les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 11 avril 2016

Des anges


Des anges

Dans les tréfonds de mes souvenirs, il en est un lié à l’éducation catholique rigoureuse qui me fut donnée dès mon plus jeune âge. La référence à Marie dans mon prénom me mettait sous la protection de la vierge et, très tôt, j’ai eu à subir des cours de catéchisme, dès l’école maternelle, chez les « bonnes » sœurs,  où un prêtre tout vêtu d’une impressionnante soutane noire venait nous parler de jésus … et de sa bande. J’ai au fond de ma mémoire le souvenir de sa grosse voix nous expliquant que notre âme était toute blanche et pure tant que nous ne faisions pas de péché, mais qu’à partir du moment  où on faisait des bêtises, où on n’était pas gentil, où on n’écoutait pas sa maman, son papa,  où on oubliait ses prières, elle se criblait de taches noires qui la métamorphosaient en quelque chose de monstrueux qui nous éloignait d’un paradis où dieu et ses anges nous attendaient. Et nous rêvions tous de devenir des anges.

En ce qui me concerne cette vocation angélique n’a pas dépassé les limites de l’adolescence. Les frasques de ma jeunesse ont eu raison, je crains de façon irréversible, de la blancheur de mon âme.L’âge adulte a considérablement teinté en rouge vif les tâches qui la dénaturaient et m’a éloigné durablement du paradis.

Le paradis

Mais l’actualité de la semaine dernière m’apprend que l’aspiration au paradis est restée une constante, que le relatif déclin de la religion catholique, de ses pratiques, de son influence n’a pas éteint ce besoin de vivre dans ce monde sans entrave où on peut copiner avec les anges très-très loin des contingences matérielles.

En effet dans ces paradis-là (fiscaux, paraît-il qu’il faut les appeler), on perd son identité, ses titres, sa position sociale pour être un numéro, un chiffre, un code. On n’est plus rien. Et on a même des gens très gentils qui pour trois-francs-six-sous, en cas de besoin vous prêtent leur nom. Mais on garde tout, et surtout, tout le pognon : la proximité avec les divinités en tous genres qui peuplent ces lieux magiques fait que très souvent le pognon fait des enfants, de très nombreux enfants. Ces enfants sont protégés par la sainteté des lieux et viennent enrichir la famille des opulents. Et le plus beau des miracles, la superbe réussite de l’entreprise surnaturelle, tient à l’incognito dont vous êtes parés et qui vous libère à tout jamais des regards concupiscents du fisc, des états, des envieux, des pauvres.

Le pognon travaille pour vous

Vous êtes libres et puissants ! Vous n’avez plus à travailler.  Le pognon travaille pour vous.

Suprême altruisme : il arrive même qu’en travaillant pour vous il participe à un fonds d’investissement qui va donner un travail précaire et mal rémunéré à de pauvres hères qui n’auront qu’à remercier la providence divine et le saint patronat. Mais du sein de votre paradis, vous veillez à ce que la manne reste toujours aussi inégalement répartie : les complices que vous avez placés aux commandes sur terre savent que l’austérité, la pénurie, la souffrance sociale, l’injustice et le corsetage de la démocratie sont des armes imparables qui incitent à accepter l’inacceptable.

Des happy few

Là où vous êtes, vous côtoyez ce qui se fait de mieux dans des genres divers : chefs d’états sans conscience, barons de la drogue, stars du ballon rond… Vous êtes les happy few d’un monde où il est de plus en plus difficile d’être happy. Et vous en jouissez sans vergogne. Quand on se rend compte que vous avez mis la main dans le pot de confiture, vous jouez les surpris, les timides, les maladroits. Mais je sens bien qu’au fond de vous-mêmes vous pensez que vous n’avez fait que ce que tout fortuné aurait fait à votre place : se gaver et surtout ne pas partager et surtout ne pas payer d’impôts, ces horreurs, ces abominations. Vous croyez dur comme fer à votre angélisme. La preuve : aucun d’entre vous n’a dit qu’il restituerait à la collectivité les sommes détournées. Le pardon et la contrition sont à ce prix. Mais vous ne voulez pas connaître.

Pour résumer : les tâches noires de votre âme ont la forme, la couleur, l’odeur des dollars et, dans les paradis … fiscaux, les anges ne sont que des fripouilles.

Jean-Marie Philibert.

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