les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

dimanche 18 novembre 2012

Enfin rocker !



Humeur ? Humour ?
Même si elle reste active, même si elle reste engagée dans la lignée de ce qu’a été la vie professionnelle, la retraite est aussi le temps du retour sur soi, de l’examen  du passé ; c’est donc un peu l’heure des bilans. On mesure mieux avec le recul ce qu’on a réussi, ce qu’on a loupé, ce qu’on aurait pu faire et que l’on n’a pas fait, ce que l’on a fait et que l’on aurait pas dû faire. J’en étais à ce stade de mes cogitations personnelles et je me disais que des décennies  d’enseignement  à des ados attachants, mais parfois un peu pénibles, des heures et des heures  d’activités militantes pour défendre un service public que des pouvoirs successifs voulaient mettre à mal, des kilomètres parcourus en manifestations multiples et variées, plus ou moins nombreuses et plus ou moins réussies, sans parler des enfants casés et heureux, pouvaient certes faire un bilan globalement positif, comme on disait au Parti du temps de Marchais, mais que ce n’était pas le Pérou, mais qu’il y avait certainement des destins plus jouissifs,  plus épanouissants, que celui d’enseignants, de syndicalistes ( de gauche bien sûr !). Et je me prenais à rêver… et à refaire ma vie.
Plein les fouilles.
Refaire ma vie, sur l’autre rive, par exemple, à droite pourquoi pas, de façon à pouvoir vivre un peu plus égoïstement, à pouvoir cultiver mon jardin plutôt que les espaces et les services  publics, à pouvoir, sans gêne aucune,  afficher un cynisme de bon aloi. Cela m’aurait peut-être permis de m’en mettre plein les fouilles. Ma retraite n’en serait que plus aisée. Mais plus que l’orientation politique ainsi rêvée, c’est l’occupation choisie qui me semble déterminante pour avoir le sentiment plein et entier de la réussite. Et là accrochez vos ceintures, vous n’allez pas en croire vos yeux et vos oreilles, mais mon rêve le plus secret est, aurait été, celui d’avoir un destin de rocker, de rocker de droite, bien sûr ; pas seulement le destin, mais le complet, le costume, les santiags, la veste avec les franges, le poil hirsute, les yeux éclatés,  la banane sur le crâne, les jeans « pat’ déph ». Le talent d’un rocker de droite qui vocifère dans le micro, qui déblatère tout ce qu’il a sur le cœur, qui, sans complexe,  pense faire de la poésie avec la cacahouète qu’il a dans la tête. Et le succès public bien  sûr, le culte voué à une idole, les groupies toujours à mes basques. Et des tunes, des tunes, des tunes, comme s’il en pleuvait. La vraie vie quoi ! Et puis, l’âge venant,  aller vivre en Belgique ou en Suisse… pour payer moins d’impôts.
Le grand écart.
J’imagine même que comme enfant du pays, malgré mes choix politiques,  les organisateurs de la fête du TC m’inviteraient pour animer les festivités : à cause du plaisir de retrouver des potes anciens et l’air de la Méditerranée, je leur ferai même un prix. Et à cette occasion, je me vois faisant le grand écart entre ce que je rêve d’être  et ce que je suis, puisque mon double fantasmé serait sur l’estrade, et moi avec  le public, bien sûr ;  je pourrais mesurer le fossé entre ma vie réelle et ma vie rêvée, entre le pantin, désincarné,  qui se prend pour le centre du monde parce qu’il a une guitare et le peuple rassemblé dont je suis, dont je partage les aspirations, et avec lequel j’échange semaine après semaine mes humeurs-humours  et mes interrogations.
Et là je me dis qu’il est totalement illusoire de vouloir changer de rive, qu’il est absurde de se prendre pour ce que l’on n’est pas, que les valeurs de justice, de progrès social, de démocratie, d’émancipation, de liberté, de solidarité ont besoin de nous. Que le seul horizon qui mérite notre attention, c’est le monde réel, à comprendre, à humaniser, à transformer. Ensemble ! (Mais en gardant notre capacité d’humour).
Jean-Marie Philibert

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