Ite missa est ?
Après la
démission de Benoît XVI et l’élection rapide et surprise de François, peut-on
dire que la messe est dite, que tout redémarre comme avant, qu’il n’y a rien à
ajouter… et pas de commentaire à faire. Ite missa est ? Je ne crois pas.
La permanence de l’institution.
Je suis
convaincu qu’il ne faut que rapidement s’intéresser aux formes que cette
transition papale a revêtues. Beaucoup de traditions… La fumée noire, puis
blanche… Le cortège des mitrés… L’onctuosité des visages et l’impassibilité des
attitudes… L’attente, la joie des fidèles … Les commentaires enfiévrés des responsables catholiques. Nous sommes
dans le déjà vu, ça ne mange pas de pain et ça permet de montrer la permanence forte de l’institution. Ces
images d’un monde qui bouge peu sécurisent et rassurent dans des temps
d’incertitudes comme ceux que vit
actuellement la vieille Europe.
Le silence
assourdissant qui caractérise l’attitude du cardinal argentin pendant la
période de dictature féroce de son pays, ne peut que nous interroger.
Les points
de vue du futur François sur la contraception, le mariage gay, qui lui ont valu
quelques polémiques avec les autorités de son pays sont bien dans la lignée
papale. Faut pas rêver… Un futur pape se doit d’être un peu réac…
Des signes potentiels.
Mais quand
même un pape qui vient du bout du monde, qui n’est pas européen, qui est le
premier disciple d’Ignace de Loyola à accéder à cette fonction, qui représente
un continent en effervescence , qui a le souci de garder le contact avec les
plus humbles, qui ne semble pas apprécier l’or des palais, pourrait être perçu
comme un signe potentiel de changement.
Encore qu’il ne suffise pas de se mettre sous la protection de Saint-François
d’Assise pour apparaître comme un apôtre de la révolution sociale que l’on
n’est pas. D’autant plus que le même prélat argentin n’a jamais été un chantre
de la théologie de la libération qui pendant un temps avait enflammé l’aile
gauche de l’église sud-américaine.
Tous ceux
qui sont attachés à la nécessité de voir s’opérer des changements majeurs dans
une Europe en crise où les peuples sont soumis à la dure loi de l’austérité
voudraient pouvoir s’accrocher à ces signes qui vont dans le bon sens.
Parce que
l’Italie et au-delà l’Europe en ont, en auront bien besoin de bon sens pour sortir de l’ornière les millions de
citoyens qui sombrent tous les jours
plus nombreux dans les souffrances de la précarité, du chômage, de l‘inquiétude
du lendemain, de l’absence d’espoir … au nom du fric-roi, des diktats du FMI,
des impératifs de la commission européenne, de la concurrence libre et non
faussée, de la survie de sa sainteté … l’euro.
Une église,
les églises, même si elles se disent au-dessus, ne peuvent pas tourner le dos à
ces douloureuses redites qui font le quotidien d’un monde injuste et
inhumain ; l’espoir dont elles veulent être porteuses, pour avoir quelques
crédibilités ne doit pas être renvoyé à
un temps hors du temps.
Et l’aspiration au changement ?
L’aspiration
à la justice, à la démocratie, au respect de la dignité est une aspiration
immédiate et tangible. Elle n’est pas nécessairement dépendante d’une
quelconque foi religieuse, mais elle n’en est pas non plus obligatoirement et
irrémédiablement coupée.
La
construction du nouveau monde, sur les ruines
d’une société sclérosée qui ne fonctionne qu’à l’exclusion, l’ouverture
et le dépassement des limites, l’utopie pratique d’un monde meilleur et la
certitude qu’il n’y a pas d’aliénation supportable n’appartiennent à personne
en particulier, mais à l’humanité en mouvement dans sa diversité, dans sa
complexité, à ceux qui croient au ciel,
comme à ceux qui n’y croient pas, à ceux qui croient à la fois à la solidarité
et à la lutte qu’elle impose.. Pour cela il faudra rassembler sans limite tous
les oubliés des richesses, tous les exclus de la prospérité et ils sont le plus
grand nombre. Mais il y faudra encore et toujours l’engagement des hommes, ici
et maintenant.
Quant au
rôle de l’église catholique, la réponse est peut-être dans les monuments
d’Assise.
A Assise, la
Basilique Sainte Marie des Anges, a été construite autour d’une toute petite cabane-chapelle où
Saint François priait. La petite
chapelle, toute pauvre et toute modeste a été préservée, et elle est là toute
incongrue, au cœur de l’immense nef de
l’église. Il fonda là le premier couvent
franciscain voué à la pauvreté évangélique. Mais les dimensions et les
richesses de la basilique qui entourent la petite chapelle semblent comme en
étouffer la portée symbolique. L’église d’aujourd’hui aura-t-elle l’ambition
d’être du côté de ceux qui n’ont rien ou pas grand-chose ? Le pontificat
de François devrait nous apporter une réponse.
Jean-Marie
PHILIBERT.
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