Parole inconvenante et
discours convenu
L‘épisode
rocambolesque de Laurent Wauquiez, le nouveau grand sachem des Républicains, devant les étudiants de l’Ecole
de Management de Lyon me conduit à
m’interroger sur la distance qui existe, en politique comme ailleurs, entre le
discours convenu et la parole inconvenante. Vous remarquerez aisément que le
titre de mon billet d’humeur est d’une tout autre hauteur que les propos du dit
Wauquiez sur ses petits copains. Il aurait été aisé de le parodier et d’en
rajouter dans le cynisme, la goujaterie et la mégalomanie.
MOA
«En
dehors de MOA : Tous des incapables ! Juppé, il dilapide le
pognon ! Pécresse : quelle conne ! L’assemblée nationale :
une bande de larbins ! Macron et sa bande : des tordus !
Darmanin : une lope ! La France : une dictature ! Le sauveur : MOA ! Mais chut il ne
faut pas le répéter, l’enregistrer. Il ne faut pas m’écouter, m’entendre. Je
parle aux murs, mais je sais qu’ils ont des oreilles parce que je connais les
journalistes. Je les déteste, ils sont pires que tout. Mais MOA je n’ai peur de
rien. Ici, je parle vrai ! Pas comme à la télé où, comme tout le
monde, je « bullchie » dans la
colle… »
Il
ne l’a pas dit comme cela, il a dit « bullshit », c’est un mot bien
élevé ( ?) pour dire « connerie » et notre homme, sans doute
spécialiste de la chose, est bien élevé !
On
pourrait tartiner ainsi longtemps.
Il
me semble surtout utile de réfléchir à ce que l’événement révèle de nos mœurs
politiques, de notre immaturité politique.
Les circonstances
Rappelons
d’abord les circonstances : Wauquiez est chargé par les dirigeants de
l’Ecole de Management de Lyon d’un cours, il promet à ses futurs managers de dire tout ce qu’il pense vraiment, ce
qu’il ne dit pas à la télévision, en public, avec ses troupes d’affidés… sans
doute pour déniaiser ces futurs petits chefs et leur apprendre une fois pour
toutes ce qu’est la politique. Mais grand naïf, il leur demande de ne pas garder traces de ce qu’il va dire, de ne rien
enregistrer, de ne parler à personne de ce qu’ils vont entendre. Sans doute,
grand ignorant, ne sait-il pas que dans
la poche de ses auditeurs les smartphones sont prêts au démarrage. Et ne
voilà-t-il pas qu’il se lâche. Des journalistes, d’habitude cire-pompes, voient
là une occasion de se payer un lider minimo, de faire le buzz, de touiller le
caca politique. Ils récupèrent les enregistrements et balancent le tout… Le mal
est fait !
L’inconvenance
L’inconvenance
de cette parole, elle est là, dans l’image que le responsable d’un « grand
parti » se permet de donner de la politique, une image telle qu’elle peut
servir à provoquer toutes les aventures susceptibles de tordre le cou à la
démocratie. Faut-il être malhonnête et aveugle pour ne pas mesurer les risques
de ces dérives, qui malheureusement ne se limitent pas à l’hexagone ?
Au-delà des jeunes femmes et hommes auxquels s’adressait Wauquiez, c’est la
désespérance de la jeunesse qui est l’objectif, (et sans doute pas seulement de
la jeunesse) c’est son exclusion du terrain politique vicié et vicieux par
nature, c’est l’enfermement sur les destins individuels parce que rien n’est à
attendre de l’engagement dans la vie de la cité, de la « polis »,
comme disaient les grecs. Cette inconvenance-là est le discours le plus convenu
des réactionnaires de toutes sortes pour désarmer un peuple.
Le bien commun
Il
y aurait pourtant tant à faire. Le bien commun à partager, à gérer, à
développer, à embellir, à faire croître et proliférer dans l’engagement citoyen
de chacun et de tous, avec l’ambition qu’une juste répartition des richesses
est possible, souhaitable, par une exigence volontaire, organisée, unitaire de
ceux qui les produisent. Cela a un nom : c’est la lutte politique et sociale.
Cela a une histoire, la nôtre. Et nous ne cèderons rien sur ce terrain. Les
convenances et les inconvenances n’y changeront rien.
Jean-Marie
Philibert.