L’essentiel
Le propre des mouvements sociaux, c’est d’être comme la vie,
jamais totalement identique, et jamais totalement différente. Cela en fait la
saveur. Cela explique aussi qu’à chaque fois, nous devons mettre notre
conscience à jour avant d’être en mesure de bien comprendre ce qui se passe.
Chaque jour apporte son lot de nouveautés et d’inventions. L’imagination
populaire serait donc d’une richesse insondable. Le peuple imaginatif ?
Vous n’y pensez pas !
On ne peut pas en dire autant des mainteneurs de l’ordre,
policiers et pouvoirs qui leur font face. Ils ne savent que cogner. Ils
compensent sans doute leur incapacité à comprendre ce qu’ils ont en face d’eux
par le déversement d’une violence d’état qu’ils pensent aptes à faire taire les
récalcitrants. Ils ne se souviennent même pas que les récalcitrants, les
engagés, les contestataires, les résistants ne se sont jamais tus, même si
parfois ils peuvent donner le sentiment de lever le pied.
Assoupi ?
Les mouvements que nous vivons donnent du grain à moudre à
mes commentaires. En effet, il y a quelques mois, on avait le sentiment que le vent de la
révolte s’était assoupi, que Macron pouvait proférer sans retenue ses horreurs
et son mépris pour ceux qui ne sont pas de son monde, que le patronat pouvait
dormir tranquille pendant qu’il pompait toujours plus de plus-value, qu’il
suffisait de taper comme des brutes sur n’importe qui, que les syndicats
étaient divisés, que, parmi eux, celui que l’on dit premier (la Cfdt, vous avez
devinez) est comme définitivement ramolli du bulbe. Comme si le ménage avait
été fait et que la bande à Macron pouvait tout se permettre… Cela reste leur
ambition.
Eh bien
patatrac !
De la France profonde, des femmes, des hommes, des jeunes et
des vieux ont envahi les ronds-points pour dire leur colère, leur révolte, pour
les faire partager. Ils l’ont fait de leur propre chef (expression à prendre
dans tous ses sens, c’est-à-dire sans leader, mais pas sans jugeote), dans une
cacophonie sympathique. Même si cela perturbe ! En montrant que plus ils
avançaient dans le mouvement, plus ils étaient au parfum de l’injustice qui
ronge nos vies, de l’inégalité criante
dans la répartition des richesses qui la gangrène, de la caricature de
démocratie dans laquelle nous vivons. Ils ont dit tous les besoins sociaux et
démocratiques énormes. Et là, patatrac ! L’opinion publique que d’habitude
on manipule du matin au soir, les a crus.
Des commentateurs patentés et bien en cour, prenant leurs
désirs pour des réalités, ont vu avec une joie certaine une mise à mal des
organisations syndicales non ramollies, les préjugés qui les animent les ont
empêchés de voir que ces jaunes-là n’avaient rien d’antisyndical, qu’ils
pouvaient prolonger, enrichir l’intervention sociale. La fécondité du peuple
est telle qu’il peut produire tous les contrepoisons contre les misères et les
maladies qu’on lui impose, qu’il est capable de tous les contre-pieds, qu’il y
met le temps qu’il faut, qu’il choisit la ou les forme(s) qu’il faut. Rien n’est écrit à
l‘avance. Inventif, vous dis-je !
Convergence
Et il a été de la responsabilité des organisations syndicales
de voir croître et proliférer ses expressions nouvelles, d’inscrire leurs
actions en convergence avec elles : la semaine dernière les trois mille
manifestants de Perpignan faisaient plaisir à voir. Et l’on sentait aussi
qu’ils avaient plaisir à se montrer ensemble, non pas comme dans un
aboutissement, mais comme sur un tremplin en mesure de les faire rebondir tous
et loin.
D’autant mes camarades jaunes, rouges, verts, même roses et
même un peu décolorés, il y a de la marge, il y a du monde à gagner, il y a
encore des esprits à éclairer, il y a les naïfs à déniaiser, il y a des
endormis à réveiller. Ici. Comme ailleurs. Il y a tout un peuple à rassembler.
Ne serions- nous pas sur cette voie ?
C’est là l’essentiel. Tout le reste est accessoire.
Jean-Marie Philibert.
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