les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 1 juin 2015

la mayonnaise



La mayonnaise
Il y avait déjà quelque temps que je ne vous avais pas parlé de ma mémé ; non pas que je l’ai oubliée, oh que non ! Elle me parle souvent ! Me conseille si je doute ! Me gronde si je déconne ! Et guide ma main, si je cuisine. J’entends dans le lointain une voix qui regrette que ce ne soit pas plus souvent…
Mais malgré sa présence tutélaire du côté des fourneaux, il y a un domaine dans lequel la passation du relais a totalement échoué, inexorablement, c’est celui de la mayonnaise. Ma mayonnaise est plus que poussive. La mayonnaise de ma mémé tenait du chef d’œuvre, elle accompagnait imperturbablement le poisson que le respect du « maigre » du vendredi imposait dans les menus de la semaine. Elle était d’un jaune éclatant, elle avait une tenue imperturbable et un goût exquis, sans doute lié à ce soupçon d’ail qui la parfumait. Elle avait demandé de longues minutes de préparation : une cuillère en bois dans une main, la bouteille d’huile dans l’autre d’où tombait très régulièrement un très mince filet dans le grand bol qu’elle avait coincé entre ses jambes, ma mémé touillait, touillait, touillait jusqu’à la perfection. Il était exclu que la mayonnaise ne prenne pas, ne monte pas.
De la mayonnaise à la métaphore
Notre rapport à la mayonnaise a bien changé, la cuisine industrielle a mis la mayonnaise en pots et en tubes. Elle est devenue inratable et insipide.
 Par contre sur le terrain social et politique, il en est resté une métaphore pour signifier la capacité d’un mouvement, d’une action, d’un rassemblement à se développer, à entraîner les masses (comme on dit). La mayonnaise a pris en 1995 quand il a fallu combattre le plan Juppé, elle a bien repris en 2000 quand il a fallu chasser Allègre d’une éducation nationale qu’il persécutait, elle a pris ensuite dans la bataille des retraites, mais avec moins de réussite, elle a semblé prendre avec le Front de Gauche dans la bataille des présidentielles, elle vient de prendre en Grèce. Elle  donne en Espagne des signes très positifs. En France la réaction populaire après les assassinats de janvier 2015 a montré que le peuple a de la ressource.
Pour des mayonnaises partout
Mais dans le même temps, face aux temps désespérants que nous vivons, face à la prolifération des injustices, de la précarité, du chômage, de la misère, face à l’arrogance du patronat et aux politiques d’austérité qu’Hollande et sa bande s’obstinent à mettre en œuvre, face à leur obstination à nous faire croire qu’il n’y a pas d’autres issues que la soumission constante aux diktats de la finance internationale et à ses incarnations dans les traités européens (des dogmes intangibles !), nous voudrions que des mayonnaises montent, partout, porteuses d’espoirs, de progrès, d’alternatives vraies, sonnantes et trébuchantes. Des mayonnaises imparables. Et nous constatons que l’art de la mayonnaise est un art difficile, qui n’a rien de mécanique, qu’il ne saurait se limliter à une recette simple et unique et qu’il est surtout important de ne rien céder, de ne pas s’arrêter de touiller, de touiller encore, même et surtout, dans les moments de doute.
La mayonnaise des peuples debout
A Paris, ça a touillé sec, lors du premier forum européen des alternatives qui s’est tenu le dernier week-end, pour débattre d’un avenir démocratique du continent (vous trouverez un compte rendu à l’intérieur de ce journal). Certes la presse bon-chic-bon-genre-bien-en-cour en a peu parlé, mais les milliers de citoyens réunis place de la République à Paris pour dessiner une autre Europe que celle du renoncement ont touillé dans le bon sens. Parce que pour faire prendre la mayonnaise, il n’y a pas de miracles, mais quelques conditions indispensables qui ne suffisent pas toujours, mais dont l’absence signifie un ratage assuré.
D’abord ne pas être seul, ou presque, ne pas avoir peur de se rassembler, de s’unir, de sortir des sentiers battus, avec la perspective la plus claire possible, savoir où l’on veut aller, prendre en compte l’intérêt du plus grand nombre et des plus fragiles, incarner une aspiration commune, porter un espoir et des valeurs progressistes, veiller à ce que les milliers de petites mains qui s’accrochent à la cuillère en bois  pour touiller se sentent concernées, ici  par la construction d’une EUROPE-DES-PEUPLES-DEBOUT (et plus jamais à genoux). Ma mémé aurait été contente d’apporter sa petite gousse d’ail à cette mayonnaise-là.
Jean-Marie Philibert.

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