Montesquieu,
les casseroles et le « petit » Nicolas…
Pendant de très nombreuses années scolaires, j’ai préparé des
candidats à l’épreuve anticipée de français du baccalauréat où ils avaient à
présenter à un examinateur une liste de
textes étudiés pendant l’année scolaire. Dans cette liste il y avait
quelques œuvres incontournables dont j’estimais, c’était ma responsabilité
d’enseignant et de citoyen, qu’elles pouvaient avoir du sens et de l’importance
dans leur rapport au monde et à la société. Parmi ces œuvres, un extrait de
« l’Esprit des Lois » de Montesquieu, que la tradition a titré
« La séparation de pouvoirs ». Dans l’Esprit des Lois Montesquieu
fonde, en 1748, la science politique. Plusieurs décennies avant la révolution,
il jette les bases du droit naturel avec une approche scientifique, alors que
c’est un monarque de droit divin qui règne sur la France, alors que son rôle de
président du Parlement de Guyenne pourrait en faire un thuriféraire de
l’absolutisme, alors que le magnifique château de la Brède à côté de Bordeaux,
où il vit, lui apporte tous les plaisirs d’une vie luxueuse. Non ! Il ne
s’en satisfait pas et il condamne le despotisme, il cherche la voie d’un régime
moins dur aux hommes et aux femmes, il veut en définir les contours et les
principes. La séparation des pouvoirs sera de ceux-là et inspirera pendant des
siècles notre droit constitutionnel. Les constitutions qui ont organisé notre
vie collective en ont fait un principe intangible.
«… tout
serait perdu si le même homme exerçait ces trois pouvoirs »
Je pense qu’il faut citer le cœur du
texte : « Il n’y a point de liberté si la puissance de juger
n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. Si elle était
jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des
citoyens serait arbitraire : car le juge serait législateur. Si elle était
jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un
oppresseur. Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des
principaux, ou des nobles, ou du peuple exerçait ces trois pouvoirs… » Mes
adolescents n’avaient pas beaucoup de mal à comprendre ce texte, et quand ils
étaient interrogés, ils s’en sortaient plutôt bien parce qu’ils mesuraient le
bien-fondé de la démarche de Montesquieu.
Pour lui le
pouvoir ne se sépare pas.
A écouter la prestation du « petit » Nicolas à la
suite de sa garde à vue au pôle financier de la police judiciaire et de sa mise
en examen, je pense que s’il avait à présenter ce texte au bac, il aurait tout
faux. Pour lui, le pouvoir ne se sépare pas, ne se divise pas. Lui, président,
il peut tout faire sans entrave, sans contrôle. Se faire payer une partie de sa
campagne électorale par un dictateur libyen, s’acoquiner avec Tapie pour qu’il
s’en mette plein les fouilles, se dispenser de toutes les règles du financement
public pour se payer tous les sondages
qu’il juge utiles, mettre en œuvre un système complexe de fausse
facturation pour pouvoir dépenser des cents et des mille lors de sa dernière
campagne électorale, promettre monts et merveilles à ceux qui accepteront de le
suivre dans cette dérive quelque peu parano en s’asseyant sur leur conscience.
Les
casseroles.
Tous ceux qui prétendraient jouer leur rôle de garants de la
démocratie, de défenseurs des lois, de partisans du bien public seront
considérés comme de dangereux gauchistes qu’il faut livrer à la vindicte
publique… et les affidés de l’UMP reprennent en chœur les attaques du Lucky
Luke de la politique contre toutes les institutions républicaines qui auraient
la prétention de le rappeler à ses devoirs et … à la séparation des pouvoirs.
Il n’est que l’oie toute blanche de l’histoire, la victime
pure et sans tache de tous ceux qui ont peur de son retour. Sans tache, je ne
sais pas ! Mais pas sans casseroles qui font un tintamarre du diable, tel
que l’atmosphère est assourdissante.
Beaucoup de bruit pour rien, comme disait l’autre, ou plutôt
beaucoup de bruits pour qu’on ne comprenne rien aux turpitudes d’un
« petit » Nicolas qui reste un gamin insupportable et qui est
totalement fâché, et depuis longtemps, avec Montesquieu auquel il n’a rien
compris.
Jean-Marie Philibert.
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