Content ?
Non ! Lucide !
Lors du dernier comité de rédaction, j’ai bien compris, en
voyant les réactions que suscitaient les thèmes que je proposais, que si je ne
voulais pas être déclaré hors sujet, il me fallait traiter des élections
départementales. Et pour un ex-prof de français, être hors sujet c’est
quasiment un péché mortel. Alors parlons des élections départementales, de la
situation après ces élections, du pain sur la planche de la gauche (de la
vraie), celle dans laquelle nous nous reconnaissons, celle pour laquelle les
mots «progrès, justice sociale, droit des travailleurs… » ne sont pas des
gros mots.
Le cap
maintenu
Pour l’autre « gauche », celle de la rue de
Solferino, celle de Matignon ou de l’Elysée, celle des panurges du groupe
socialiste, je crains que la messe soit dite, puisque le premier ministre a
clairement affirmé que rien ne changera, que le cap sera maintenu sur
l’austérité, sur les restrictions budgétaires, sur les coups portés aux
salaires, aux droits sociaux, aux services publics … jusqu’au naufrage
final ? Question à poser au capitaine de pédalo et à son second, Manuel,
qui sont « battus, mais contents », comme titrent certains journaux
du jour.
J’avais prévu le pire, je craignais la déculottée du siècle
et j’avais même un titre (toujours optimiste) à ma disposition, c’était
« il y a une vie après une déculottée ». Ce qui tempérait mon
optimisme forcené, c’était la présence
dans tous les recoins de l’hexagone, comme dans ceux du département, des
représentants de la peste brune qui s’étaient donné des airs BCBG pour mieux
tromper leur monde et faire oublier l’atmosphère nauséabonde qui se répand
immanquablement autour d’eux. Ce qui m’inquiétait, c’était que mes concitoyens
étaient très nombreux à avoir perdu l’odorat.
Du bourrage
de crâne
Les médias avaient tout prévu qui nous bassinait depuis des
semaines avec le feuilleton du moment : « Marine va rafler la
mise ! ».Notre quotidien local se complaisait dans cette démarche
vers le KO de la gauche départementale sous couvert de sondages à la prétention
inversement proportionnelle à la fiabilité. La moindre déclaration du plus
inconnu des retourneurs de vestes en mesure de jeter un peu de discrédit sur
les réalisations de la majorité de gauche sortante était valorisée. De même la
démarche du PCF était occultée au point que, à l’instar du ministère de
l’intérieur, il passait le plus souvent à la trappe. On avait institué des
prétendants quasiment officiels à la succession.
Et puis les isoloirs ont parlé pour dire qu’ici la débacle
annoncée ne s’est pas produite (cela n’a pas été le cas partout, loin de là),
que dans le département le conseil départemental gardait une majorité de
gauche, que l’union sur laquelle elle reposait avait tenu bon, que la campagne
avait été rude, mais efficace, qu’il y a eu comme un sursaut, républicain,
diront certains, je préfèrerais progressiste, même si je suis conscient du
boulot à accomplir.
Le boulot
C’est sur ce boulot que j’ai envie de terminer mon propos.
Certes les compétences des conseils départementaux ne sont pas définitivement
arrêtées, la réforme territoriale et régionale va complexifier les choses, mais
des orientations peuvent être données qui feraient la démonstration hautement
utile qu’une majorité de gauche est différente d’une majorité réac (appelons un
chat un chat). D’abord en mettant en œuvre une pratique d’ouverture et de
discussion systématique avec les organisations sociales, avec toutes les
organisations sociales. On parle de conférence sociale, oui, mais il y faut des
retombées tangibles. En privilégiant les dépenses socialement utiles, en aidant
les plus démunis, en évitant toutes les
mesures bling-bling qui sont improductives économiquement et politiquement, en
accompagnant les luttes qui passent souvent devant le quai Sadi Carnot…
D’autres rendez-vous électoraux sont attendus : des capacités de
résistance existent ici. Ne les galvaudons pas ! A l’inverse d’un
gouvernement qui semble consolé d’aller dans le mur.
Et dans l’immédiat trois domaines dans lesquels il est
loisible pour les nouveaux élus de marquer la différence : le 9 avril une
journée d’action de grève, de manifestation à l’appel d’une majorité
d’organisations syndicales. Les élus y ont toute leur place, et elle a du sens,
à condition qu’ils viennent la prendre. La veille la Préfecture organise une
manifestation autour de la laïcité, les élus sans doute y seront, mais il
serait tout à fait judicieux qu’ils ne se limitent pas aux propos qui instrumentalisent
la laïcité pour en gommer le pouvoir émancipateur. Enfin une réforme des
collèges est en préparation qui fait ressurgir de vieilles lunes en les parant
de vertus modernistes : les élus départementaux qui garderont sans doute
la responsabilité des collèges pourraient dire au gouvernement qu’il se trompe.
Donc, au boulot ! Vite !
Jean-Marie Philibert
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