les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 10 juin 2019

Respect !


Respect !

La philosophie ??? Mal de cap !!! La force de Michel Serres, et ce n’est pas rien, a été de rendre la philosophie aimable, au sens plein du terme. A l’écouter, pas besoin d’aspirine, de froncements de sourcils, de questions inquiètes à son voisin immédiat : « Qu’est-ce qu’il dit ? ». On comprenait !

Ah si tous les philosophes avaient pu passer par la même école que lui, sans doute qu’en France on dirait moins de bêtises et on aurait une image moins rébarbative de la discipline. Comme si une malédiction réactionnaire voulait que parler philosophie, écouter de la philo, lire de la philo ne pouvaient être que des épreuves presque hors de la portée du commun des mortels. Il faut dire que certains philosophes y ont mis du leur. Pas seulement avec le contenu du discours, mais aussi avec le comportement.

De la vérité absolue..

Ainsi un philosophe, souvent de service, qui peut dire des choses intéressantes, qui a une trajectoire personnelle forte (l’Université populaire de Caen est une initiative intéressante apte à sortir la philo de son ghetto), Michel Onfray, pour ne pas le nommer, me donne de l’urticaire à chacune de ses apparitions à cause de l’attitude péremptoire, cassante, sans nuance de celui qui détient une vérité absolue que le couillon que je suis doit impérativement avaler. Quoi qu’il s’en défende ; c’est une caricature de philosophe aux  avis sans limite.

aux terrains de la vie…

Avec Michel Serres, nous sommes dans un autre monde, et cela nous fait du bien, cela fait du bien à la philosophie aussi. Et dieu sait qu’elle en a bien besoin ! Mais pourquoi donc j’invoque dieu : il n’a rien à voir là-dedans. La raison et la foi n’occupent pas le même terrain. La philo occupe le terrain de la vie, dans la variété de ses composantes, y compris les plus abstraites, et c’est à ces questions que tout bachelier moyen est confronté à la fin de son passage au lycée, comme point d’orgue de sa formation, un point d’orgue parfois un peu douloureux et dissonant.

Michel Serre a le souci constant que ça dissone le moins possible. Pour le prouver je m’appuierai sur un de ses derniers opuscules. « C’était mieux avant ».  Grand-papa ronchon veut faire la leçon à Petite Poucette,  la convaincre que son monde à lui est sans comparaison possible avec les déchéances, les turpitudes, les horreurs du monde d’aujourd’hui que, dans son innocence, Petite Poucette ne voit pas. C’est le discours maintes fois entendu, proféré, répété, en tous lieux et en toutes circonstances, et pas seulement par des pépés et mémés dont on pourrait penser qu’ils parlent de ce qu’ils savent, mais aussi par de jeunes sots qui jouent les perroquets de service.

et aux chances de Petite Poucette…

Ce titre est bien sûr à prendre avec toute l’ironie philosophique dont Michel Serres est capable. Une ironie pleine d’humanité. Il rappelle les guerres, les dictatures, les racismes, les sacrifices imposés à la nature, les maladies, les morts précoces, le manque d’hygiène, le sort réservé aux femmes, les outils désuets qui étaient les nôtres, la dureté du travail paysan, les difficultés de communications… Il ne pousse pas le paradoxe jusqu’à nous faire croire que nous vivrions aujourd’hui des temps de délices, mais il  veut convaincre sa Petite Poucette que quelques-unes des évolutions les plus récentes lui ont grandement facilité la vie, et qu’à l’échelle de notre espèce, à la différence des dinosaures, elle a avec ses semblables quelques chances de s’en sortir.

« Les progrès… produisirent une forte espérance de vie, qui produisit des vieillards, détenteurs de fortunes, non encore héritées. Nombre d’entre d’eux accèdent au pouvoir pour y installer le refus du progrès. En causalité circulaire, le progrès se freine lui-même. »,  écrit-il en conclusion de son ouvrage.

Il nous invite à ouvrir les yeux, à œuvrer lucidement pour le progrès et retrouve un peu la leçon du Candide de Voltaire. Sans doute, l’agité marxisto-chronique que je suis pourrait lui reprocher de ne pas faire la part assez belle aux luttes des femmes, des hommes. Encore que je me souviens avec délectation de son « j’emmerde les riches », lancé avec un sourire très sérieux lors d’une émission de télévision que visiblement il perturbait de son insolence. Michel Serres, respect !

Jean-Marie Philibert.

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