Solidaires … ou pas.
Les aléas de ma physiologie défaillante m’ont conduit ces
derniers mois à fréquenter plus que de coutume la gent médicale et les lieux où
ils exercent et à voir, de visu comme on dit, comment fonctionne notre système
de santé, comment travaillent ceux qui y interviennent, comment s’y distribue
le pouvoir et comment est traité le patient. Qui a intérêt à le rester,
patient, aussi longtemps qu’il restera au fond de son lit entouré de certaines blouses
blanches à la sollicitude à géométrie variable, à la science pas toujours
infuse, et à une incapacité fréquente à communiquer avec des mots
compréhensibles pour tous.
Cette impression d’ensemble ne traduit qu’imparfaitement une
réalité souvent plus riche et plus complexe où le souci d’apporter réconfort,
soin et écoute peut animer tel médecin, tel chirurgien, telle infirmière, telle
aide-soignante : ce sera d’autant plus remarqué et remarquable que cela ne
semble pas l‘habitude la plus habituelle que de mettre aussi de l’humanité là
où il y en a tant besoin. Merci donc à tous ceux qui parviennent ainsi à
concilier leurs savoirs scientifiques, leurs savoir faire, (qui peuvent nous
guérir, et c’est là l’essentiel) et leur humanité qui va aussi contribuer à
nous faire beaucoup de bien et sans doute à nous guérir aussi. Parce que c’est
la finalité du système de santé de nous aider à la préserver le plus longtemps
possible.
Un droit pour
tous.
Ce fut une des avancées les plus importantes du programme du
Conseil National de la Résistance que de faire de cette finalité un droit pour
tous et de créer des institutions qui le mettaient en œuvre : la sécu a
plus d’un demi -siècle et elle a permis des progrès prodigieux, en particulier
dans le domaine de la démocratisation de l’accès aux soins. Il a fallu dès
l’origine une intervention sociale, syndicale, politique constante pour en
préserver les acquis, parce que très vite les réactionnaires de tous poils se
sont employés à tout faire pour lui rogner les ailes. Le patronat et la droite
ne s’en sont pas privés et ils continuent. Et ils trouvent parfois des alliés
inattendus.
Ne voilà-t-il pas qu’actuellement avec la redoutable
question des dépassements d’honoraires, l’attaque vient de ceux-là mêmes qui
sont les acteurs centraux de notre système de santé ? Les médecins
eux-mêmes, pas tous certes, une minorité sûrement, avec quelques arrières
pensées politiques, sans doute! Ils considèrent que les honoraires arrêtés par
les caisses d’assurance maladie sont insuffisants (c’est leur droit), ils
savent que la loi de l’offre et de la demande (il manque des médecins et en
particulier des spécialistes) est telle que pour être rapidement soigné, les
patients sont prêts à mettre la main au portefeuille, ils décident donc avec
plus ou moins de toupet de vous demander de cracher dans le bassinet de leur
trésorerie, paraît-il fragilisée. A lire les études qui sortent dans la presse
sur leurs revenus et à comparer ces revenus avec ceux des Français qu’ils
soignent, on se dit que nous à ce niveau-là on n’aurait pas besoin de dépassement
et que leur motivation tient plus d’une cupidité, certes humaine (en avoir
plein les fouilles est devenu malheureusement un besoin « naturel » ),
que du souci de défendre un système de soin démocratique et performant pour
tous.
Notre bien commun.
Mais ce système de soin,
quelles que soient leurs compétences, la difficulté et la durée de leurs
études, et les responsabilités qui sont les leurs et qui méritent d’être payées
leur juste prix, n’est pas leur chose : il est notre bien commun conquis de
haute lutte et préservé dans des combats qui se continuent. Il est un pilier de
la cohésion sociale, mise à mal, lentement mais sûrement, et il nous revient de
le renforcer. Le libéralisme forcené, à l’œuvre dans ces tentatives de
dérèglementation, de remise en cause des droits sociaux , de division sociale
entre ceux qui auront droit à des soins de qualité et le tout venant qui devra
se contenter de la protection minimum, est mortifère pour la démocratie.
Il est de l’honneur de certains médecins de
combattre avec nous sur ce terrain. Je pense qu’il faut lire et faire lire l’appel
des Médecins Solidaires.
Ils ne se reconnaissent pas dans
la grève des soins de leurs collègues, comme dans les revendications concernant
la liberté des dépassements… Ils considèrent que ce mouvement n’apporte aucune
réponse et ne propose aucune réforme positive du système de santé. Ils lancent
un appel à la population : « La population doit savoir que les médecins
dans leur grande majorité , fidèles à leur éthique professionnelle, défendent
d’abord leur conditions de travail pour assurer une médecine de qualité au
service de tous les patients .»
Les
médecins sont solidaires... (ce devrait être un pléonasme).
Drôle d’époque où il est nécessaire pour les
intéressés d’en faire une vérité à rappeler avec force.
Jean-Marie Philibert.
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