De l’art du
théâtre
Comédie… Tragédie … Tragi-comédie … Farce ?
Peut-être ? Il se joue un ultime ( ?) spectacle sur la scène du
théâtre municipal de Perpignan, avant qu’on casse tout. Comment le
caractériser ? A vous de juger.
Il s’inscrit dans une saga interminable au centre de laquelle
nous retrouvons sur scène nos deux bouffons italiens Pujolino et son acolyte
Laurentino qui vont répétant :
« Vous allez voir ce que vous allez voir ! Vous
allez assister à un miracle ! Une ville séculaire réinventée ! Une
ville de vieux rajeunie ! Un quartier de pauvres enrichi ! Des rues
propres ! Des étudiants partout ! Des commerces florissants !
Grâce aux magiciens de la parlotte, grâce aux impôts de nos concitoyens, grâce
aux béni-oui-oui qui nous soutiennent ! Vous avez déjà vu ce qu’on a fait
à Saint-Jacques, des trous béants ! Vous avez vu ce qu’on a fait à la CGT,
à la porte de la Bourse, un siècle d’histoire sociale effacé d’un trait de
plume ! Vous allez voir ce qu’on va faire aux protestants : un
temple, fût-il consacré à dieu, ne peut rien contre Pujolino.
On n’a peur de rien
Pujolino et Laurentino, deux
ouragans capables de complexer la pire des tramontanes. Rien ne leur résistera.
Le théâtre municipal sera leur dernière œuvre. Vous ne le reconnaîtrez pas. Il
n’existera plus. On ne vous y invitera plus ! Laurentino veut le garder pour lui et sa
petite troupe d’étudiants. A l’intérieur, on casse tout, on bétonne. Nous, les
plus grands acteurs du théâtre italien, on n’a peur de rien, on a le courage de
mettre un terme violent à l’histoire théâtrale locale, on a l’outrecuidance de
détruire une acoustique exceptionnelle, on a même le culot de fermer un lieu de
convivialité, de vie artistique, pour inventer la nouveauté du siècle à
laquelle personne n’avait pensé avant nous : la métamorphose du théâtre en
amphithéâtre. Pour votre bien, bonnes gens, que nous seuls acteurs géniaux
sommes capables de connaître. C’est notre idée de la démocratie !
L’absurdie
Perpignanais et Perpignanaises,
vous avez compris que nous ne sommes pas de votre monde, nous sommes, avec
Dali, des membres éminents du Centre du monde, nous nous inscrivons dans sa
filiation directe : plus les projets sont fous, plus ils nous plaisent.
Nous allons souvent nous inspirer à la gare de la ville. L’absurdie est notre
planète. Nous n’avons plus besoin de théâtre, car notre vie est un théâtre
permanent !
Ce n’est pas un figurant de
ving-cinquième catégorie du nom de Pinellino, qui croyait avoir des compétences
culturelles, le pauvre, qui nous fera reculer. S’il veut quitter la
municipalité, bon vent. Nous ne voulons pas être mauvaises langues, mais il se
dit qu’une autre troupe de théâtre lui a fait des propositions alléchantes. Il
pourra jouer les rôles de traitre.
Mathonito, le sauveur ?
Quant à Mathonito et sa troupe de
théâtre de rue, la bien nommée « L’as part », elle n’a aucune chance
d’arriver à nous impressionner : elle n’a plus la carte maîtresse. Ils
gesticulent sur les places publiques, mais le vrai théâtre ce n’est pas cela.
Nous seuls, Pujolino et Laurentino, savons qu’il ne peut être qu’amphithéâtre
et rien d’autre. »
Quand ce billet d’humeur paraîtra,
une manifestation appelée par l’ASPHAR aura rassemblé, le mardi 12 mars, devant
le théâtre, les citoyens de Perpignan
qui veulent préserver leur patrimoine. Pujolino et Laurentino auront-ils
compris leur bêtise ?
Jean-Marie Philibert
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