Les riches
et la révolution
L’intérêt du journalisme, de l’observation de la vie
publique, des prises de position des uns et des autres est d’être très souvent
confronté à des surprises, à des propos inattendus qui vont un peu à l’encontre
de ce que vous croyez.
Les
Pinçon-Charlot
Ainsi de la soirée passée au cinéma Castillet de PERPIGNAN
lors de la présentation en avant- première d’un film sur Monique et Michel
Pinçon-Charlot, joliment intitulé « A demain mon amour », réalisé par
Basil Carré-Agostini qui les a suivis durant plusieurs mois pour un
documentaire retraçant leur combat contre le capitalisme. Les Pinçon-Charlot,
vous connaissez et comme moi, vous les regardez avec beaucoup de sympathie. Ce
couple de sociologues, travaillant au CNRS, a consacré ses recherches aux
classes supérieures de la société et plus particulièrement à la grande
bourgeoisie parisienne qu’ils ont infiltrée avec un œil sans complaisance. Il
est surprenant que les intéressé(e)s se soient laissé prendre au jeu, sans
doute le sentiment d’être un monde à part, digne de la curiosité qu’ils/elles
pouvaient susciter. En disciples de Pierre Bourdieu dont ils se revendiquent,
ils ont mis à jour des concepts qui, pour des citoyens sensibles à la lutte des
classes, sont fondamentaux : ségrégation urbaine, homogamie et bien sûr
reproduction sociale.. Ils ont publié entre autres« Voyage en grande
bourgeoisie », et avant leur retraite en 2007 un titre parlant « Les
Ghettos du gotha » où ils dévoilent les barrières symboliques que la
grande bourgeoisie dresse autour d’elle pour pratiquer ce qui la nourrit et la
perpétue, l’entre-soi. On est là face à ce que l’on peut considérer comme un
racisme de classe.
A leur départ à la retraite, ils se sentent libérés de leur
devoir de réserve et de leur neutralité de savanst pour s’engager . « ..
la recherche ne saurait être apolitique
dans un monde de contradiction et d’inégalité… la sociologie est un
sport de combat ». Ils s’engagent, ils sont du Front de gauche en 2012. En
2017, entre Marine et Macron, Monique Pinçon Charlot ne choisit pas ; En
2019, aux européennes, elle soutient la liste du PCF. Ils font polémique et
bien sûr on leur reproche leur engagement.
Le film « A demain mon amour » se fait l’écho de
leur démarche sociologique, mais en l’insérant dans leur vie de couple, en lui
donnant une épaisseur humaine réelle et en l‘illustrant de leurs engagement
militants, à la Fête de l’Huma, dans les manifs gilets jaunes, dans les
contacts multiples et répétés avec les syndicalistes. Il sortira au mois de
mars et mérite amplement votre détour.
L’urgence
de la révolution
Lors de l’avant-première de février , Monique Pinçon Charlot
avait fait le déplacement pour rencontrer le public perpignanais, un public de
connaisseurs, acquis à sa cause avec lequel elle a eu l’occasion de partager
analyses et anecdotes, ancrées dans les réalités politiques de nos jours avec
le sentiment qu’il y a urgence à changer le monde et à renvoyer ceux qui
ont tout à leur juste place, celle de citoyen ordinaire.
Et d’insister sur la
nécessité qui taraude les consciences de tous ceux qui ne veulent plus du
désordre dominant de faire la révolution, sans hésiter et sans délais, avec le
sentiment que ce que la classe dominante possède ce n’est que des titres de
propriété (sur des biens de toutes sortes qu’elle a outrageusement cumulés) et
qu’il est loisible, facile de les supprimer pour déshabiller une oligarchie qui
se retrouvera ainsi toute nue et sans pouvoir. « Tout est à nous, rien
n’est à eux », certes !
Et la
petite surprise
Mais ma surprise est là dans cette vision simplissime de la
révolution. Je pense que ce n’est pas que la mienne. Soit je me dis que dans
mes décennies d’activités militantes, syndicales et autres, si c’est aussi
simple de changer les choses, j’ai été (mais pas tout seul) nullissime. Soit je
me dis que la transformation du réel, le combat contre ses inégalités et ses
injustices, les exclusions, les souffrances, leur renversement ne peuvent être
que les résultats de nos persévérances, résistances, opiniâtretés, solidarités
quotidiennes et collectives. Et qu’il faudra insister lourdement ! C’est
d’ailleurs ce que montre le film, en suivant le sympathique couple Pinçon-Charlot au cœur des manifs.
Jean-Marie Philibert.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire