Le bac nouveau : un
chiffon ?
Une des grandes acrobaties à laquelle se livre le
gouvernement et plus particulièrement son ministre de l’éducation est de mettre
en œuvre des réformes, qui sont censées améliorer une situation déficiente avec
le souci que le grand public, comme on dit, y voit des améliorations tangibles
par rapport à ce qui existe et, sous ces apparences flatteuses, comme un
mauvais commerçant qui ne pense qu’à se débarrasser de ses vieux rossignols, de
fourguer une marchandise frelatée, qui traîne dans les poubelles du ministère
depuis des lustres, et qui enfoncera toujours un peu plus le service public
dans les difficultés et l’austérité.
Ce qui se prépare
pour les lycées et le baccalauréat est de cet ordre-là.
Un formidable besoin
de formation
Il y a un formidable besoin de formation dans le pays, pour
beaucoup de familles et de jeunes, elle est l’arme essentielle pour
asseoir un avenir qui échapperait un peu aux incertitudes de la précarité.
Aujourd’hui la mixité sociale, le vivre ensemble, la démocratisation, la
réussite pour le plus grand nombre, le maintien et le renforcement
d’enseignements de haut niveau, en prise directe avec les réalités
d’aujourd’hui, la mise en œuvre de méthodes de travail modernes et adaptées, la
force et la valeur des diplômes obtenus pour favoriser toutes les poursuites
d’études supérieures possibles, l’élitisme républicain devraient être les
soucis majeurs d’un ministre conséquent. Avec l’ambition de s’attaquer à
l’opacité d’un système, à ses divisions, ses ségrégations, ses lourdeurs.
Comment un ministre, qui, de plus, a connu l’institution à différents postes
éminents de responsabilité, peut-il oublier qu’il faut y mettre de la clarté,
de la stabilité… et aussi des moyens humains et matériels.
Il fait le
contraire. Il est le roi de
l’esbroufe !
Ça a commencé avec le supérieur dont on se sert pour bien
faire comprendre aux futurs bacheliers que le bac n’est plus le sésame qui
ouvre les portes de l’université. Le droit d’entrer à l’université avec le bac,
c’est fini. « Parcoursup » est fait pour ça : le bac n’ouvre
aucun droit. Il pouvait donner le sentiment d’avoir perdu de sa valeur. Là il a
tout perdu. Il n’est rien.
Blanquer attaque son caractère national, général, anonyme,
juste, clairement identifié, aux disciplines équilibrées (le plus souvent). En
le découpant en tranche, du français en fin de première, des épreuves de
spécialités au milieu de la terminale, plus le contrôle continu toute l’année,
enfin, la philo, et le grand oral (la grande nouveauté !) en juin, on
fabrique une usine à gaz qui contraindra les enseignants à passer leur temps en
évaluation au détriment de la formation.
Les notes des disciplines hors examen intervenant pour 40 % : le
bac deviendra un diplôme local et accroîtra les discriminations entre les
lycées. Les bahuts « populaires » le seront un peu plus, les
élitistes le seront toujours plus et les établissements privés utiliseront tous les subterfuges pour attirer
la clientèle fortunée.
Librement vers
l’incohérence
De plus dans un monde où la part de la science est de plus
en plus grande quelle aberration que de sortir du tronc commun, dès la
première, les maths, la physique, la SVT. Mais les lycéens auront librement
( ?) choisi eux-mêmes un enseignement à la carte, modulaire, comme on dit,
où les séries auront disparu, où le futur bachelier picorera de ci de là des
embryons de savoirs et de formations dont la cohérence risque de poser
problème. Malheur à ceux qui auront fait les mauvais choix. Une architecture
telle qu’elle ne sera comprise que par les initiés. Il va sans dire que tous
les lycées n’auront pas la possibilité d’offrir tous les choix : il y aura
les riches et les autres. Avec à l’arrivée, pour tous, moins d’heures d’enseignements, donc des
postes en moins et le contrat rempli pour le ministre de réduire le nombre de
fonctionnaires.
Il commence dès 2018 en diminuant le nombre de postes aux
concours.
Une des clefs pour juger la réforme est là. Toujours
rogner sur les dépenses tout en faisant croire qu’on fait le maximum et
ripoliner la façade au nom d’une réforme in-con-tour-na-ble. Dont la jeunesse
de ce pays fera les frais. Rien que cela !
Jean-Marie Philibert.
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