les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 11 juillet 2016

la rocardite


La rocardite : la-les-une-deux-trois gauche(s)





La disparition d'un membre éminent de la deuxième gauche, comme on le dit dans les tablettes,  Michel Rocard, peut nous conduire, au-delà de la trajectoire politique de celui qui a animé plusieurs moments importants de notre histoire récente, à nous interroger sur la multiplication des gauches, sur la prolifération de ceux qui s'en réclament, sur le sens à donner à leur démarche.

Regardez le paysage actuel, nous avons le chantre de la deuxième gôche Valls qui se réclame du défunt, et nous avons une nouvelle pousse passée par la banque Rothschild, un dénommé Macron, qui nous fait comprendre qu'à côté de la deuxième il serait possible d'en trouver une troisième et peut-être d’autres encore. Le président, lui, comme si tout allait bien, continue à croire qu’il n'y en a qu'une, la sienne, alors que dans son propre parti, comme dans l'opinion publique, beaucoup sont convaincus qu’elle a disparu des écrans radar, et personne ne sait où elle se trouve et à quoi elle ressemble. Perdue corps et bien.

Les rendez-vous manqués

Plusieurs signes qui ne trompent pas : le code du travail, qui symbolisait une politique sociale sensible aux intérêts des travailleurs, passé à la moulinette  de la loi El Khomry, et l'utilisation frénétique du 49/3 pour étouffer la démocratie parlementaire contribuent à faire disparaître la gauche du paysage et à rogner les espoirs qu’elle peut fonder.

Heureusement pour la gauche, elle n'a pas que le PS pour la servir. Si c'était le cas elle serait depuis quelques lustres dans les oubliettes de l'histoire.

La disparition de Rocard permet de réactiver une histoire qui donne avec Manuel Valls l’impression de bégayer et nous offre l‘occasion d’évoquer le nombre considérable de rendez-vous manqués que les progressistes, multiples et divers, attachés à des transformations sociales concrètes, ont espérés en vain.

Unitaire ?

Je fis partie de ceux qui avaient un regard sympathique pour un mini parti politique aujourd’hui disparu qui incarnait ces transformations sociales avec d’autres dont le PCF et un nombre importants d’organisations que l’on qualifierait aujourd’hui d’ultragauche, il portait le nom de PSU, le U étant une référence implicite à la nécessité de mettre en œuvre une démarche unitaire. Rocard en était un des dirigeants. C’était un autre temps, dans la mouvance de mai 68. L’aspiration « révolutionnaire » et unitaire de l’époque (je mets des guillemets parce que rétrospectivement j’y vois quelques raisons d’en douter) traversait des couches larges de la société : le monde salarié, les intellectuels, les syndicalistes (CGT et CFDT ensemble, et oui !) une jeunesse en recherche d’émancipation, la tutelle du gaullisme devenue insupportable. Rocard donnait le sentiment d’en être.

A lire les bio, à l’occasion de sa disparition, on se rend compte que se joue à ce moment-là la prise de pouvoir sur toute la gauche non-communiste, avec une constante : tenter de phagocyter les cocos, au mieux de les utiliser en leur laissant quelques strapontins. La référence à l’unité servait à ça. Rocard et Mitterrand jouant chacun une partition différente mais avec un même objectif. La palme de la tartufferie étant à mettre à l’ordre de Mitterrand,

Deux cultures

Rocard s’est gargarisé de mots pour brouiller les pistes, en multipliant les gauches : « deux cultures » structureraient la gauche, la présentable, l’acceptable et l’autre, celle qui manque de réalisme, de rigueur, de crédibilité. Vous avez compris de qui il s’agit et c’est une constante rocardienne que d’avoir une allergie pour le drapeau rouge, et de préférer faire entrer dans son gouvernement en 1988 des personnalités d’ouverture (traduire de droite). Au cours de son mandat il va se montrer le champion absolu de l’utilisation du 49/3 et ainsi faire la preuve comme son poulain Manuel de son attachement fragile à la démocratie.

Cela ne le gênera pas pour poursuivre son ambition sur la piste d’un pouvoir qui lui échappera, son rêve de devenir président de la république  restera en l’état de rêve. Il lui restera les mots pour nous expliquer que le monde est au moins aussi compliqué que la gauche (et que ses discours) et qu’il ne faut pas la laisser entre toutes les mains. Parait-il qu’il faut y voir les signes d’un esprit supérieur ?

Il a fait des émules, des qui se prennent pour des cadors. Ils  pratiquent tous le brouillage des pistes qui passent par la multiplication des gauches : observer le Macron de service, mais il n’est pas seul. …Une gauche, deux gauches, trois gauches… Une gauche pour chacun à son service. Une gauche éclatée et des hommes providentiels partout: y aura-t-il quelque chose à sauver ? Il n’est pas réjouissant que Mélenchon y succombe. Le rocardite aiguë l’aurait-elle atteint ?

Ce n’est pas tout à fait l’idée que se font de la gauche tous ceux qui savent qu’elle ne peut véritablement jouer son rôle transformateur que plurielle, diverse et en même temps unie, rassemblée. Cette bataille, c’est la nôtre.



Jean-Marie Philibert 


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