les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mardi 18 octobre 2016

l'amour l'amour


L’amour, l’amour…

L’humeur… L’humour… L’amour. Une lettre suffit à changer la perspective. Cette fragilité des mots me donne un sujet pour amuser, mais aussi émouvoir, les lecteurs du TC. En effet les medias bruissent des mots d’amour que François Mitterrand a envoyés pendant de longues années à celle qui fut sa maîtresse  (beurk, ce mot), à celle qui lui a donné une belle fille adultérine (rebeurk) Mazarine. Les mots de l’amour ne sont jamais neutres qui tentent soit de magnifier une relation (au nom des sentiments), soit de l’avilir (au nom de la morale).

Le superlatif

Dans les « Lettres à Anne » écrites pendant trente ans par le président-écrivain et que publient actuellement les éditions Gallimard, il s’agit bien sûr de  célébrer l’amour, un amour durable, fort, intense qui irrigue la vie et le cœur de celui qui dans le même temps exerce des fonctions de la plus haute importance. Quand on est ministre de la république, candidat malheureux à l’élection présidentielle, puis candidat heureux, puis président pendant deux septennats, quand on a incarné les espoirs de changement qui ont traversé la société française des années soixante, soixante-dix, quatre-vingts (après, l’espoir avait pris un coup sur la casaque) l’amour peut accompagner le pouvoir : il ne doit pas être simple qu’il ne s’y dissolve pas. Il est la liberté de l’intimité et c’est heureux. C’est d’autant plus heureux que François donne de la hauteur, du lyrisme, du rêve aux mots qu’il adresse à « son Anne très chérie ». Amoureux d’aujourd’hui n’hésitez pas à user du superlatif, même si les textos tendent peut-être à assécher les sentiments.

Changer la(sa)vie

« O désir de tes bras, de ton être, du feu et la houle, du cri qui nous dépose aux bords d’un autre monde… » La qualité littéraire de ces lettres est indéniable, l’humanité qui s’y exprime donne encore un peu plus d’épaisseur au personnage, de mystère à ce destin. Même si les renoncements, les manœuvres obscures, les promesses enthousiastes et déçues, une volonté unitaire à usage très personnel, l’ancrage pas tout à fait à gauche du parti socialiste, l’idéologie plus libérale que sociale qui l’animait nous ont amenés bien rapidement assez loin du slogan de 1981 « changer la vie ». Il est tout à fait possible de rester lucide sur le bilan politique des années Mitterrand et reconnaître que tisser au milieu  des soubresauts de l’histoire des relations compliquées et riches, leur donner une image qui peut déstabiliser la posture de l’homme public que l’on tente d’être relève d’un certain courage. Mais restons caustique : l’amour a plus changé sa vie, celle de sa compagne, de sa fille adorée que lui n’a changé la nôtre par son action politique quoi qu’il en ait dit.

« Peut-être l’amour est-il ce levain qui soudain éveille la matière et lui fait souvenir qu’elle contient en elle de nouvelles naissances ? » Les nouvelles naissances politique promises sont restées lettres mortes et les espoirs attendus ont continué à être des thèmes de discours sans retombées sur notre quotidien qui au fil des ans, au fil de l’approfondissement de la crise s’est transformé pour de larges pans de la société française en course d’obstacles et en vallées de larmes.

Le destin individuel et affectif des hommes qui ont le pouvoir et le destin collectif de ceux qui le leur ont confié ne sont pas du même ordre, mais ils ne sont pas sans résonances.

Le sens de l‘affectif

Et on peut voir du sens, d’un niveau plus ou moins élevé, dans ce que nous savons de leur vie affective. Ainsi ce que nous pouvons retenir du « Casse-toi Valérie ! Julie t’a pris la place…  sur le scooter» d’Hollande est à l’image d’un président qui me semble peu digne de sa fonction et des responsabilités qu’elle engage. Le Nicolas et son nouveau départ de quinquagénaire aux bras de la si jolie Carla me paraissent d’une tenue  plus bling-bling. Les rumeurs qui entouraient l’appétit de vivre d’un Jacques Chirac pouvaient faire rêver ceux qui n’avaient pas la même fougue. Quant à de Gaulle, il n’a eu qu’une femme dans sa vie : la France ! Et il lui a tout donné pour en faire sa chose, fût-ce aux détriments de la démocratie et du peuple.

L’intérêt des lettres amoureuses de François Mitterrand déborde d’une image étriquée de la vie politique dont nous sommes trop souvent prisonniers. La richesse de la vie, elle est aussi dans l’amour, dans les mots pour le dire « J’ai soif de cette région haute et pure où l’âme découvre son altitude. Tu m’y as souvent conduit »

Jean-Marie Philibert 


lundi 10 octobre 2016

drôle


Drôle …

La vie quotidienne, sociale, familiale, personnelle, politique peut être marquée du sceau de la drôlerie. Il nous arrive  de dire, de penser « c’est drôle ! » dans beaucoup de situations. Et même en bon roussillonnais (je ne crois pas que l’expression ait cours ailleurs), nous ajoutons « Oil ! C’est drôle ! » Nous pouvons même aller dans le cas de très lourde drôlerie jusqu’à« Oil-Oil-Oil ! Que c’est drôle ! »

Le plus drôle, le plus paradoxal, c’est qu’il peut arriver que la drôlerie ne soit pas drôle du tout et renvoie à la sinistrose ambiante. La drôlerie serait le nouveau viatique pour s’amuser de ce qui ne nous amuse plus. Mais qui peut avoir du sens. La preuve.

Tous ces pauvres

« -Vous avez vu madame Trucmuche tous ces pauvres devant le bureau de poste qui attendent l’ouverture pour toucher le RSA, ils faisaient la queue depuis plus d’une heure. Ils n’ont vraiment rien à faire. C’est drôle !

-Le plus drôle, madame Costeflouche, c’est que c’est notre argent qu’on leur distribue. Ils pourraient bien travailler, mais non, c’est drôle ils préfèrent attendre que ça leur tombe du ciel !

-Vous savez, ça ne me fait pas rire, quand je vois les impôts qui augmentent…

-Oil-Oil-Oil vous avez vu le fils de la voisine, madame Castagnole, la voiture qu’il a achetée, il est au chômage pourtant, c’est drôle…

-Moi à tous ces assistés, je leur couperai toutes les aides et je les mettrai au travail, ça leur ferait tout drôle…

-On vit une drôle d’époque, où on prend à ceux qui n’ont pas beaucoup comme nous pour donner à ceux qui ont encore moins, tout en permettant aux riches de l’être encore plus…

Ils sont drôles ces socialistes

-Ils sont drôles les socialistes ils font la politique des riches… et ils ont pas honte ! Et Hollande il serait prêt à continuer, même s’il nous fait celui qui n’a pas décidé… »

Madame Parvenu, dans sa toilette bling-bling, se mêle à la conversation :

« -Bonjour mesdames, je vous entends critiquer ce gouvernement, dire, du mal des riches et tout et tout…C’est votre droit, nous sommes en démocratie ; mais avec mon mari on a du bien parce que l’on a travaillé dur, qu’on a su faire de bons placements… et c’est drôle, je n’ai pas envie de protester moi ! »

Et la madame Costeflouche de penser très fort dans sa tête : Mon Dieu ! Mais pour qui elle se prend celle-là ! C’est drôle elle a pas été toujours aussi fière.

Macron, un drôle

« -Les socialistes, ils font ce qu’ils peuvent, et c’est drôle tout le monde leur en veut, mais ils sont drôlement compétents pour tous ceux qui veulent s’en donner la peine, comme mon Jordi de mari qui la fait tourner sa petite entreprise. Les gens n’ont pas encore compris que la droite et la gauche c’est presque pareil. Regardez Macron, il est beau garçon et il dit la même chose. Il ferait un président drôlement efficace. Il n’y a que ces drôles de coco pour encore croire le contraire… »

Et les drôles de coco

Un drôle de coco, en mission tractage sur le marché,  surprenant une aussi intense discussion politique ne peut se retenir d’intervenir dans ce drôle de débat : «  Oil ! Oil ! Oil ! C’est drôle, Mesdames, d’entendre autant de bêtises en si peu de temps… Mais le plus drôle c’est l’envie que ça me donne, moi drôle de coco, de renverser les lourdes bornes qui vous encombrent la tête. Et encore plus drôle encore, avec tous ceux qui souffrent, les drôles de coco veulent construire la nécessité d’un espoir, la volonté de rendre possible l’impossible et de mettre le monde et ceux qui l’habitent sur la voie d’une humanité digne. Et même ils ont demandé leur avis aux gens. Et même ils veulent un candidat commun pour le faire. Cela pourrait faire une drôle de révolution ! »

Jean-Marie Philibert




lundi 3 octobre 2016

le pire


Le Pire…

Certaines semaines l’énormité proférée par un puissant (ou prétendu tel) de ce monde est telle qu’elle met en branle votre humeur et vous êtes sur la bonne piste pour faire rire ou pleurer sur la sottise humaine qui est en général très équitablement répandue. C’est sans doute un des rares domaines où règne sinon une justice parfaite au moins un sentiment diffus que tout le monde y a droit, les nantis et les moins nantis. Ainsi la semaine dernière les exploits « historiques » de Nicolas Sarkozy qui ne pouvait concevoir la France que gauloise. Ce sont là des perles précieuses pour les billettistes et nous fûmes nombreux à gloser.

Une semaine tristounette

Côté «  perles » la semaine passée fut plus tristounette : certes le débat sur l’identité se poursuit avec véhémence, mais les propos sont un peu moins caricaturaux… Et sur la question, Juppé se démarque de son rival à la primaire de la droite pour donner une leçon de sérénité et d’ouverture, un peu inhabituelle (il faut soigner sans doute son image de présidentiable). Et écrivant cela, j’ai sous les yeux la une d’un quotidien du week-end qui confirme des propos entendus dans un repas d’amis électeurs de gauche et désolés devant une campagne où la gauche avait beaucoup de mal à sortir de la panade. « Ecoutez, je ne veux pas voir Sarko revenir au pouvoir, je ne veux pas que la Marine  nous entraîne à la catastrophe, j’irai voter à la primaire de la droite pour Juppé… » Et le quotidien en question fait mention de centaines de témoignages sur son site qui pour ne pas avoir à choisir au second tour entre un candidat d’extrême droite et un candidat de droite extrême vont se précipiter à la primaire de la droite, pour choisir le candidat de droite présentaple, même s’ils sont à peu près sûrs que les orientations politiques mises en œuvre seront celles d’une droite pure et dure  qui a fait du libéralisme le plus échevelé son système de valeurs.

Le nouveau slogan : éliminez les plus pires choisissez les moins pires.

La désolation ?

Quant aux valeurs de justice, de démocratie, de progrès social, d’émancipation, à quoi bon se décarcasser pour remettre dans le paysage ce que le quinquennat de François Hollande a fait disparaître, a combattu, matraque à la main, souvenez-vous de la lutte contre la loi Khomry. C’est à un spectacle de désolation que nous sommes confrontés pour tout ce qui concerne les perspectives de changement social. Les tentatives pour faire taire le syndicalisme de contestation, de transformation sociale sont systématiques… et pourtant la bête bouge encore, illustrant une volonté de ne rien céder et une aspiration à inscrire la justice dans le réel. El pueblo unido.

La tâche de l’heure est dans cette démarche, pas dans l’intrusion dans les bisbilles d’une droite dont on sait par avance ce qu’elle signifiera comme nouveaux reculs sociaux, pas dans les tentatives de survie ou de ré oxygénation de candidats socialistes qui ont trahi les engagements pris, pas dans les illusions qui peuvent naître de toute intrusion d’un homme providentiel, d’où qu’il vienne.

L’urgentissime…

La tâche urgentissime, c’est l’appel citoyen à sortir de la panade par le haut, par le rassemblement, par le débat, par la prise de parole pour dire que le temps de la résignation n’a que trop duré, que celui de la souffrance sociale est fini, qu’il est grand temps d’en finir avec l’exploitation du plus grand nombre, avec l’exclusion des plus fragiles, avec la discrimination de tous les différents… De la prise de parole à la prise du pouvoir le chemin ne sera pas facile, mais si nous ne le prenons pas, il ne se passera rien. Non ! Je viens d’écrire une bêtise : il se passera pire.

Jean-Marie Philibert.