les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 28 octobre 2013

ne pas se laisser mettre



Les irréductibles.
Ainsi donc nous sommes espionnés, et pas qu’un peu, du soir au matin, et du matin au soir, n’importe qui, n’importe où, des millions et des millions de communications téléphoniques interceptées en quelques mois…et pas par la Stasi, pas par le KGB ( tu retardes ), non par les Américains des States. Ils veulent tout savoir : les pensées secrètes d’Hollande, la fiabilité des banques françaises, les déchirements de la droite hexagonale et, plus modestement peut-être, le contenu du prochain TC. Il a fallu le courage de Snowden consultant de la National Security Agency pour cracher dans la soupe et dévoiler l’ampleur de la surveillance électronique pratiquée par les Etats Unis. Big Brother et ses grandes oreilles seraient partout. Impossible d’y échapper !
Ne pas laisser percer nos secrets.
Eh bien non !  Il existe à l’extrême sud de la France un département d’irréductibles  catalans qui ont décidé de ne pas laisser faire, ils ne veulent pas laisser percer les secrets de leur culture, ils ne veulent pas laisser galvauder la magnificence de leur gastronomie, ils ne veulent pas se laisser voler la moindre parcelle de leur liberté, de leur originalité, de leur personnalité. Imaginez par exemple,  le séisme culturel que représenterait la divulgation internationale des recettes des boles de picoulats et de la cargolade.
Le TC fidèle à son attachement indéfectible à la liberté-de-pensée-comme-on-veut a décidé de lancer la contre-offensive : il  faut réinventer les bonnes et vieilles recettes pour préserver nos secrets et faire en sorte que les grandes oreilles ne puissent rien comprendre de ce qu’elles entendent.
Les Français parlent aux Français.
Règle numéro un : ne communiquer qu’en langage codé, oui, vous savez, du style, les Français parlent aux Français, « le chou-fleur est dans la marmite, je répète, le chou-fleur est dans la marmite ».
Je vous propose un florilège de phrases ultra-locales susceptibles de vous aider à communiquer vos impressions, vos sentiments, vos attentes… sans dévoiler votre intimité la plus intime aux amerlocs,  mais en disant quand même l’essentiel :
« -le fromage de Hollande  sent le rance, ce n’est pas comme le fromaget de chez nous, je répète, ce n’est pas comme le fromaget de chez nous…
-les cargols de droite sont plus racistes que les cargols de gauche…
-la gare de Perpignan est au centre du monde, comme le nez est au milieu de la figure...
-pourquoi la misère du peuple est-elle ici proportionnelle à l’autosatisfaction des certains élus ?
Je répète
-il est illusoire de chercher un subterfuge dans la palinodie, je répète, il est illusoire de chercher un subterfuge dans la palinodie…
-la réforme des retraites n’est pas si éloignée que ça du retrait de la réforme, je répète, du retrait de la réforme…
-des milliers de précaires, des milliers de chômeurs, des jeunes en déshérence et des vieux sans le sou, ça peut faire boum, je répète, ça peut faire boum !
-qui nous a mis dans cette panade ?
-je fais semblant de dire n’importe quoi, je répète, je fais semblant de dire n’importe quoi ! »
Le langage codé suffira-t-il pour échapper aux mailles  du filet ? Je ne sais !  D’autant qu’on annonce, avec l’approche des élections municipales, l’arrivée dans le ciel catalan d’une escadrille de drones ou de drôles (je n’ai pas bien entendu), de droite, mais peut-être aussi d’ailleurs, venus brouiller les pistes et nous inciter à mettre notre destin dans d’autres mains que les nôtres.
Ultime message :
« Il est grand temps de ne plus se laisser mettre, je répète, de ne plus se laisser mettre »
Jean-Marie PHILIBERT.
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vendredi 25 octobre 2013

léonarda



Léonarda
Y a-t-il un pilote dans le pédalo ? L’expulsion de Léonarda et les conséquences qu’elle va avoir sont en passe de déstabiliser un gouvernement et une majorité qui semblent s’être pris les pieds dans le tapis … et qui n’avaient pas besoin de ce nouvel épisode pour donner l’impression qu’ils avaient …les pieds à côté de leurs …pompes.
Une impasse.
Mais comment ne pas s’être rendu compte plus tôt que tout cela était cousu de fil blanc : un ministre de l’intérieur de « gauche » qui pratique la chasse aux sans-papiers avec la même hargne que ses prédécesseurs de droite et qui est tout fier de ses chiffres d’expulsion, une administration qui, pour cela, n’hésite pas à s’asseoir sur ce que les simples principes d’humanité pourraient lui suggérer, une opinion publique un peu lasse et que l’on a travaillée avec la peur de l’étranger, des média qui ne cessent de chanter les louanges d’un ministre qui est un des rares à ne pas sombrer dans les sondages calamiteux. Cela ne fait pas une politique, mais conduit à une impasse qui met dans la rue des milliers de lycéens et la cacophonie dans la majorité, au gouvernement et au plus haut sommet de l’état.
La force brute du pouvoir.
Comment s’étonner que les lycéens donnent un contenu concret aux savoirs qui leur sont transmis : la philosophie des lumières leur parle de droit, d’égalité, de respect de la personne, de justice et là, en direct presque, sous leurs yeux, on leur donne à voir le contraire, la force brute du pouvoir qui arrête un bus dans une sortie scolaire, malgré l’opposition des enseignants, pour en extraire une de leurs camarades qui a commis le seul délit de ne pas avoir de papiers en règle. Elle est embarquée manu militari et illico presto dans un avion  pour rejoindre un pays qui n’a jamais été le sien et dont elle ne parle pas la langue.  Que la révolte gronde devant un tel gâchis : c’est le contraire qui aurait surpris.
Une grosse bêtise.
Mais le plus grandguignolesque est dans les suites données à ces événements et aux tentatives infructueuses pour se tirer de ce mauvais pas : au gouvernement, des voix discordantes se font entendre, le premier secrétaire du P.S. se rappelle qu’il a dans un autre temps combattu le racisme (SOS racisme, vous vous rappelez, c’était lui), les forces politiques de gauche (la vraie) dont le PCF dénoncent une faute politique, la première dame proteste devant l’expulsion, le ministre de l’intérieur revient en catastrophe de Guadeloupe, une enquête est menée pour dire que les choses se sont passées normalement, quelques maladresses peut-être ont été commises, mais rien de grave, on annonce que le président ne parlera pas, puis on annonce le contraire. Il parle enfin pour dire une grosse bêtise : Léonarda peut revenir, mais toute seule. Il est critiqué de tous côtés, sauf par le ministre de l’intérieur qui oublie de se taire et qui pense que la république serait déstabilisée par le retour des parents de la jeune fille. Fin très provisoire de l’épisode.
Les lycéens sont en vacances, le gouvernement respire, mais la polémique est très vivace, elle laissera des traces. L’école sera peut-être sanctuarisée, mais les dégâts politiques perdureront, et les utilisations politiciennes  des populations immigrées ne cesseront pas tant que nous n’aurons pas  défini collectivement  (il s’agit de tous les pays dits riches) une politique claire et juste (compte tenu de l’hypocrisie et des égoïsmes ambiants cela risque de prendre du temps). Nous n’avons peut-être pas  la capacité de nourrir toute la misère du monde, mais nous avons l’obligation morale de ne pas laisser mourir à nos portes, ou sur nos terres, ceux que l’espoir d’un monde moins pire y a conduits.
Comme bien souvent, la mobilisation de la jeunesse a du sens.
Jean-Marie PHILIBERT.

vendredi 18 octobre 2013

adèle



Une riche personne.
L’activité journalistique est très intéressante à cause du contact permanent qu’elle vous impose avec le monde réel, avec les choses telles qu’elles sont ; même si les choses telles qu’elles vont ne vous vont pas très bien (euphémisme !). Le journaliste est un observateur, un témoin, et parfois un analyste. Du moins ça devrait être ainsi, car si j’observe, si je lis, si j’écoute les graaaaandes vedettes du journalisme  hexagonaaaal, je les perçois davantage comme des bourreurs de crânes, mais enfin passons… la règle, c’est le réel.
Tournons le dos au réel.
Eh bien ce billet d’humeur a envie, pour une fois de tourner le dos au réel, pour vous parler de fiction, de belles images, de belles histoires, de plongée dans l’imaginaire à l’occasion de la sortie du dernier film d’Abdellatif Kechiche, LA VIE D’ADELE – chapitre 1 & 2.,  Un film qui a eu la palme d’or à Cannes, à la fois pour le réalisateur et ses deux interprètes Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, un film qui a été l’objet de polémiques liées aux conditions de tournage imposées par le réalisateur (passons), un film qui parle d’amour sans œillères, un film qui montre la beauté des corps, la force du désir, l’absolu et la fragilité du couple. Que le couple soit ici un couple d’homosexuelles montre s’il le fallait que l’amour et la liberté se nourrissent mutuellement.
Le vrai désir.
Adèle est lycéenne, elle est en classe de première, elle aime la littérature. Quand elle lit « La vie de Marianne » de Marivaux, elle y perçoit des leçons de vie qui lui parlent, elle rencontre les garçons, expérimente la sexualité, se cherche, comme nombre de ses copines qui partagent ses émois. Son milieu modeste lui apporte, sinon le superflu, au moins le nécessaire,  et le plat de pâtes à la bolognaise est symbolique de cette profonde tendresse familiale. La rencontre d’Emma, une jeune femme aux cheveux bleus, étudiante aux Beaux-Arts, un peu plus âgée qu’elle, affichant son homosexualité, d’un milieu autre que le sien, va bouleverser sa vie. Elle lui fait découvrir la puissance du vrai désir, elle l’ouvre à la vie, elle lui permet de s’affirmer en tant que femme. Adèle grandit, dans le bonheur de ce qu’on offre à l’être aimé, dans les plaisirs rares que l’on en reçoit, dans l’incertitude  d’une histoire que l’on voudrait éternelle.
Les lézardes.
Mais les lézardes ne tarderont pas à apparaître, entre cette jeune artiste hautaine et sûre d’elle, à l’aise dans l’artificialité du monde et Adèle, toute à sa passion de jeune enseignante qui veut transmettre aux autres tout ce que l’école qu’elle aime est en mesure de leur apporter. Je ne vous dirai rien de l’issue d’une histoire que chacun peut interpréter à sa guise. Il y aura les pessimistes et les optimistes. Adèle est devenue femme, marquée par l’amour qui l’a fait naître à la vie, dans la douleur peut-être, mais aussi dans l’affirmation de sa riche personnalité. Adèle est une très riche personne. La richesse intérieure est dans ce film la seule qui compte, elle est faite de fidélité à soi-même et à son milieu, de sensualité, d’ouverture aux autres, de courage, de passion …
Avec ces riches personnes-là sommes-nous dans la fiction ? Dans la vraie vie ? Il était question de tourner le dos au réel et le voilà qu’il ressurgit au détour des images qui nous apportent l’oxygène nécessaire, parce qu’elles font le pari de la richesse de la vie.
J’allais oublier : parmi ces images, dans le film,  il y a celles de manifestations syndicales et étudiantes de ces dernières années où Adèle dit sa soif de liberté, de justice, de progrès. Une belle personne, vous dis-je… et engagée ! Le cinéma nous réserve parfois des pépites, il faut en profiter.
Jean-Marie PHILIBERT.