La
politisation de l’intelligence
Nice : une nouvelle fois la course effrénée à la
surinformation, immédiate, totale, savante, surchargée d’experts en tous
genres, avec les images chocs qui vont avec, avec le pathos incontournable, et
les envoyés très spéciaux ou spécieux, comme vous voulez qui, en boucle, vous
disent qu’ils en savent bien peu.
Face à la mort aveugle, aux victimes innocentes, à
l’incompréhension devant la barbarie, je reste persuadé que les discours les
plus utiles sont les plus sobres : la compassion n’a pas besoin
d’hyperboles et les donneurs de leçons pourraient avoir la décence d’attendre
que les sanglots de ceux qui vivent une tragédie s’apaisent quelque peu. Je
reste estomaqué des tentatives de récupération à chaud d’un événement de la
part de « responsables » politiques qui ne font qu’y projeter leur
fantasmes réactionnaires et racistes. Ils donnent une image calamiteuse de leur
incompétence. La solidarité populaire qui s’exprime là, comme elle s’est
exprimée lors des tragédies précédentes devrait pourtant les inciter, au
moins, à un peu plus de retenue. Ne
parlons pas de l’impossible : les signes visibles de l’intelligence d’une
situation, certes compliquée et lourde de menaces. Cette situation s’inscrit
néanmoins dans tous les désordres du monde dont il serait peut-être temps que
l’on prenne toute la mesure.
Continuer
comme avant ?
Le pouvoir « socialiste » s’en tire en jouant la
carte de l’urgence, du quadrillage sécuritaire, en alimentant les peurs. Mais
pour tout le reste on continue comme avant, on détruit le droit du travail, on
s’acoquine avec le patronat, on promet une embellie sur le front de l’emploi
pour la saint glin-glin … On manœuvre serré pour tenter d’éviter la catastrophe
annoncée pour 2017 en espérant que la peur du front national permettra de
sauver les meubles. Réécoutez le discours de Hollande le 14 Juillet : le
vide sidéral.
L’antidote ?
Il est des moments où l’actualité ne semble plus rien offrir
que désolation, où nous percutons de plein fouet une adversité qui semble nous
dépasser. La fatalité, le fatum, comme ils disaient, les anciens, dont nous
serions les jouets impuissants et irresponsables. Il nous reste les mots pour
dire nos plaintes, notre effroi, et tenter de trouver quelque chose qui serait
comme une bouffée d’oxygène. Ce que j’ai retenu de propos de Pierre Laurent
pourrait peut-être nous y aider. A Avignon quelques heures avant la tragédie de
Nice, il parle de théâtre et de culture, mais pas seulement. Je cite en vrac. « Le théâtre une parole qui doit nous
réveiller… Il doit nous aider à questionner la vie…la place de l’homme et ses
responsabilités… La culture un endroit pour faire respirer…La politique une
autre manière de dire la culture …La place de l’échange difficile à conquérir
dans la politique transformée par le marketing… Pour reconquérir le
politique : la politisation de l’intelligence… »
La double
exigence
Certes, la formule peut sembler d’une obscure clarté, et
pourtant à bien l’écouter, elle est riche de sens, elle n’est certainement pas
univoque, elle est ouverte à la pluralité de ce que nous sommes, de ce que nous
pensons, de ce que nous espérons. Elle est porteuse d’une double exigence, une
exigence politique qui nous concerne au premier chef, puisqu’il s’agit de notre
vie collective et de ses enjeux bien malmenés, et une exigence intellectuelle
de compréhension d’un monde où l’irrationnel le dispute au magique, au
surnaturel, au mystère insondable de l’humain. Nous ne transformerons pas le
monde si nous renonçons à le comprendre. Pour éviter d’autres Nice !
Nous ! Nous ! Ensemble, dans le débat, la
confrontation, dans l’action, dans la solidarité, dans l’écoute. Aux antipodes
des petits chefs de tout acabit qui n’ont atteint leur but que lorsqu’ils ont
confisqué tous les pouvoirs pour jouer au mieux les histrions.
Nous ! Nous ! En nous réappropriant, il vaudrait
mieux dire en nous appropriant enfin, la chose publique, la chose politique.
Celle qui nous constitue. Avec toute l’intelligence nécessaire.
Jean-Marie Philibert.
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