les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

dimanche 19 septembre 2021

le paradoxe de Bébel

 

Le paradoxe de Bébel…

Tant que notre capacité à produire des images a été limitée, nous (enfin ce sont nos grands ancêtres) n’avons eu de cesse pour les partager, pour les faire durer, pour nous en servir et influencer les consciences de les inscrire dans la pierre de nos églises, sur les murs de nos lieux sacrés, sur les enluminures de nos livres précieux. Nous avons ainsi fabriqué nos icônes et le monde judéo-chrétien a excellé dans cette démarche, il nous a bien pourvu en images pieuses que nous avons fait perdurer jusqu’à ce que, grâce à des avancées scientifiques et techniques exponentielles nous soyons en mesure de multiplier sans fin nos capacités à transformer notre univers  en monde d’images (pieuses et moins pieuses) qui prennent quasiment toute la place du réel. Elles donnent peut-être désormais l’impression que nous ne sommes plus que les spectateurs de nous-mêmes, que les images sont la vie, que le cinéma la résume à merveille et que les acteurs que nous y voyons ne sont que des autres nous-mêmes, et donc aussi des êtres chers que nous pleurons quand nous les perdons. Ainsi nous pleurons Bébel. Icône parmi les icônes. Le surnaturel est devenu le réel. Le réel, le surnaturel.

Le copain

Bébel, ce n’est pourtant pas un dieu de l’Olympe, Bebel, c’est un copain que nous perdons, un vieux copain qui n’en a pas raté une pour nous agrémenter la vie. Pour nous faire rêver à ce que nous n’avions pas, aux succès qui nous échappaient, aux pouvoirs qui ne sont pas les nôtres, aux cabrioles que nous n’osons pas faire, aux déconnantes qui pourraient nous faire tant de bien ;

« JE SUIS MORT. ET VOUS ME REGRETTEREZ,  PARCE QUE C’ETAIT MARRANT », une citation du « Marginal » retrouvée et mis en exergue par Libé. Cela résume le personnage et explique la pluie d’étoiles filantes traversant nos souvenirs que les titres de ses films suggèrent. Des titres qui parlent et parleront. « A Bout de souffle, Le Magnifique,  L’as des as, le Marginal, Pierrot le Fou ». Des films populaires, exigeants, surprenants parfois, « Leon Morin prêtre, le Voleur, Stavisky… » et tant d’autres. Le compagnonnage avec les plus grands réalisateurs. Des films qui marchent et d’autres qui marchent moins.

Rebondir

 Mais toujours, la volonté de rebondir, en retrouvant par exemple le théâtre, son premier amour, le seul métier digne aux yeux de ses parents tant aimés. Une bataille pour la vie qui n’en finit pas et qui l’aide à affronter les difficultés d’un destin qui échappe et qu’il retient avec toutes ses énergies. Une icône éminemment sympathique, venue d’un monde cinématographique et médiatique qui ne l’est pas toujours, une image positive qui justifie notre peine. Une image vraie…

Parce qu’elle est vraie, elle a réveillé la peine des habitants de Villerville, une plage normande,où il avait  tourné avec Gabin Un singe en hiver, il y a des lustres et qui sont allés écrire sur le sable de la plage « Bebel nous te t’oublierons pas ».

Sur les tréteaux de la vie

Celle des amoureux du théâtre qui retiennent son échec au Conservatoire, transcendé en succès (mérité) par une bande de copains à jamais fidèles qui le portent en triomphe sur scène,  pour secouer le jury, comme si sur scène tout devient possible. Comme si la vraie vie, la vérité des êtres, la puissance du talent étaient d’abord sur les tréteaux.

Mais pour Bébel, les tréteaux et la vraie vie ont participé du même destin paradoxal qui a fondé son succès.

N’oublions pas de rappeler qu’il fut un temps président du syndicat CGT des acteurs français de 63 à 66. Ils sont très nombreux les commentateurs officiels, allergiques à la vraie vie et au syndicalisme, à l’avoir oublié. Il y a pris la succession, excusez du peu, de Gérard Philippe. Le syndicalisme l’avait mis sur de bons rails.

Le paradoxe de Bébel ferait donc se rejoindre le surnaturel et le réel dont on parlait au début, en d’autres termes, l’art et la vie, à faire de nous L’as des as que nous ne serons jamais, à nous raconter une bébelle vie d’images que nous prenons un peu comme la nôtre, pour notre plaisir.

Jean-Marie Philibert

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