les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 25 mars 2019

ecoute moi bien


Ecoute-moi bien !

Qu’il soit grand ou petit, le débat suppose, je dirais même, impose un échange. Dis-moi ce que tu penses… Exprime ton point de vue… En toute franchise… Je te dirai ce que je pense de mon côté… On pourra argumenter, contre-argumenter, s’opposer, se convaincre, s’énerver, se trouver des points communs, mesurer nos divergences, se faire la gueule ou s’apprécier. Le débat peut enrichir nos relations d’une dimension personnelle indéniable où on ne se sent pas obligé d’acquiescer à une opinion qui ne nous plaît pas, où on peut être soi-même, mesurer la responsabilité de dire ce que l’on pense et être accepté pour ce que l’on est.

Dans la vraie vie

Il peut toucher tous les domaines, de la philosophie et de la morale à l’actualité sportive, de la politique à la gastronomie, des arts à la médecine, du réchauffement climatique  au projet de rénovation du quartier Saint Jacques… Il revêt toutes les formes possibles, il peut être violent, policé, caricatural, comme la télé sait les proposer pour faire spectacle. Il peut révéler des caractères séduisants comme il peut dézinguer des mastuvus prétentieux. Il est rarement anodin. Il nous intéresse très souvent.

Sans doute parce que sachant que la vérité est souvent fragile, cachée, compliquée, dialectique aurait dit Karl, nous ne nous satisfaisons qu’à moitié des certitudes sommaires que nous véhiculons. Par le débat nous pourrons avoir le sentiment de franchir un palier supérieur si nous rencontrons des accointances. Nous saurons que la vérité est l’objet d’une recherche inlassable, rarement gravée dans le marbre, et que le doute n’est pas un crime.

En politique, il est la pierre angulaire de la démocratie, le creuset où se construisent les majorités, la seule voie possible vers la prise de décision collective. Nous nous inscrivons dans cette tradition inhérente à toute république qui se respecte. Tout ça, c’est dans la vraie vie !

En Macronie, c’est un peu différent 

Quand englué dans la colère des gilets jaunes, Macron ouvre un large débat, on suspecte, certes, un subterfuge pour se sortir d’une crise profonde, mais on se dit que demander aux citoyens de donner leurs opinions, c’est un peu mieux que d’envoyer des robots-cops leur taper dessus, que la vox populi dans sa toute-puissance saura se frayer un chemin.

Les opinions s’expriment, disons plutôt, qu’elles répètent ce qu’elles ne cessaient d’exprimer depuis le début du mouvement, inlassablement, sur la misère sociale, sur les fins de mois difficiles, sur la précarité insoutenable, sur la démocratie malade, sur les inégalités sociales, sur l’impérieuse nécessité de réponses rapides, tangibles, sur l’obligation pour un pouvoir quelconque d’écouter son peuple.

Le mot qui tue

Ecouter ! Le mot qui tue ! Pourtant sans écoute, il n’y aura ni débat, ni rencontre, ni confrontation, ni avancée. L’absence d’écoute est mortifère pour la vie sociale, politique, mais pas seulement, pour la vie tout court. Macron, dans sa verticalité jupitérienne, dans sa vertigineuse sottise, a décidé que son débat ne dirait que ce qu’il a envie d’entendre, que la vox populi, c’est lui et personne d’autre, que cause toujours tu m’intéresses… La caricature vivante de cette démarche fut donnée lors de la rencontre à l’Elysée avec une bande d’intellectuels  patentés…et sans doute naïfs. Ils ne sont pas là pour donner leurs avis, exposer leurs points de vue, leurs visions de la société, du monde… Ils sont là pour poser promptement, succinctement quelques questions, pour se montrer à la téloche, pour servir la soupe à Jupiter qui se réserve tout le temps de parole, pour répéter ce qu’il dit depuis le début, qu’il ne changera rien, qu’il continuera à lécher les bottes des riches, qu’il est là pour « réformer », c’est-à-dire casser, la fonction publique, les retraites, l’école, l’assurance chômage, la constitution, la vie politique. Et qu’il n’est surtout pas là pour écouter… quiconque a une opinion, puisque l’opinion, c’est lui.

Avec le grand débat, la cinquième république dévoile un peu plus ce que nous pressentions déjà, qu’elle n’a plus de république que le nom, qu’elle est la forme actualisée d’un absolutisme qui refuse d’écouter.

Et pourtant n’est-ce pas ce que l’on apprend aux enfants dès leur plus jeune âge.

Ecoute-moi bien…Emmanuel… Tu dérailles… Ecoute-moi bien !

Jean-Marie Philibert.

lundi 18 mars 2019

UNE FORCE !


Une force !

La situation faite par les pouvoirs publics aux personnes âgées  est indigne et scandaleuse. Elle est inversement proportionnelle aux progrès de la médecine, aux avancées sociales  qui ont permis les progrès considérables de  l’espérance de vie.

Espèces de vieux, vous allez vivre plus longtemps, mais vous allez en baver.

Ne croyez pas que les lois sociales, les régimes de retraite mis en place, leur augmentation régulière en fonction des salaires des actifs, les pensions de réversion qui permettent aux veuves ou aux veufs de poursuivre une vie digne et convenable après avoir perdu le compagnon de leur vie, une sécurité sociale généreuse, ne croyez pas que tout ça, ça allait durer, maintenant  vous êtes bien trop nombreux. On n’a plus de sous ! Vous voulez vivre ? Vous devrez vieillir pauvres ! Encore plus pauvres que maintenant !

Mais pensez donc aux autres !

Avez-vous pensé aux millions de chômeurs ? Avez-vous pensé aux jeunes ?

Alors on rogne… Pardon on réforme… Pour plus de justice, de clarté ! Pour mettre fin aux privilèges et pour vous inciter à aller voir ailleurs. Et d’ailleurs, cela commence à produire ses effets puisque l’on assiste à un ralentissement dans la progression de l’espérance de vie. Dans la tête de tous les « réformateurs », de droite et un peu plus, qui ont porté des coups aux droits à la retraite, le cynisme le dispute à l’hypocrisie, et la malveillance à l’égoïsme. Le tout pour cacher le visage de leurs maîtres, et la logique financière capitaliste qui n’en a jamais fini avec la soif d’amasser les richesses produites très-très loin de ceux qui les ont produites, qui les produisent, qui les produiront. Le recours aux paradis fiscaux dans des îles enchanteresses est utile pour cacher le pognon détourné, mais il est emblématique d’une volonté de le sortir de la vraie vie.

Un vol légal

Et on bloque les retraites, on augmente la CSG, on réduit les droits, en clair on les ampute. En trois ans un mois de pension a été pris dans la poche du retraité : un vol légal !

Mais ça ne suffit pas : on prévoit pire. On s’organise pour répondre à la dépendance en ponctionnant un peu plus le monde du travail. La retraite par points est la nouvelle machine de guerre. La réversion est dans le collimateur.  Les pensions d’un niveau acceptable sont présentées comme des luxes inconsidérés dans un monde qui va mal, parce qu’on fait tout pour qu’il aille mal. On va même jusqu’à casser l’idée que la pension serait un droit, pour la remplacer par la  référence à une allocation …de survie… avant le grand départ sans doute.

Les atermoiements au rancart

Une seule réponse s’impose pour les retraités d’aujourd’hui et demain : une réaction saine, salutaire, indispensable. Se battre, lutter, combattre, résister, s’unir et ne jamais lâcher prise. Certes, il y a l’âge, la fatigue, parfois la maladie, il y a un monde difficile à affronter. Il peut y avoir aussi la solitude. Parfois l’incompréhension des générations suivantes. Elles comprennent vite, elles comprendront vite que c’est d’elles aussi qu’il s’agit dans ce marasme organisé qu’est la situation faite aux vieux.

Finissons-en avec les périphrases, les euphémismes et les atermoiements : des millions de vieux-vieilles dans ce pays, près de cent soixante mille dans le seul département. Une force ! Vieilles et vieux, unissez- vous ! Notre avenir nous appartient. Avec courage et lucidité. IL n’y a pas d’autres choix.

Jean-Marie Philibert, vieux lui-même.

lundi 11 mars 2019

de l'art du théâtre


De l’art du théâtre

Comédie… Tragédie … Tragi-comédie … Farce ? Peut-être ? Il se joue un ultime ( ?) spectacle sur la scène du théâtre municipal de Perpignan, avant qu’on casse tout. Comment le caractériser ? A vous de juger.

Il s’inscrit dans une saga interminable au centre de laquelle nous retrouvons sur scène nos deux bouffons italiens Pujolino et son acolyte Laurentino qui vont répétant :

«  Vous allez voir ce que vous allez voir ! Vous allez assister à un miracle ! Une ville séculaire réinventée ! Une ville de vieux rajeunie ! Un quartier de pauvres enrichi ! Des rues propres ! Des étudiants partout ! Des commerces florissants ! Grâce aux magiciens de la parlotte, grâce aux impôts de nos concitoyens, grâce aux béni-oui-oui qui nous soutiennent ! Vous avez déjà vu ce qu’on a fait à Saint-Jacques, des trous béants ! Vous avez vu ce qu’on a fait à la CGT, à la porte de la Bourse, un siècle d’histoire sociale effacé d’un trait de plume ! Vous allez voir ce qu’on va faire aux protestants : un temple, fût-il consacré à dieu, ne peut rien contre Pujolino.

On n’a peur de rien

Pujolino et Laurentino, deux ouragans capables de complexer la pire des tramontanes. Rien ne leur résistera. Le théâtre municipal sera leur dernière œuvre. Vous ne le reconnaîtrez pas. Il n’existera plus. On ne vous y invitera plus !  Laurentino veut le garder pour lui et sa petite troupe d’étudiants. A l’intérieur, on casse tout, on bétonne. Nous, les plus grands acteurs du théâtre italien, on n’a peur de rien, on a le courage de mettre un terme violent à l’histoire théâtrale locale, on a l’outrecuidance de détruire une acoustique exceptionnelle, on a même le culot de fermer un lieu de convivialité, de vie artistique, pour inventer la nouveauté du siècle à laquelle personne n’avait pensé avant nous : la métamorphose du théâtre en amphithéâtre. Pour votre bien, bonnes gens, que nous seuls acteurs géniaux sommes capables de connaître. C’est notre idée de la démocratie !

L’absurdie

Perpignanais et Perpignanaises, vous avez compris que nous ne sommes pas de votre monde, nous sommes, avec Dali, des membres éminents du Centre du monde, nous nous inscrivons dans sa filiation directe : plus les projets sont fous, plus ils nous plaisent. Nous allons souvent nous inspirer à la gare de la ville. L’absurdie est notre planète. Nous n’avons plus besoin de théâtre, car notre vie est un théâtre permanent !

Ce n’est pas un figurant de ving-cinquième catégorie du nom de Pinellino, qui croyait avoir des compétences culturelles, le pauvre, qui nous fera reculer. S’il veut quitter la municipalité, bon vent. Nous ne voulons pas être mauvaises langues, mais il se dit qu’une autre troupe de théâtre lui a fait des propositions alléchantes. Il pourra jouer les rôles de traitre.

Mathonito, le sauveur ?

Quant à Mathonito et sa troupe de théâtre de rue, la bien nommée « L’as part », elle n’a aucune chance d’arriver à nous impressionner : elle n’a plus la carte maîtresse. Ils gesticulent sur les places publiques, mais le vrai théâtre ce n’est pas cela. Nous seuls, Pujolino et Laurentino, savons qu’il ne peut être qu’amphithéâtre et rien d’autre. »

Quand ce billet d’humeur paraîtra, une manifestation appelée par l’ASPHAR aura rassemblé, le mardi 12 mars, devant le théâtre,  les citoyens de Perpignan qui veulent préserver leur patrimoine. Pujolino et Laurentino auront-ils compris leur bêtise ?

Jean-Marie Philibert

lundi 4 mars 2019

retirade


Ce qui aurait dû être dit

Nos plages de sable fin qui attirent les hordes de touristes et les autochtones que nous sommes pendant la belle saison ont vu déferler  en février 39 un peuple chassé de chez lui par un gouvernement fasciste, fuyant la barbarie et cherchant refuge. Ils ont trouvé le sable, les barbelés, l’armée française, mais aussi quelques bonnes volontés solidaires. Ils étaient  républicains, avaient défendu cette république jusqu’au bout.

Le passé présent

Ce passé taraude encore l’histoire de l’Espagne qui n’en a pas fini avec les douleurs et les horreurs qui y ont proliféré pendant la guerre civile. Les forces politiques qui ont permis une transition démocratique à la mort du dictateur ont choisi le voile « pudique » pour permettre ce processus. Les gouvernements successifs de l’Espagne s’étaient tus sur cet exil, s’étaient tus sur le rôle des républicains espagnols, sur ce dont il fut porteur.  Quels qu’en soient les sous-entendus, les circonstances, il y a des moments où la portée historique de certaines paroles incite à ne voir que l’essentiel : l’hommage à la mémoire démocratique de l’Espagne, à ceux qui en furent des emblèmes, Machado et Azana. Ce qui ne veut pas dire que l’on oublie, ne serait-ce qu’un instant, la lutte pour défendre les prisonniers politiques actuels injustement accusés, ni les arrière-pensées politiciennes. La lutte politique est souvent complexe. Dans ce numéro du TC, nous en montrons la difficulté, les interrogations et les aléas.

Une faute

En ce qui me concerne je voudrais mettre l’accent sur ce que je considère comme une faute du gouvernement français à cette occasion où il ne semble pas qu’il y ait eu un grand débat pour savoir s’il fallait « y aller ou ne pas y aller » et accompagner Pedro Sanchez à Montauban, Collioure et Argelès dans ce qui était démarche mémorielle et politique forte où notre gouvernement aurait pu avoir des choses à dire.

Le pouvoir exécutif français est resté à la maison et cela a du sens… peu glorieux.

Macron, en choisissant de laisser la casquette du Préfet des P.O. comme seul emblème de l’état français, à ces cérémonies, est resté fidèle à ce qui a été l’erreur tragique du gouvernement français au moment de la guerre civile : la non-intervention et le cortège lugubre et sinistre d’horreurs qui en ont découlé, pas seulement pour les Espagnols, mais pour tous les Européens, pour tous les démocrates.

Imaginons une parole forte

Je ne peux pas m’empêcher d’imaginer ce qu’auraient pu être, en ce mois de février 2019, les paroles fortes d’une république digne sur cette plage d’Argelès.

« Nous ne pouvons pas laisser les représentants du gouvernement espagnol seuls à cette occasion d’hommage et de pardon à ceux qui n’ont eu de cesse de croire à la république, à ses valeurs, et aux combats légitimes qu’elle imposait. D’autant plus que nous fûmes aussi responsables d’un « accueil » indigne des civils que nous avons traités de façon inhumaine, que nous avons parqués, sans abri, derrière des barbelés, à l’écart bien sûr des bons français qu’il ne fallait pas laisser contaminer par un attachement trop fort aux valeurs de la république. La peur des rouges fut fratricide. Puissions-nous nous en souvenir ! Quant aux combattants républicains qui ont franchi la frontière, au lieu de les désarmer, de les humilier, c’est une haie d’honneur qu’il aurait fallu leur faire.

Nous aussi nous avons à demander pardon. Les années qui ont suivi ce premier exode massif du siècle, vont nous confronter à l’immensité de nos erreurs. La non-intervention porte les germes des victoires nazies, de l’Europe déchirée et de ses morts. Et, ironie de l’histoire, ce sont quelques-uns de ceux que nous avons désarmés en 39 qui ont contribué à notre libération en 45.

Dans les temps agités qui sont les nôtres, gardons la mémoire des erreurs à ne plus commettre. »

Voilà ce que le gouvernement français tout au vide sidéral de  son grand débat était dans l’incapacité de dire.

Jean-Marie Philibert