Au firmament de la préfectorale
Les VRP qui habitent à Perpignan, pour une durée plus ou
moins courte, sur les quais de la Basse dans des appartements que la
République, bonne fille, met à leur disposition et qui portent l’uniforme, la
casquette et le nom de préfet ont tous, plus ou moins, au cours de leur séjour
« manifesté » (oh pardon, le mot m’a échappé, pour un préfet, c’est
un gros mot))une obsession, une hantise, un rêve caché et pourtant si
prégnant : ne pas voir un seul manifestant sur le devant de leur porte,
sur le Quai Sadi Carnot. Ces manifestants sont mal élevés, ils crient, ils
chantent, ils disent des bêtises, ils détériorent l’environnement sonore et
paysager. Même parfois ils sont un peu cocos !
On ne leur a sans doute pas dit à l’ENA qu’ils auraient à
subir une telle promiscuité, par contre on a dû longuement leur expliquer qu’il
faut tenir le bon peuple à distance et surtout lui faire sentir qu’on n’est pas
du même monde, qu’on ne partage pas les mêmes valeurs, d’où toutes les dorures
qui ornent la casquette de la préfectorale pour marquer une différence de
nature, de naissance sans doute, de classe certainement.
Ca sent si bon l’ordre établi
Les courtisans patentés ont bien compris les règles du
jeu : ils respectent les codes, et les dorures ; ils en rajoutent même un peu dans le léchage
de botte. Il peut même leur arriver d’être d’introduits dans le bureau de son
éminence qui domine le quai cité plus haut et qui sent si bon l’ordre
établi : ce sont des moments importants de leur vie dont ils garderont un
souvenir impérissable.
Le vulgus pécum ( en français, la plèbe, le peuple ) se
contentera la nuit venue de jeter un regard sur les fenêtres du premier étage
qui brillent de mille feux et qui dévoilent succinctement des splendeurs qu’à
Saint-Jacques ou à Saint-Mathieu ( pourtant si proches) on ne connaît pas.
Un musicien
qui aime la partition
Le préfet actuel, qui connaît la musique, a décidé d’enrichir
la partition ( dans tous les sens du terme). Lors de la dernière manifestation
des soignants, il a prétexté la menace d’éléments troubles dans le cortège pour
barrer avec ses robocops casqués et armés jusqu’aux dents le fameux quai qu’il
faudra sans doute rebaptiser quai de la grande tranquillité de son éminence.
Ces soignants qu’il adorait quand à l’Hôpital il faisaient face au pire, là il
ne les aime plus du tout. Ils manifestent alors qu’on leur a donné des
médailles, ils voudraient des sous.
Vade retro…
« Quelle
honte ! Cette cupidité ! Je vais leur montrer qui commande ici.
Et puis le
gouvernement donne l’exemple en cherchant à interdire, au prétexte de l’urgence
sanitaire ce qui est un droit constitutionnel : le droit de
manifester. Je fais comme eux. Je suis
donc un bon élève, Castaner me donnera peut-être un bon point. Et puis je les
habitue aux nouvelles mœurs de la ville qu’Aliot ne tardera pas à instaurer : plus de drapeaux syndicaux
dans la cité, seuls de drapeaux tricolores portés par des blancs, bien sûr. Et
hop je me mets Aliot in the pocket. Je me souviendrai longtemps de ce mardi 30
juin où j’ai contribué à remettre les choses à leur place, les manifestants à
la maison, et moi au firmament de la préfectorale. »
Question : au firmament de la préfectorale l’oxygène
démocratique se ferait-il rare ?
Jean-Marie Philibert
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