La vaseline
à l’ancienne…
Vous avez sans doute
remarqué que de nombreux commentateurs politiques ont fait et font de notre gloire politique
locale, le maire de Prades propulsé aux plus hautes fonctions de l’état, un
homme d’un autre temps. Jean Castex n’est pas un startupeur, à l’allure jeune
et négligée, au verbe branché, à la décontraction absolue, à la mâchoire
ambitieuse, un brin mal élevé comme on
en a vu des tonnes dans l’écurie Macron dont il ne semble pas partager l’aspiration
à tout chambouler. Ma Mémé avait une expression parlante pour qualifier ce
genre de personnages inaltérables au temps, mais profondément sécurisants, elle
les trouvait « vieux jeu ». Et cela n’avait aucun rapport avec leur
âge.
La preuve par Delahousse
Je trouve que l’expression
lui va bien : la preuve par le journal d’Antenne deux de vendredi dernier
où il est intervenu en compagnie de Laurent Delahousse. La différence d’âge
entre les deux hommes n’est pas très grande, et pourtant dans l’attitude, dans le verbe, dans la tenue,
dans la gestuelle, dans le regard, un siècle, plusieurs républiques semblent
les séparer. Delahousse s’agite sur son tabouret, a le visage en mouvement
constant, regarde dans tous les sens, interrompt son interlocuteur, il a le
toupet et le faux naturel qu’une vedette médiatique du 21° siècle doit avoir.
Castex, lui, nous la joue en homme politique de la III° République, solidement
campé sur son siège, le costume sombre très correctement boutonné, le visage et
le regard figés sur le journaliste auquel il impose ses réponses qu’il
développe jusqu’à leur terme, en articulant méticuleusement et sans tenir
compte de l’impatience de son intervieweur. Il agrémente le tout d’un léger
accent catalano-gersois qui sent bon le terroir et qui détonne quelque peu dans
ce monde où il est impensable de ne pas parler pointu.
La France des territoires
Le terroir, le territoire,
la France profonde, il est là pour ça, le Jean Castex, et la forme rejoint le
fond. Après l’avoir méprisé, et avoir dû affronter des mois de luttes sociales
(droit du travail, gilets jaunes, retraites..) que la violence policière a
tenté de contenir au prix de plaies, de bosses et même un peu plus et
d’atteinte à la démocratie, Macron tente d’utiliser la coupure de la pandémie,
du confinement-déconfinement, pour s’inventer une nouvelle partition et tenter
de sauver les meubles pour la prochaine présidentielle. Pour cela il lui faut
un homme nouveau qui va incarner cette nouvelle proximité entre le peuple et le
pouvoir : « La France des territoires, c’est la France de la
proximité, à laquelle nous devons impérativement faire confiance… ».
Et il suffit ensuite de
tartiner les vieilles rengaines : décentralisation… déconcentration… différenciation… Les
réformes qui fâchent sont mises très momentanément sous le coude et on fait
appel aux partenaires sociaux pour les convaincre de servir une nouvelle fois
de caution à une manœuvre qui consiste à ne pas changer grand-chose, mais à
laisser croire qu’on a quand même fait quelque chose pour éviter le pire et pour
répondre à la demande sociale. Il se trouve malheureusement dans le
syndicalisme français des adeptes de ce genre de contorsions. Heureusement pas
tous.
Une recette très ancienne…
Reste la dernière
étape : celle qui permettra ou pas la réussite de la manœuvre. Là on
mesurera le talent de Jean Castex : faire en sorte que l’on y croie, qu’on se
laisse embrigader dans l’entourloupe qui consiste à renforcer un peu plus les
inégalités, à concentrer un peu plus les richesses dans les poches de
quelques-uns et que le bon peuple se lasse de secouer le cocotier !
Macron et ses sbires en
rêvent et pour cela ils ne négligent aucune bonne et vieille recette, la vaseline
par exemple est de celles-là. On vous abuse, mais en douce. Jean Castex ou la vaseline
à l’ancienne…
Jean Marie Philibert