les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mardi 24 décembre 2013

conte de noël ?



Conte de Noël ?
Un conte de Noël ! Dans le T.C. ! A quoi peut bien servir un conte de Noël dans le T.C. ? Mes petits copains du comité de rédaction insistent : quand je leur demande une idée, un sujet pour le prochain billet d’humeur, en chœur, ils répondent « écris-nous un conte de noël ». Comme s’il suffisait de le dire pour devenir Frédéric Mistral ou Alphonse Daudet. Comme si le conte de Noël était, comme l’arbre de Noël, à la disposition de tous et de chacun pour quelques euros.  Comme si la magie de Noël, pour opérer, avait besoin du petit jésus dans la crèche et du conte de noël devant le feu de cheminée.
Un enfumage général.
Mais c’est du travail ! De l’invention ! Il faut que ça cadre avec ma vision d’un moment de l’année qui ne suscite pas chez moi un enthousiasme délirant. Cela fait quelques lustres que je n’écris plus de lettres au Papa Noël. Et puis cette propension à tenter de mettre de la féérie à ce moment-là, quasiment sur commande, à grand renfort d’achats et de repas dont on ne sort pas toujours indemne. La Noël ne participe-t-telle pas un peu de l’enfumage général ? Devons-nous en rajouter une couche ?
S’occuper de l’impossible.
Et puis, j’aime trop les histoires vraies pour perdre du temps à inventer ce que je sais impossible. Mais, je doute, un peu : est-ce de la perte de temps que de se consacrer, ne fût-ce qu’incidemment, à cultiver la part d’impossible que nous portons ? Qu’aurait été notre humanité si, de temps à autre, elle ne s’était pas occupée de l’impossible ? Les frontières du vrai, de l’impossible, du merveilleux, de l’imaginaire ne sont pas étanches, le rêve, c’est un peu-beaucoup- passionnément la vie. Il peut être notre oxygène quand nous ne parvenons pas à sortir  des ternes réalités qui nous assaillent. Actuellement nous sommes servis.
Un monde qui tourneboule.
Ecoutons donc les sages qui composent le comité de rédaction ; sans doute ont-ils besoin eux aussi de féérie ? Proposons-leur d’oublier l’image d’un monde qui tourneboule, qui met les femmes, les hommes, les vieillards et les jeunes dans les plus grands pétrins. Sans autre avenir que toujours plus d’austérité, de chômage, de précarité, de souffrance, d’injustice entre ceux qui ont plus que tout et tous ceux, et ils sont la multitude, qui ont moins que rien. Avec un horizon politique et social bien embrumé, marqué du sceau fatal de la division.
Le monde, la vie ne sauraient-ils croître et proliférer que par scissiparité ? Encore un mot savant, tu nous agaces ! La scissiparité, c’est quand les cellules ne peuvent se reproduire qu’en se divisant, sans discontinuer, encore et toujours, comme nous, trop souvent. De la division à tous les étages, entre ceux qui sont plus blancs et ceux qui le sont moins, entre ceux qui possèdent un petit quelque chose et ceux qui n’ont rien, entre ceux qui sont à droite et ceux qui sont ailleurs, entre ceux qui sont à gauche et ceux qui sont plus qu’à gauche, entre tous les persuadés qu’ils sont seuls la raison du monde. Nous n’avons peut-être pas compris que plus nous sommes scissipares, plus nous sommes dans la m….
Sus à la scissiparité.
Ce monde divisé et  cloisonné n’est pas le monde. Certes il faut un peu d’imagination pour s’en convaincre, de l’imagination, ou une observation fine des gens, ou une écoute attentive de leurs aspirations, ou une volonté politique de dépasser les clivages qui étouffent. L’atmosphère des contes de noël  peut-elle rendre possible l’impossible : c’est à cela que nous conduisent les contes. A la transgression de ce qui nous aliène : l’enfermement dans nos solitudes. Sus à la scissiparité.

Volons aux chrétiens une image qui peut nous aider à donner de la consistance à notre aspiration : celle du rassemblement de ceux qui espèrent. Volons à la Noël ces images de lumières dans la nuit. Volons à la Noël la conviction qu’il y aura des jours meilleurs. Volons à la Noël l’ouverture, la solidarité, la soif de bonheur. Volons à la Noël le regard neuf de l’enfance sur le monde. Volons à la Noël la conviction que c’est ensemble, au milieu des autres que nous serons les mieux à même d’affronter notre destin. Ajoutons-y la volonté, l’action, l’exigence, la détermination, la lucidité.
Que la fête soit bonne ! Qu’elle ait du sens ! Tordons définitivement le cou à la scissiparité : ça peut être un vrai conte de noël, pour de vrai,  ensemble, ensemble, ensemble !
Jean-Marie Philibert.


mardi 17 décembre 2013

mandela... et pujol.



Ils n’ont pas tous compris le message de Madiba.
Aussi loin que je remonte dans ma vie militante, je trouve deux noms qui ont animé nos jours, nos défilés, nos rassemblements, nos colères : le Vietnam et Nelson Mandela. Deux noms qui signifiaient l’inhumanité du monde, son injustice, deux noms qui disaient que nous n’acceptions ni la mise au pas, ni le dépeçage, ni l’écrasement d’un pays qui ne prétendait qu’à construire de façon libre et indépendante son destin, ni la ségrégation raciale qui avait servi de fondement à des décennies de colonisation et de rejet de l’humanité de tous ceux qui n’avaient pas la bonne couleur de peau. 
Ces combats emblématiques ont non seulement formé nos consciences, mais ils ont produit leurs fruits : le Vietnam est un pays farouchement libre et c’est très bien. L’Afrique du Sud est devenu un pays multiracial et ceux qui ont combattu l’apartheid, ceux qui en ont été les millions de victimes ont été démocratiquement  désignés pour exercer le pouvoir : Mandela a été le pionner, l’artisan, le père de cette nation nouvelle construite sur la volonté de bâtir un monde juste, solidaire et respectueux des différences. Le paradoxe tient à ce que ceux auxquels on avait refusé justice, solidarité et respect  l’imposent à tous.
Les nôtres ?
Des moments où l’histoire avance parce que les hommes se battent : que le cœur du combat, ses artisans majeurs, soient l’ANC et tous ceux qui se reconnaissaient dans une démarche radicale, est une évidence. Mais les questions de l’apartheid, de la discrimination raciale, les séquelles du colonialisme, l’ambition de construire un monde libre où le respect des droits déborde des frontières  sont devenues planétaires. Les batailles du Vietnam et de Mandela ont été les nôtres. Les nôtres ? Qui tu mets là-dedans ?
Il est vrai qu’à voir l’avalanche d’hommages qu’a déclenchés la mort de Madiba on pourrait y mettre beaucoup de monde ;  ils se sentent tous obligés de l’appeler par son diminutif affectueux, surtout ceux qui ont à faire oublier qu’ils ont toujours préféré le régime blanc au pouvoir à Pretoria.
Mais moi je n’ai aucune raison d’y mettre les réactionnaires aux petits pieds ou aux grands pieds qui trouvent très généreux le combat contre le racisme et contre les discriminations à condition que ce soit le plus loin possible de leurs frontières. Je n’ai aucune raison de croire à l’engagement anti-apartheid de ceux qui ici et maintenant organisent la chasse aux sans-papiers. Je n’ai aucune raison de croire les bonnes intentions de ceux qui font de l’islamophobie la pierre angulaire de leurs rancœurs.
Je me pince.
Et quand je vois le maire de notre ville, bien connu pour la magistrale façon  dont il a su dépasser les soubresauts de l’histoire de la colonisation, faire dresser un grand portrait de Nelson Mandela en salle du conseil Municipal et tenir, devant l’icône de la réconciliation entre blancs et noirs, la dernière réunion du conseil, je me pince, je me crois victime d’hallucination. J’ai tout faux !
Il ne l’a pas fait à l’insu de son plein gré ; il est un thuriféraire de la lutte contre le racisme. C’est celui qui le dit qui l’est !
Et il veut rendre hommage à ce grand homme qui a su réconcilier le peuple noir et le peuple blanc. C’est tout à son honneur.
Petite perfidie.
Mais petite perfidie, toute petite : comment se fait-il que son admiration pour Mandela ne lui ait inspiré, à lui qui se plait ou se complait à évoquer la guerre d’indépendance d’Algérie et le sort malheureux des rapatriés, aucune démarche qui aurait pu dépasser les clivages de la décolonisation, dans une ville où les communautés concernées sont nombreuses. Pourquoi consacre-t-il une part non négligeable du budget de la ville à entretenir ce qu’il faut bien appeler un musée de l’Algérie française ? L’heure de la réconciliation n’a-t-elle pas sonné ? A-t-il bien compris le message de Madiba ? C’est sans doute ce reproche que je lis dans le sourire distancié du portrait de Mandela !
Jean-Marie Philibert.

mercredi 11 décembre 2013

Pisa et dessert



Pisa : les tartuffes aiment !
Les billets auxquels vous avez échappé :
J’aurais pu vous parler des élus de la Côte Vermeille et de leurs propos après l’annonce des fermetures des établissements de santé de leur secteur : ils ont baissé les culottes sans honte.
J’aurais pu vous parler du maire de Perpignan : sans honte lui aussi, il se félicite que sa ville récupère une partie de ce qu’on enlève aux autres.
J’aurais pu vous parler des 120 millions d’européens qui sont pauvres, j’ai honte.
J’aurais pu vous parler de la prostate d’Hollande.
J’aurais pu vous parler de la nullité des fonctionnaires des renseignements généraux qui ne savent plus compter, en particulier les manifestants pour une révolution fiscale à l’appel du Front de Gauche.
Il y a des semaines où les sujets potentiels prolifèrent et où il suffirait de se baisser pour ramasser le plus rigolo, le plus révoltant, le plus humain.
C’est sans compter sur une tendance psychologique très ancrée dans les comportements de chacun, celle qui consiste à se compliquer la vie, à aller chercher ailleurs ce qu’on a tout près, à croire que l’originalité doit se payer du prix de la difficulté.
Une découverte !
Parlons donc de PISA : attention cela n’a rien à voir avec la cuisine italienne, même si l’Italie est concernée par PISA puisqu’il s’agit du Programme international pour le suivi des acquis des élèves. Il s’agit d’une enquête faite dans le cadre de l’OCDE pour classer les différents pays (dont le nôtre) en fonction du niveau des élèves qu’ils forment. Eh bien nous sommes moyens-moyens : 25 ° sur 65 et ce sont les élèves issus de milieux défavorisés  qui nous font perdre beaucoup de places. Encore un coup des pauvres ! Et d’enquête en enquête, ça empire chez nous, alors que d’autres pays progressent. Très grande découverte de l’enquête PISA « les origines sociales pèsent sur la réussite scolaire ». Tu parles d’une découverte ! Et de continuer : « il est temps de mener une réforme globale pour lutter contre l’échec scolaire »  dit un expert. Ah bon !
Tartuffe, où es-tu ?
La bataille contre l’échec scolaire, la lutte contre les inégalités, l’exigence d’une vraie démocratisation, la dénonciation régulière de tous les gadgets pédagogiques qui n’ont cessé de s’empiler inutilement les uns sur les autres, n’ont pas cessé depuis des décennies dans le service public d’éducation :  en face, des responsables politiques qui, au-delà des discours lénifiants, ont systématiquement refusé à l’école les moyens humains et matériels de sa mission, ont même conforté des dispositifs qui renforçaient les ségrégations, je pense en particulier à la place faite à l’enseignement privé et confessionnel qui a toujours pu mettre en œuvre une ségrégation sociale avec l’aval du pouvoir, même quand il est de gauche, je pense aussi à tous les coups tordus qui ont été portés à la carte scolaire. Mais toujours avec la main sur le cœur et au nom des grands principes. Des tartuffes, je vous dis.
Ultime preuve.
Ultime preuve : les projets de redéfinition des services des professeurs de classes préparatoires. Il s’agit de classes post-baccalauréat qui dans les lycées préparent les concours aux grandes écoles. Elles ont été pendant longtemps l’apanage des « grands » lycées, il s’y travaille beaucoup, le niveau d’exigence est des plus élevés, des préjugés ont pu les faire apparaître comme réfractaires à la démocratisation, comme si l’excellence ne pouvait être que de droite. Le ministre de la refondation, alias Peillon, dans un de ses derniers projets prévoit de prendre sur le potentiel de ces classes pour aider les établissements en zones difficiles. Apparemment cela devrait ressembler à une mesure de justice : on pique aux riches pour donner aux plus pauvres. C’est ne pas savoir que dans ces classes-là se jouent des épisodes majeurs de la démocratisation en cours, dans la mesure où les batailles syndicales et politiques ont conduit à les multiplier et à les ouvrir, ainsi dans notre département qui  en était totalement dépourvu : l’accès des jeunes issus de milieux modestes à des fonctions sociales de hauts niveaux est devenu plus facile. Pour avoir vécu la création de ces classes dans le lycée où j’enseignais, je puis en attester. Les tartuffes ont la vie dure et aiment les discours trompeurs. Mais les propos réducteurs, les fausses évidences, n’ont qu’une efficacité très modeste : les réalités résistent… et nous avec !
Jean-Marie Philibert.