La Catalogne, connais pas !
Il est de bon ton dans le landernau de considérer VISA POUR
L’IMAGE comme une réussite exemplaire qui propulse notre sympathique ville sur
le devant de l’actualité photographique, rituellement, au début du mois de
septembre. Nous dénonçons assez souvent les « cagades *» locales pour
ne pas nous réjouir de ce qui peut représenter un plus, d’autant que les
chantres de la manifestation se répandent régulièrement en comptant tout ce
qu’elle rapporte à la ville. Et la confirmation vient du milieu commerçant que
l’on n’entend pas gémir pendant cette période, tout occupé qu’il est à remplir
ses caisses. Nous ne chipoterons pas sur ces terrains-là. Pas plus que sur
l’afflux de visiteurs d’ici, d’ailleurs, jeunes et moins jeunes qui semblent
aimer ce qu’ils voient… Même si ce qu’ils voient est rarement réjouissant,
c’est un euphémisme. Le monde n’est pas un jardin des délices et le journalisme
ne se nourrit pas des aventures des bisounours, encore qu’une certaine presse
fasse ses choux gras de la fréquentation des plus huppés d’entre eux. Visa nous
propulse donc au milieu des malheurs du monde… à profusion… jusqu’à plus faim…
jusqu’à plus soif, avec tous les styles, avec toutes les couleurs et aussi avec
souvent beaucoup de talents.
Une pertinence à
interroger
Mais l’uniformité de cette thématique, inlassablement
répétée, me pousse à m’interroger sur la
pertinence de cette démarche, sur la part que peuvent y avoir les préjugés de
gens qui se déclarent certes professionnels de la chose, et donc sans doute
enclins au sensationnalisme de mise dans ces milieux, mais qui ne semblent pas
vouloir intégrer dans leur présentation la réception de ces images, les effets
qu’elles induisent. Et j’ai le sentiment que trop, c’est trop : on regarde
en passant… en passant… sans se poser les questions morales, politiques,
sociales, économiques qu’une démarche citoyenne pourrait, devrait, éveiller.
Un choix contestable
Il y a un domaine où ici on s’est posé ces questions, mais
que VISA 2018 a choisi de ne pas évoquer : La Catalogne. Elle a fait la une de l’actualité. Tout près de
chez nous, en résonance avec notre histoire. Il y fut, il y est toujours,
question de liberté, de démocratie, de respect du suffrage universel,
d’identité nationale, de droits politiques, historiques et culturels. Le
référendum organisé par la Catalogne, son interdiction, la volonté populaire
qui s’y est manifestée, en dépit d’une présence, d’une brutalité policières
dignes d’un franquisme pas tout à fait mort, les arrestations, les luttes qui
s’en sont suivies ont donné lieu à une floraison d’images pleines de sens et de
leçons. VISA n’en parlera pas : pas assez trash ? Pas assez de
sang ? De larmes ? Et les manifs,
ce n’est pas photogénique, c’est toujours pareil, c’est monotone… Pensez donc,
des gens qui, par dizaines de milliers, se battent pour la démocratie !
Cela ne peut pas faire une expo… un argument de poids au moment où on s’extasie
50 ans après devant les photos de mai 68.
A début de mon propos je parlais des « cagades *»
locales : je crains que cela en soit une !
Jean-Marie Philibert.
*pour les oreilles sensibles et les estrangés, remplacer
« cagade » par « erreur »
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