Ce qui aurait dû être dit
Nos plages de sable fin qui
attirent les hordes de touristes et les autochtones que nous sommes pendant la
belle saison ont vu déferler en février
39 un peuple chassé de chez lui par un gouvernement fasciste, fuyant la
barbarie et cherchant refuge. Ils ont trouvé le sable, les barbelés, l’armée
française, mais aussi quelques bonnes volontés solidaires. Ils étaient républicains, avaient défendu cette république
jusqu’au bout.
Le passé présent
Ce passé taraude encore l’histoire
de l’Espagne qui n’en a pas fini avec les douleurs et les horreurs qui y ont
proliféré pendant la guerre civile. Les forces politiques qui ont permis une
transition démocratique à la mort du dictateur ont choisi le voile
« pudique » pour permettre ce processus. Les gouvernements successifs
de l’Espagne s’étaient tus sur cet exil, s’étaient tus sur le rôle des
républicains espagnols, sur ce dont il fut porteur. Quels qu’en soient les sous-entendus, les
circonstances, il y a des moments où la portée historique de certaines paroles
incite à ne voir que l’essentiel : l’hommage à la mémoire démocratique de
l’Espagne, à ceux qui en furent des emblèmes, Machado et Azana. Ce qui ne veut
pas dire que l’on oublie, ne serait-ce qu’un instant, la lutte pour défendre
les prisonniers politiques actuels injustement accusés, ni les arrière-pensées
politiciennes. La lutte politique est souvent complexe. Dans ce numéro du TC,
nous en montrons la difficulté, les interrogations et les aléas.
Une faute
En ce qui me concerne je voudrais
mettre l’accent sur ce que je considère comme une faute du gouvernement
français à cette occasion où il ne semble pas qu’il y ait eu un grand débat
pour savoir s’il fallait « y aller ou ne pas y aller » et accompagner
Pedro Sanchez à Montauban, Collioure et Argelès dans ce qui était démarche
mémorielle et politique forte où notre gouvernement aurait pu avoir des choses
à dire.
Le pouvoir exécutif français est
resté à la maison et cela a du sens… peu glorieux.
Macron, en choisissant de laisser
la casquette du Préfet des P.O. comme seul emblème de l’état français, à ces
cérémonies, est resté fidèle à ce qui a été l’erreur tragique du gouvernement
français au moment de la guerre civile : la non-intervention et le cortège
lugubre et sinistre d’horreurs qui en ont découlé, pas seulement pour les
Espagnols, mais pour tous les Européens, pour tous les démocrates.
Imaginons une parole forte
Je ne peux pas m’empêcher
d’imaginer ce qu’auraient pu être, en ce mois de février 2019, les paroles
fortes d’une république digne sur cette plage d’Argelès.
« Nous ne pouvons pas laisser
les représentants du gouvernement espagnol seuls à cette occasion d’hommage et
de pardon à ceux qui n’ont eu de cesse de croire à la république, à ses
valeurs, et aux combats légitimes qu’elle imposait. D’autant plus que nous
fûmes aussi responsables d’un « accueil » indigne des civils que nous
avons traités de façon inhumaine, que nous avons parqués, sans abri, derrière
des barbelés, à l’écart bien sûr des bons français qu’il ne fallait pas laisser
contaminer par un attachement trop fort aux valeurs de la république. La peur
des rouges fut fratricide. Puissions-nous nous en souvenir ! Quant aux
combattants républicains qui ont franchi la frontière, au lieu de les désarmer,
de les humilier, c’est une haie d’honneur qu’il aurait fallu leur faire.
Nous aussi nous avons à demander
pardon. Les années qui ont suivi ce premier exode massif du siècle, vont nous
confronter à l’immensité de nos erreurs. La non-intervention porte les germes
des victoires nazies, de l’Europe déchirée et de ses morts. Et, ironie de
l’histoire, ce sont quelques-uns de ceux que nous avons désarmés en 39 qui ont
contribué à notre libération en 45.
Dans les temps agités qui sont les
nôtres, gardons la mémoire des erreurs à ne plus commettre. »
Voilà ce que le gouvernement
français tout au vide sidéral de son
grand débat était dans l’incapacité de dire.
Jean-Marie Philibert
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