NORMAL…
Un récent séjour en Italie m’a amené à lire la presse
transalpine et à voir les changements politiques en cours dans notre pays à
travers des yeux étrangers. L’intérêt est très grand pour tout ce qui se passe
en France, la victoire de la gauche, le débat sur la nécessité d’une relance
économique suscite une espérance certaine dans un pays touché aussi par la
souffrance sociale. L’opinion que l’on a du nouveau président amicalement
appelé par son prénom est sympathique : ils l’ont baptisé François le
président normal ! On peut y voir
une critique implicite, mais d’une élégance toute italienne, de l’ « anormal »
que le « normal » a remplacé, d’autant qu’il n’y a pas si longtemps, eux aussi ont dû renvoyer un « anormal »
dans les coulisses de la politique-spectacle. Ils savent donc que ça peut faire
du bien de revenir dans la normalité.
Encore qu’il faille clairement savoir ce qu’est le normal
et/ou ce que représente l’anormal.
Des normes comme s’il
en pleuvait.
Là les opinions peuvent considérablement diverger. Ainsi
pour Daniel Mach, candidat UMP à sa propre succession dans la première
circonscription, il aurait été normal que les femmes restassent derrière les
fourneaux … jusqu’à la fin des temps, il est normal que Pollestres ait une
entrée digne d’un grandissime pharaon,
il est normal de voter le dernier budget de l’Education nationale qui entraîne
la suppression de milliers de postes (dont les postes de RASED) et de protester
auprès de son ministre dans une question écrite ( JO du 27 Décembre)contre ces
suppressions. La norme est donc à géométrie variable, y compris chez un même
individu.
Pour Fernand Siré, autre candidat UMP, il serait normal de
ne plus du tout s’intéresser à la sociologie, à la psychologie et à la
géologie. Pour Jacqueline Irles, il est sans doute normal d’être tout sourire, le
plus souvent possible, en photo sur le journal. Voilà pour l’UMP !
Pour le PS local il semble normal de prétendre rafler tous
les sièges de députés : c’est le pluralisme de la gauche qui lui parait
anormal !
Pour moi il me paraît tout à fait normal qu’une majorité de
Français aient mis un terme à 5 ans de renforcement des inégalités, à cinq ans
d’austérité pour le monde du travail, à cinq ans d’aggravation du chômage, à
cinq ans d’avenir bouché pour les jeunes, à cinq ans de casse des retraites, de
la protection sociale. Mais les électeurs de Sarkozy ne partagent pas ma
conception de ce qui est normal et anormal.
Aujourd’hui pour rebâtir un espoir, pour donner un avenir à
des générations sacrifiées, pour remettre une société au travail ( elle ne
demande que ça), pour reconstruire un tissu industriel, pour remettre de
l’humain dans nos vies, il faut au moins s’entendre entre gens de progrès sur
ce qui est normal, pas normal, un peu normal, beaucoup normal. Là il va y avoir
du boulot.
Le SMIC normal ?
Par exemple : à combien doit s’élever le SMIC
normal ? A 1388,37 euro comme en France
actuellement ? A moins de 200 euro comme en Roumanie ? A moins
de 600 euro comme au Portugal ? A 1700 euro comme le revendique la CGT ou
comme le propose le programme du Front de Gauche ? Pour le président
normal comme disent les Italiens, le SMIC normal est imprécis :
« LeSMIC doit être indexé sur les prix, mais en plus sur une part de
croissance… » C’est tout ce qu’il a dit.
La norme garde un flou très artistique ; nous restons
dans le brouillard et tous les travailleurs pauvres le resteront,
pauvres !
Travailleurs, c’est moins sûr, si rien n’est fait pour
relancer l’économie. C’est normal, l’économie n’est pas faite pour les travailleurs,
ce sont les travailleurs qui doivent s’adapter à une économie mondialisée où la
finance est toute puissante, mais normalement réservée à quelques uns. C’est
normal ! Les riches et les pauvres, c’est pas pareil !
Avec le Front de Gauche des millions de gens se sont
rassemblés pour dire que ces normes-là qui leur ont été imposées ne leur vont
pas du tout, mais alors pas du tout ! Que des normes qui imposent austérité, misère, injustices, exclusion
n’ont rien de normal, qu’il serait sage d’en changer ! Que les normes
d’une démocratie normale, c’est-à-dire non confisquée par quelques-uns, d’une
démocratie vivante de citoyens-acteurs, restent à définir et à imposer par un peuple en marche. Rien
d’extraordinaire dans ces exigences. Rien que du normal.
Pour une norme qui
bouscule…
Mais là, la norme bouscule quelque peu les habitudes,
l’ordre ( ?) dominant. Sont-ce ces normes-là que le président normal
envisage de mettre en œuvre ? Le programme, les premiers pas du président
normal, les premiers actes de son gouvernement ne laissent pas augurer d’une
ambition démesurée de s’attaquer aux racines du mal : pour que le
président normal ne devienne pas le président « tranquillou » qui
change tout sans rien changer nous avons une solution toute trouvée, envoyer à
la Chambre des députés des escouades d’élus Front de Gauche aptes à bousculer
les lignes, à faire entendre la voix de tous ceux qui ne trouvent pas normal
que les femmes, les hommes, les jeunes, les moins jeunes , les malades et les
bien portants … n’aient pas, tous, les
moyens de vivre décemment. Normal ? Non ?
Jean-Marie PHILIBERT.
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