L’amour,
l’amour…
L’humeur… L’humour… L’amour. Une lettre suffit à changer la
perspective. Cette fragilité des mots me donne un sujet pour amuser, mais aussi
émouvoir, les lecteurs du TC. En effet les medias bruissent des mots d’amour
que François Mitterrand a envoyés pendant de longues années à celle qui fut sa
maîtresse (beurk, ce mot), à celle qui
lui a donné une belle fille adultérine (rebeurk) Mazarine. Les mots de l’amour
ne sont jamais neutres qui tentent soit de magnifier une relation (au nom des
sentiments), soit de l’avilir (au nom de la morale).
Le
superlatif
Dans les « Lettres à Anne » écrites pendant trente
ans par le président-écrivain et que publient actuellement les éditions
Gallimard, il s’agit bien sûr de
célébrer l’amour, un amour durable, fort, intense qui irrigue la vie et
le cœur de celui qui dans le même temps exerce des fonctions de la plus haute
importance. Quand on est ministre de la république, candidat malheureux à
l’élection présidentielle, puis candidat heureux, puis président pendant deux
septennats, quand on a incarné les espoirs de changement qui ont traversé la
société française des années soixante, soixante-dix, quatre-vingts (après,
l’espoir avait pris un coup sur la casaque) l’amour peut accompagner le
pouvoir : il ne doit pas être simple qu’il ne s’y dissolve pas. Il est la
liberté de l’intimité et c’est heureux. C’est d’autant plus heureux que
François donne de la hauteur, du lyrisme, du rêve aux mots qu’il adresse à
« son Anne très chérie ». Amoureux d’aujourd’hui n’hésitez pas à user
du superlatif, même si les textos tendent peut-être à assécher les sentiments.
Changer
la(sa)vie
« O
désir de tes bras, de ton être, du feu et la houle, du cri qui nous dépose aux
bords d’un autre monde… » La qualité littéraire de ces lettres est
indéniable, l’humanité qui s’y exprime donne encore un peu plus d’épaisseur au
personnage, de mystère à ce destin. Même si les renoncements, les manœuvres
obscures, les promesses enthousiastes et déçues, une volonté unitaire à usage
très personnel, l’ancrage pas tout à fait à gauche du parti socialiste,
l’idéologie plus libérale que sociale qui l’animait nous ont amenés bien
rapidement assez loin du slogan de 1981 « changer la vie ». Il est
tout à fait possible de rester lucide sur le bilan politique des années
Mitterrand et reconnaître que tisser au milieu
des soubresauts de l’histoire des relations compliquées et riches, leur
donner une image qui peut déstabiliser la posture de l’homme public que l’on
tente d’être relève d’un certain courage. Mais restons caustique : l’amour
a plus changé sa vie, celle de sa compagne, de sa fille adorée que lui n’a
changé la nôtre par son action politique quoi qu’il en ait dit.
« Peut-être
l’amour est-il ce levain qui soudain éveille la matière et lui fait souvenir
qu’elle contient en elle de nouvelles naissances ? » Les
nouvelles naissances politique promises sont restées lettres mortes et les
espoirs attendus ont continué à être des thèmes de discours sans retombées sur
notre quotidien qui au fil des ans, au fil de l’approfondissement de la crise
s’est transformé pour de larges pans de la société française en course
d’obstacles et en vallées de larmes.
Le destin individuel et affectif des hommes qui ont le
pouvoir et le destin collectif de ceux qui le leur ont confié ne sont pas du
même ordre, mais ils ne sont pas sans résonances.
Le sens de
l‘affectif
Et on peut voir du sens, d’un niveau plus ou moins élevé,
dans ce que nous savons de leur vie affective. Ainsi ce que nous pouvons
retenir du « Casse-toi
Valérie ! Julie t’a pris la place… sur le scooter» d’Hollande
est à l’image d’un président qui me semble peu digne de sa fonction et des
responsabilités qu’elle engage. Le Nicolas et son nouveau départ de
quinquagénaire aux bras de la si jolie Carla me paraissent d’une tenue plus bling-bling. Les rumeurs qui entouraient
l’appétit de vivre d’un Jacques Chirac pouvaient faire rêver ceux qui n’avaient
pas la même fougue. Quant à de Gaulle, il n’a eu qu’une femme dans sa
vie : la France ! Et il lui a tout donné pour en faire sa chose,
fût-ce aux détriments de la démocratie et du peuple.
L’intérêt des lettres amoureuses de François Mitterrand
déborde d’une image étriquée de la vie politique dont nous sommes trop souvent
prisonniers. La richesse de la vie, elle est aussi dans l’amour, dans les mots
pour le dire « J’ai soif de cette
région haute et pure où l’âme découvre son altitude. Tu m’y as souvent
conduit »
Jean-Marie Philibert
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