Une riche
personne.
L’activité journalistique est très intéressante à cause du
contact permanent qu’elle vous impose avec le monde réel, avec les choses
telles qu’elles sont ; même si les choses telles qu’elles vont ne vous
vont pas très bien (euphémisme !). Le journaliste est un observateur, un
témoin, et parfois un analyste. Du moins ça devrait être ainsi, car si
j’observe, si je lis, si j’écoute les graaaaandes vedettes du journalisme hexagonaaaal, je les perçois davantage comme
des bourreurs de crânes, mais enfin passons… la règle, c’est le réel.
Tournons le
dos au réel.
Eh bien ce billet d’humeur a envie, pour une fois de tourner
le dos au réel, pour vous parler de fiction, de belles images, de belles
histoires, de plongée dans l’imaginaire à l’occasion de la sortie du dernier
film d’Abdellatif Kechiche, LA VIE D’ADELE – chapitre 1 & 2., Un film qui a eu la palme d’or à Cannes, à la
fois pour le réalisateur et ses deux interprètes Adèle Exarchopoulos et Léa
Seydoux, un film qui a été l’objet de polémiques liées aux conditions de
tournage imposées par le réalisateur (passons), un film qui parle d’amour sans
œillères, un film qui montre la beauté des corps, la force du désir, l’absolu
et la fragilité du couple. Que le couple soit ici un couple d’homosexuelles
montre s’il le fallait que l’amour et la liberté se nourrissent mutuellement.
Le vrai
désir.
Adèle est lycéenne, elle est en classe de première, elle aime
la littérature. Quand elle lit « La vie de Marianne » de
Marivaux, elle y perçoit des leçons de vie qui lui parlent, elle rencontre les
garçons, expérimente la sexualité, se cherche, comme nombre de ses copines qui
partagent ses émois. Son milieu modeste lui apporte, sinon le superflu, au
moins le nécessaire, et le plat de pâtes
à la bolognaise est symbolique de cette profonde tendresse familiale. La
rencontre d’Emma, une jeune femme aux cheveux bleus, étudiante aux Beaux-Arts,
un peu plus âgée qu’elle, affichant son homosexualité, d’un milieu autre que le
sien, va bouleverser sa vie. Elle lui fait découvrir la puissance du vrai
désir, elle l’ouvre à la vie, elle lui permet de s’affirmer en tant que femme.
Adèle grandit, dans le bonheur de ce qu’on offre à l’être aimé, dans les plaisirs
rares que l’on en reçoit, dans l’incertitude
d’une histoire que l’on voudrait éternelle.
Les
lézardes.
Mais les lézardes ne tarderont pas à apparaître, entre cette
jeune artiste hautaine et sûre d’elle, à l’aise dans l’artificialité du monde
et Adèle, toute à sa passion de jeune enseignante qui veut transmettre aux
autres tout ce que l’école qu’elle aime est en mesure de leur apporter. Je ne
vous dirai rien de l’issue d’une histoire que chacun peut interpréter à sa
guise. Il y aura les pessimistes et les optimistes. Adèle est devenue femme,
marquée par l’amour qui l’a fait naître à la vie, dans la douleur peut-être,
mais aussi dans l’affirmation de sa riche personnalité. Adèle est une très
riche personne. La richesse intérieure est dans ce film la seule qui compte,
elle est faite de fidélité à soi-même et à son milieu, de sensualité,
d’ouverture aux autres, de courage, de passion …
Avec ces riches personnes-là sommes-nous dans la
fiction ? Dans la vraie vie ? Il était question de tourner le dos au
réel et le voilà qu’il ressurgit au détour des images qui nous apportent
l’oxygène nécessaire, parce qu’elles font le pari de la richesse de la vie.
J’allais oublier : parmi ces images, dans le film, il y a celles de manifestations syndicales et
étudiantes de ces dernières années où Adèle dit sa soif de liberté, de justice,
de progrès. Une belle personne, vous dis-je… et engagée ! Le cinéma nous
réserve parfois des pépites, il faut en profiter.
Jean-Marie PHILIBERT.
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