Les thuriféraires et les ploucs
Je suis toujours surpris d’entendre les thuriféraires de
l’Europe s’étonner de la réaction des peuples face à une machine qui en
l’espace de quelques décennies leur a fait toutes les misères du monde sans
tenir compte de leurs réactions, de leurs votes, de leurs réserves.
Ce mot de « thuriféraire » ne pouvait pas mieux convenir pour désigner ceux qui ne
cessent de chanter les louanges d’une institution que le Brexit secoue : les thuriféraires sont dans la liturgie chrétienne
ceux qui sont chargés de porter l’encens qui va brûler en répandant une odeur
pénétrante pour nous donner le sentiment de ne plus être tout à fait dans une
ambiance terrestre, mais de toucher un tant soit peu au surnaturel et au sacré.
Et avec l’Europe, à la sauce social-libérale on tente de nous faire croire que
la terre promise n’est pas loin, que les fruits de l’union vont bientôt tomber,
que les sacrifices paieront, que le nirvâna est à portée de main, que le ciel
est au coin de la rue.
Patience
Certes il faudra encore un peu patienter, attendre que la
Merkel veuille bien partager un peu de sa croissance, convaincre les Grecs, les
Portugais, les Espagnols de ne plus vivre à crédit, pourchasser sans relâche
tous ceux qui ne peuvent pas vivre sans déficit, s’enliser toujours un peu plus
dans la dérèglementation, casser chaque jour davantage les services publics. Et
surtout ne jamais empêcher les plus riches et les plus puissants de l’être
encore plus et dans le même temps accepter que nos salaires et nos retraites
stagnent lamentablement. La liberté du loup dans la bergerie est un des
principes fondateurs d’une Europe qui a fait de la
loi du marché, « the principe absolu ».
Ce ne sont là que billevesées. L’apothéose de l’Europe est au bout du chemin et vous la
rencontrerez un jour, vous, ou vos enfants, ou vos petits-enfants, ou vos
arrière petits-enfants, ou à la Saint glin-glin qui est un saint très européen.
Trop compliqué pour le
populo
En attendant la saint glin-glin les peuples en bavent ;
ils ne n'en veulent plus. Ils l'ont dit très souvent, chaque fois que la question
européenne leur fut posée : rappelez-vous le référendum constitutionnel ! Ce
fut non ! Avec le traité de Lisbonne vous avez eu droit à la même
marchandise, mais on ne vous a pas demandé votre avis.
De toutes les façons, l'Europe c'est trop compliqué pour le
populo, il ne faut surtout pas le laisser décider de quoi que ce soit. Et pour
que vous en soyez convaincu, on a mis en place des institutions pour lesquelles
vous voterez le moins possible : on vous fait une petite fleur pour le Parlement
européen, mais on ne sait pas trop à quoi il sert. La Commission, elle, est au
centre de tous les pouvoirs ; ses responsables n'ont aucun compte à vous
rendre. Ne parlons pas des institutions financières : c'est blocus à tous les
étages. C'est votre argent, mais il vous a totalement échappé pour aller dans
les mains de Mario Draghi, le grand mamamouchi de la banque centrale européenne
qui en fait ce que veulent les fortunés qu’il sert aveuglement.
Le péché de populisme est un
péché mortel
Si vous regimbez, si vous exprimez votre incompréhension,
voire votre réprobation, vous serez immédiatement taxé de populiste, populiste,
c'est comme populo, c'est dégradant. Le populiste est borné, il ne peut pas
comprendre. Il a l'avantage de mêler la gauche contestataire et la droite
réactionnaire de telle sorte que plus personne ne reconnaît ses petits et qu'il
est plus facile de vous faire passer pour un imbécile. Le populiste est sans
conscience, prisonnier de ses instincts et de ses égoïsmes. Son opinion est
sans valeur, comme lui.
Le dessus et le dessous du
panier
Que vous soyez sincèrement de gauche, que vous soyez attaché
au progrès social, à une juste répartition des richesses, à une politique de
l'emploi qui donne à chacun de quoi vivre décemment, que la nation, l'état, la
démocratie, représentent encore pour vous quelques valeurs, que la solidarité,
la justice, le respect des identités, des libertés aient du sens, ne changeront
rien au jugement que nos eurocrates savent intangible : vous n'avez pas compris
que les peuples et l'Europe n'appartiennent pas au même monde, qu'aucune
communication n'est possible entre le dessus et le dessous du panier, entre le
sacré et le profane, entre les thuriféraires et les ploucs.
Mais parce que le plouc que vous êtes reste convaincu que
l'Europe sera sociale et démocratique ou ne sera pas, vous continuerez à agir
pour un monde fraternel.
Ploucs, oh pardon, prolétaires de tous les pays unissez-vous,
et secouez le dessous du panier.
Jean-Marie PHILIBERT
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