Se tromper
et tromper son monde
Dans ces temps où Perpignan semble faire marche arrière et où
la municipalité d’Aliot a les chevilles qui enflent en proclamant la ville
capitale de quelque chose, il est tout à fait logique d’interroger un événement
(le congrès du Cercle algérianiste) qui se nourrit sciemment de toutes confusions.
Elles justifient des initiatives
politiques qui n’ont pas d’autres buts que de nous rouler dans la farine :
on ne pourrait rien attendre d’autre d’un Rassemblement National qui se sent
des ailes et prétend devenir un parti républicain comme les autres. Mais pour
cela il n’hésite pas à s’asseoir sur les fondements de la république, en
particulier sur l’histoire.
Compréhension
critique
Allons-y progressivement. Cherchons à comprendre ce qui se
joue, ici et maintenant, à propos d’événements qui ont plus de soixante ans, ce
qui sur l’échelle de l’histoire est peu. Mais la distance peut aider à leur compréhension critique. Il y a l’écume des
choses, les souvenirs qui se bousculent, le sentiment de terres perdues, la
conscience pour de nombreux rapatriés d’ Algérie d’un destin qui est passé,
passé trop vite alors qu’ils l’avaient cru sans doute éternel, qu’ils avaient
voulu le croire tel, qu’ils avaient fait confiance à ceux qui leur avaient
menti. En 1962, d’Alger, d’Oran à Port-Vendres et Perpignan, notre bord de la
Méditerranée fut le lieu de cet exode, douloureux, violent. Un afflux
considérable de population à l’accent pied noir a marqué le visage et l’histoire
de notre ville, jusqu’à la faire croître et proliférer. Nous étions dans les
trente glorieuses et les choses étaient plus faciles.
Les
complaisances municipales
La récupération politique de la municipalité d’Aliot a
commencé bien avant lui et l’ancrage à droite de la ville semblait en être une
résultante naturelle. Alduy, Pujol ont aidé la nostalgie à vivre. Le Front
national y a vu une aubaine. De la droite à son extrême ici la distance est
courte et il a suffi à Aliot de surfer sur une vague algérianiste pourvue des
généreux concours des municipalités jusqu’à présenter aujourd’hui la ville
comme capitale mondiale des Français d’Algérie. Et bien sûr faire oublier ses
racines catalanes que visiblement il déteste. Ce faisant, il se dévoile un peu plus pour ce qu’il est, alors que
d’habitude il semble avoir un meilleur souci de sa présentabilité.
Là, il revient et nous entraîne sur ses fondamentaux :
la colonisation de l’Algérie fut une grande œuvre, l’exploitation des
hommes-femmes et terres de ce pays fut un moment fort de la puissance de notre
impérialisme, d’autant qu’on a sorti ce pays du moyen âge pour l’ouvrir à la
culture frrrrançaise. Les esprits ne sont pas totalement décolonisés, au RN
plus qu’ailleurs.
Les
résistances tenaces du TC
Ce qui conduit inexorablement à se tromper et à tromper son
monde faute de voir le réel tel qu’il est. Ces affabulations historiques et
politiques débordent largement de la seule sphère de l’extrême droite :
elles sont à l’œuvre aussi dans une idéologie réactionnaire qui aime les
simplifications, qui est allergique à toute approche dialectique. Cette
idéologie sert de fondement au rejet d’une démarche politique progressiste. De
la confusion à la démission la frontière est étroite : voir les taux
d’abstention qui battent des records. Et beaucoup d’événements sont ainsi
exploités, schématisés, réduits pour qu’on n’y comprenne pas grand-chose.
Pour que notre conscience politique s’y perde !
Mais la force des esprits tient à leurs capacités de
résistance qui peuvent nous surprendre, il est de la responsabilité d’une
presse progressiste dont nous sommes de les aider à relever ces défis. La tâche
est certes ardue, mais au TC nous avons les résistances tenaces et le souci de
les faire partager.
Jean-Marie Philibert.