Le peuple,
le front et le prince moderne.
Si vous avez besoin de donner un contenu concret au mot
populaire, je vous conseille d’aller faire un tour au Bocal du Tech, à la fin
du mois de juin quand s’y tient la fête du Travailleur Catalan, le mot
populaire s’y pare de toutes ses nuances, et dans un contexte politique peu
folichon, cela fait du bien et peut aider à remettre les idées en place.
Non ! Non ! Le peuple n’a pas fui … puisqu’il est là, au
rendez-vous de ceux qui refusent la résignation. Le peuple n’a pas divorcé
d’avec la politique … puisqu’il vient à une fête éminemment politique aux
antipodes du social-libéralisme que la majorité gouvernementale tente de
promouvoir. Le peuple serait-il têtu ?
Le désordre
des choses.
Le peuple n’aurait-il pas compris que ce qu’on lui serine à
longueur d’antenne, (qu’il faut réduire les déficits publics, bloquer les
salaires, accepter le chômage et la précarité, vivre avec la crise et son
cortège de misères, et accepter les divisions sociales …) est inscrit dans un
désordre des choses auquel il ne faut pas toucher. Le peuple ne serait-il pas
capable de comprendre qu’il est vain de parler de transformations
sociales ? Que prendre aux riches pour donner à ceux qui n’ont rien ou peu
est un sacrilège ? Que le patron est la figure moderne du saint ou du dieu
antique et que saint Gattaz domine le mont Olympe de sa toute puissance.
Visiblement le peuple n’a pas compris !
Les
incompréhensions.
Certes les élections municipales et européennes récentes ont
montré de sa part des incompréhensions, des comportements parfois destructeurs
et dangereux, plus généralement un désintérêt grave pour la chose publique
(sans doute à la hauteur des espoirs déçus et des difficultés vécues). On peut
avoir aussi le sentiment qu’il a été plus spectateur qu’acteur dans les
mouvements sociaux qui ont émaillé la dernière année … et les conséquences ne
se sont pas fait attendre. On peut déplorer la difficulté du syndicalisme à dépasser
ses divisions et à s’unir. On peut ne pas comprendre ceux qui renoncent à la
lutte au nom du réalisme … ou du copinage politique.
On se doute des difficultés de ceux qui veulent que la
gauche, la vraie, fasse de la transformation de la société, de la réduction des
inégalités, du bien-être du peuple et de l’émancipation de la classe ouvrière
son horizon immédiat, ait à affronter quelques obstacles pour dresser des
perspectives qui rassemblent, qui aient du sens et de la force ! Cela
impose de sortir de sa tanière, de son trou, de sa boutique, de ses craintes.
Régénérer.
Quelle autre ambition que celle de faire front ! Mais
pas n’importe comment, si l’on veut redonner confiance à ce peuple que les
différentes forces politiques cherchent à capter pour le détourner de son
ambition transformatrice. Le front du peuple est au cœur de l’ambition de ceux
qui veulent régénérer une démarche politique qui entraîne les masses, les gens, les victimes et les
exclus, les salariés et les chômeurs, les jeunes en attente d’un avenir et les
retraités qui veulent avoir de quoi vivre, tous ceux qui depuis trop de temps
ont appris, à leurs dépens, à faire le gros dos, devant les difficultés de
l’heure.
Le front du peuple, il y faut du monde, un parti, des partis,
rassembleurs et rassemblés, des groupes, des citoyens organisés ou pas, une
volonté forcenée d’ouverture aux convergences en tous genres, un sens très aigu
de la solidarité, une ambition démesurée (comme toute ambition qui se respecte)
et une idée fixe : ne plus subir et donc changer !
Gramsci, un des premiers dirigeants du parti communiste
italien que le régime fasciste italien avait condamné à 20 ans de prison,
décrivait le rôle du parti capable de renverser le cours de l’histoire, comme
celui d’un Prince moderne. Le front du peuple ne pourrait-il pas être notre
prince moderne à nous.
Jean-Marie Philibert.
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