De
l’atavisme…
(ou quand les ministres de l’éducation nationale sont
prisonniers de leur hérédité …)
Il n’y a pas un ministre de l’éducation nationale, du moins
parmi tous ceux que j’ai eu le plaisir (pourquoi tu tousses ?) de
connaître pendant ma carrière, qui n’ait
rêvé d’accoler son nom au mot magique de « réforme », et de rester
dans l’histoire, tel leur illustre prédécesseur Jules Ferry, comme le père
fondateur de quelque chose de totalement nouveau dans un système qui, sans être
vieux comme le monde, n’en a pas moins plusieurs siècles d’existence. N’est-ce
pas Charlemagne ? Ils se prennent pour toi !
Toutes les
réformes Tartampion.
Aucun ne s’est satisfait d’être le gestionnaire sérieux et
efficace d’un système énorme et compliqué, ils ont tous voulu, pour des raisons
qui souvent dépassent l’entendement, imposer au système des modifications qui
pouvaient en perturber les fonctions, en changer les données, jusqu’à en
changer quasiment la nature. Par exemple sous Giscard, il n’aurait plus fallu
que l’éducation fût nationale. Puis les gouvernements et les ministres passant,
la réforme Tartampion restait en plan et se mettait en place le nouveau projet
du titulaire du portefeuille.
La seule chose à
espérer pour les personnels, pour les jeunes, pour les familles, était que
l’abandon de la réforme n’ait pas transformé l’école en un champ de ruines.
Après le passage de Luc Chatel et la destruction de milliers de postes, on
n’était pas très éloigné du collapsus cardiaque.
Des
opposants rétrogrades, bien sûr !
Bien sûr dans cette démarche, qui se prétendait novatrice et
moderne et qui devait entraîner, comme par un coup de baguette magique la
réussite de tous les élèves, même les plus récalcitrants, les opposants, et en
particulier les organisations syndicales attachées à la défense d’un service
public efficace et à un enseignement de qualité étaient qualifiés de ringards,
de rétrogrades, de réactionnaires, de défenseurs de traditions caduques, de
mammouths préhistoriques. Il est significatif de constater que le plus souvent
les oppositions venaient de ceux qui étaient face aux jeunes, aux élèves, les
mains dans le cambouis des apprentissages multiples et variés à mettre en place
(et ce n’est jamais facile ni simple), les ministres trouvaient, eux, quelques partisans chez ceux qui s’étaient
empressés de trouver dans l’institution des voies multiples pour s’éloigner des
classes, mais qui avaient gardé la prétention de savoir ce qu’il fallait y
faire.
Et c’est
reparti…
Avec Peillon, c’est reparti, comme en 68 comme en 72 ;
comme en 76, comme en 82, comme en ….. Et c’est plus qu’une réforme, c’est une
re-fon-da-tion. On refait tout, du sol au plafond et même on refait les
fondations. Le système ancien est vermoulu. Les gosses sont épuisés. Les
maîtres vont enfin voir ce qu’ils n’ont jamais vu : des enfants gentils,
calmes, équilibrés, reposés, attentifs et sereins parce qu’ils travailleront
une demi-journée de plus par semaine, parce qu’ils feront mumuse un peu plus
chaque jour, parce que les nouvelles activités éducatives mises en place de
façon improvisées et avec des moyens réduits les transformeront littéralement
en perles de îles. Comme il me tarde de voir la métamorphose de mes deux petits-fils
de 5 et 7 ans !
A-t-on expérimenté les transformations proposées ?
S’est-on donné les moyens de mettre en œuvre des activités périscolaires
confiées à des personnels compétents ? A-t-on des locaux, des espaces suffisants pour les
organiser ? S’est-on posé la question de la diversité des situations entre
la classe unique d’un village et le grand groupe scolaire urbain et celle
des possibilités financières des différentes communes? N’a-t-on aucun scrupule
à faire payer les parents ? Est-on toujours, dans ce cas de figure-là,
dans une école républicaine, laïque et obligatoire ? Egalité ou
inégalité ? Progrès ou reculade ?
Toujours le
même mépris.
Toujours la même improvisation ! Toujours la même
ambition d’imposer des réformes qui n’en sont pas ! Toujours la même
prétention de détenir une vérité politique que les manants que nous sommes ne
peuvent pas saisir ! Toujours le même mépris pour la démocratie !
Ma seule satisfaction face à cet atavisme de générations de
ministres de l’éducation : le système scolaire leur survit. Il le doit
surtout à ceux qui y travaillent, jeunes et moins jeunes, aux élèves, à leurs
familles et aux personnels.
Les « maitres », comme on disait avant, seront en grève le 5 décembre : ils
savent que nous serons avec eux.
Jean-Marie Philibert.