Léonarda
Y a-t-il un pilote dans le pédalo ? L’expulsion de
Léonarda et les conséquences qu’elle va avoir sont en passe de déstabiliser un
gouvernement et une majorité qui semblent s’être pris les pieds dans le tapis …
et qui n’avaient pas besoin de ce nouvel épisode pour donner l’impression
qu’ils avaient …les pieds à côté de leurs …pompes.
Une
impasse.
Mais comment ne pas s’être rendu compte plus tôt que tout
cela était cousu de fil blanc : un ministre de l’intérieur de
« gauche » qui pratique la chasse aux sans-papiers avec la même
hargne que ses prédécesseurs de droite et qui est tout fier de ses chiffres
d’expulsion, une administration qui, pour cela, n’hésite pas à s’asseoir sur ce
que les simples principes d’humanité pourraient lui suggérer, une opinion
publique un peu lasse et que l’on a travaillée avec la peur de l’étranger, des
média qui ne cessent de chanter les louanges d’un ministre qui est un des rares
à ne pas sombrer dans les sondages calamiteux. Cela ne fait pas une politique,
mais conduit à une impasse qui met dans la rue des milliers de lycéens et la
cacophonie dans la majorité, au gouvernement et au plus haut sommet de l’état.
La force
brute du pouvoir.
Comment s’étonner que les lycéens donnent un contenu concret
aux savoirs qui leur sont transmis : la philosophie des lumières leur
parle de droit, d’égalité, de respect de la personne, de justice et là, en
direct presque, sous leurs yeux, on leur donne à voir le contraire, la force
brute du pouvoir qui arrête un bus dans une sortie scolaire, malgré
l’opposition des enseignants, pour en extraire une de leurs camarades qui a
commis le seul délit de ne pas avoir de papiers en règle. Elle est embarquée
manu militari et illico presto dans un avion
pour rejoindre un pays qui n’a jamais été le sien et dont elle ne parle
pas la langue. Que la révolte gronde
devant un tel gâchis : c’est le contraire qui aurait surpris.
Une grosse
bêtise.
Mais le plus grandguignolesque est dans les suites données à
ces événements et aux tentatives infructueuses pour se tirer de ce mauvais
pas : au gouvernement, des voix discordantes se font entendre, le premier
secrétaire du P.S. se rappelle qu’il a dans un autre temps combattu le racisme
(SOS racisme, vous vous rappelez, c’était lui), les forces politiques de gauche
(la vraie) dont le PCF dénoncent une faute politique, la première dame proteste
devant l’expulsion, le ministre de l’intérieur revient en catastrophe de
Guadeloupe, une enquête est menée pour dire que les choses se sont passées
normalement, quelques maladresses peut-être ont été commises, mais rien de
grave, on annonce que le président ne parlera pas, puis on annonce le
contraire. Il parle enfin pour dire une grosse bêtise : Léonarda peut
revenir, mais toute seule. Il est critiqué de tous côtés, sauf par le
ministre de l’intérieur qui oublie de se taire et qui pense que la république
serait déstabilisée par le retour des parents de la jeune fille. Fin très
provisoire de l’épisode.
Les lycéens sont en vacances, le gouvernement respire, mais
la polémique est très vivace, elle laissera des traces. L’école sera peut-être
sanctuarisée, mais les dégâts politiques perdureront, et les utilisations
politiciennes des populations immigrées
ne cesseront pas tant que nous n’aurons pas
défini collectivement (il s’agit
de tous les pays dits riches) une politique claire et juste (compte tenu de
l’hypocrisie et des égoïsmes ambiants cela risque de prendre du temps). Nous
n’avons peut-être pas la capacité de
nourrir toute la misère du monde, mais nous avons l’obligation morale de ne pas
laisser mourir à nos portes, ou sur nos terres, ceux que l’espoir d’un monde
moins pire y a conduits.
Comme bien souvent, la mobilisation de la jeunesse a du sens.
Jean-Marie PHILIBERT.
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