ah !
 De Euh-Euh-Euh à Ah ! Ah ! L’avenir est dans les onomatopées ! Dans ce monde qui perd la boule et le sens,  accrochons-nous aux bruits et aux sons que l’actualité nous envoie. La semaine dernière, c’étaient les volte-face de Hollande qui n’arrêtait pas de tourner  sur lui-même pour chercher des issues à la souricière dans laquelle il s’était perdu tout seul. Euh ! Euh ! Euh ! Les euh-euh-euh n’ont pas cessé qu’un nouveau bruit se répand à très grande vitesse ? C’est Ah ! Ah !... Ah-ah par ci, ah-ah par là. Du ah-ah partout. Et malgré sa tonalité  apparemment rigolarde, il n’est pas là pour nous faire rire. C’est le contraire.
Punie !
Et même s’ils l’ont joué «  sérénité un peu crispée », du genre « même pas peur », Hollande et tout le gouvernement ne semblaient pas particulièrement réjouis de voir l’agence de notation Standard and Poor’s annoncer qu’elle avait baissé la note de la France. Elle avait AA+, elle n’aura plus que AA (sans +). Punie ! Au piquet ! Faut-il rire de cette infantilisation économique ? Faut-il en rire  quand un grand expert économiste de l’agence en question explique : «  Nous ne percevons pas pour la période à venir de plan d’ensemble articulé permettant de libérer le potentiel de croissance préalable indispensable à la baisse du chômage. »
Et il a fallu attendre novembre 2013 pour que la porte ouverte soit enfin enfoncée par les grands stratèges de l’économie : il y a des mois et des mois qu’une lecture même rapide et sommaire de la presse syndicale, ou celle du T.C.,  leur aurait appris à ces grands sachems de l’économie  (et nous sommes des tonnes à le dire et à le répéter) que la lutte pour l’emploi passe nécessairement par le développement économique et donc par la croissance, que rigueur et austérité nous plombent.
L’horizon du profit
Il y a là une revendication cruciale, à laquelle gouvernement, patronat restent désespérément sourds, prisonniers qu’ils sont des plus-values exorbitantes et à court terme  que les puissances financières imposent à l’économie mondialisée. Et les pressions sur le coût du travail, sur les droits sociaux, sur les charges des entreprises qu’il faut impérativement réduire, sur les réformes imparables qui s’imposent pour moderniser une économie totalement ringarde,  sur la remise en cause de droits nationaux archaïques, ne visent en fin de compte qu’à rendre encore plus efficace l’exploitation des peuples au profit de ceux qui n’ont pour tout horizon que… le profit.
Je crains que la « croissance » dont nous parle la finance internationale ne s’inscrive dans ces perspectives-là et n’ait pas grand-chose à voir avec la satisfaction des besoins sociaux, de nos besoins sociaux, dont j’ai comme le sentiment qu’ils se moquent.
Les réponses du gouvernement ne laissent pas le moindre espoir  de voir mettre l’économie et la croissance sur les rails de la satisfaction de ces besoins.  François Hollande n’a eu bizarrement aucun Euh-euh-euh en la matière. « Nous ne changeons rien, nous continuons comme avant, nous sommes sur la bonne voie… » … celle qui va dans le mur peut-être.
Ah ! Ah ! Ouh ! Ouh ! Hi ! Hi ! Aïe ! Aïe ! N’acceptons plus d’être pris pour des imbéciles. Donnons aux mots du  sens, donnons au mot croissance le seul sens qui compte : celui de nous permettre de vivre… enfin !

Jean Marie PHILIBERT.