les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 23 juin 2014

la grève et la raison



« Aucune raison ne saurait justifier cette grève ! »
La grève serait donc déraisonnable, au point de ne rien pouvoir dire de rationnel à son sujet, au point de laisser les esprits s’emballer dans les préjugés les plus convenus, au point d’ouvrir grand les portes à tous les bourrages de crâne possibles. Et nos commentateurs officiels ne s’en privent pas : à croire qu’ils seraient grassement payés pour tirer sur tout gréviste qui bouge, ou plutôt qui ne bouge plus puisqu’il a arrêté de faire pour un salaire souvent dérisoire tous les mouvements inutiles qu’une journée de travail lui impose.
Le gréviste perd le sens du temps.
A la différence de l’homme normal qui a conscience du temps, du moment, le gréviste vivrait comme en dehors du temps puisqu’il ne sait pas se mettre en grève au bon moment, c’est toujours trop tard ou trop tôt. Pour les cheminots,  ça tombe très mal parce que ce jour-là on passe le bac. En plus le gréviste perd le sens de la durée, il parle de grève illimitée. De la folie pure !
Et le plus dangereux est dans la dimension collective que prend la folie. Ils sont des centaines, des milliers à croire que l’on peut sans risques s’émanciper du temps, décider tous les matins de s’émanciper un jour de plus et même  voter pour le décider dans un enthousiasme qui ne peut qu’inquiéter l’homme normal (demander la définition à Hollande).
Le consensus mou.
Quant aux raisons de ce comportement, elles  restent si incompréhensibles au commun des mortels  qu’il est d’usage sur les écrans de n’en pas parler du tout, ou le moins possible : vous verrez les gares vides, les voies désertes, vous entendrez les usagers en colère, le ministre avec un rictus d’homme-sûr-de-lui-mais-qui-aimerait-que-ça-s’arrête-bientôt, mais vous n’aurez jamais droit à un syndicaliste qui vous expliquera comment le service public ferroviaire va être chamboulé par le projet de loi  au point de détruire ce qu’il a fallu des décennies à construire. Les élucubrations de syndicalistes sont tellement difficiles à comprendre du grand public. Ces êtres-là ne sont pas télégéniques ; ils parlent mal la langue flou du consensus mou (sauf peut-être à la CFDT). Il est normal que le journaliste de service (l’expression est tout à fait adéquate) ne leur tende pas le micro et ne fasse appel qu’à des experts de haut vol qui savent tout sur tout et qui savent surtout nous empapaouter grave.
Enfin que dire du comportement quotidien du gréviste, l’irrationnel y bat tous les records. Au lieu de profiter de son inactivité professionnelle pour se reposer, s’occuper de ses enfants, il va se projeter du matin au soir dans une frénésie d’activités  avec des drapeaux de la CGT dans toutes les mains, avec des tracts plein les poches. Le matin au péage de l’autoroute, il empêche les automobilistes de payer leur trajet, puis il décore la gare avec toutes sortes de banderoles, puis il manifeste au milieu de fumigènes colorés, puis il tente de construire une voie ferrée en plein milieu d’une rue de la ville,  puis il va voir les élus du PS, il les secoue un peu (moralement uniquement) il parle fort, très fort, il crie même, et ainsi va sa journée sans le moindre répit, sans le moindre temps mort.
Sans temps mort ?
Mort ? Il est normal que le gréviste ait horreur du temps mort : son temps à lui c’est la vie et il est convaincu qu’il y a urgence à défendre cette vie-là, qui est faite de son salaire, de nos salaires aussi, de ses droits, de nos droits aussi, de notre travail, de son, et notre, service public, de nos solidarités, de ce que nous avons conquis ensemble. Il le dit avec toute la fougue qui l’anime, sans doute, parce que là où il est, il met tous les jours le nez dans les reculades en tous genres que nous préparent des « socialistes » empêtrés, plus empêtrés que socialistes d’ailleurs.
Comme si la locomotive du progrès n’avait plus qu’une marche arrière !
Malgré leurs manières,  certes, complètement déraisonnables, remercions les cheminots grévistes de nous inviter à faire repartir avec eux les trains dans le bon sens.
Jean-Marie Philibert.


mercredi 18 juin 2014

impasse-sentier-boulevard



L’impasse, les sentiers et le boulevard…
1)    L’impasse.
L’impasse nous y sommes et nous y restons, guidés par une bande d’incapables qui ont décidé que de toutes façons il n’y aurait pas d’issue, que ce n’était plus la peine de se casser la tête à chercher à s’en sortir. Et que, eux, de toutes les façons ils ont tout compris, il suffit de les suivre jusqu’au bout du bout où il ne restera à la gauche qu’à se scratcher sur le mur qui donne à l’impasse sa raison d’être et de ne mener nulle part.
Observons l’attitude du pouvoir à l’égard de la grève des cheminots : y a-t-il de la part du gouvernement la moindre volonté d’apporter des réponses aux inquiétudes des cheminots, à leurs revendications de voir le service public, défendu, renforcé ? Que nenni ! Et Hollande soi-même de conseiller aux grévistes de reprendre le travail, la récréation a assez duré ! Et toute la presse, quasiment à l’unisson, de se lamenter sur le sort des usagers, de faire appel à Maurice Thorez « Il faut savoir terminer une grève ! ». Sur les raisons de fond du mouvement, rien ou presque, l’impasse, sur la négociation avec des travailleurs en lutte, l’impasse.
Dans le conflit des intermittents, malgré l’intervention des professionnels de la culture, malgré les menaces qui pèsent sur la totalité des festivals de l’été, au prétexte d’un accord au rabais signé par des organisations peu ou pas représentatives, qui préfèrent le copinage avec le Medef aux acteurs culturels de ce pays, le gouvernement a choisi de s’enfermer encore et toujours dans l’impasse. Sur le pouvoir d’achat des salariés, sur l’indexation des retraites, sur le droit du travail, impasse ! Impasse ! Impasse ! 
Sans doute espère-t-il que le mur qui clôt l’impasse devienne le mur des lamentations des espoirs déçus du monde du travail : nous y viendrons pleurer pendant des siècles la disparition définitive de notre volonté d’un monde juste. Même si en faisant cela le PS se coule, même s’il coule la gauche, même s’il fait le lit de la droite, extrême ou pas, vivons soumis… dans l’impasse.
2)    Les sentiers
Face à la détresse de l’impasse, à sa résignation, à son inhumanité, à son enfermement, ils vont être nombreux à chercher à en sortir coûte que coûte et à croire que toutes les voies de traverses peuvent offrir des échappatoires. Et chacun de s’inventer le petit sentier , tortueux, difficile, escarpé qui peut peut-être lui permettre l’évasion tant désirée. Notre vie politique est pleine de ces « idéalistes » qui croient avoir trouvé la voie, qui proclament haut et fort « qui m’aime me suive ». Et qui d’élections en élections nous éparpillent, nous divisent, brouillent toutes les pistes pour préserver leurs certitudes et leurs maigres troupes. La gauche s’est fait une spécialité de ces tentatives, parfois sympathiques, bien souvent vaines. Certes la recherche est indispensable, et elle impose que tous puissent avoir leur mot à dire, leur idée à proposer, à expérimenter, à confronter au réel. Certes aucun scénario n’est écrit à l’avance  dans le conflit de classe dont nous avons du mal à nous dépêtrer, mais, aussi séduisants soient-ils, ces sentiers ne mèneront à rien si à un moment ils ne se rejoignent pas, si les marcheurs qui s’y trouvent ne se rassemblent pas.
3)    Le boulevard.
Le nombre, l’unité, la détermination, le respect de tous pour chacun, la solidarité, doivent s’exprimer à plein. Et il y faut de la place, de l’espace, de l’ouverture, des perspectives. Il faut voir loin et large, comme sur un boulevard où le peuple sera en mesure de se rassembler et d’écrire son histoire. Un tel boulevard ne s’ouvrira pas tout seul à tous ceux qui veulent une vraie politique de justice sociale, une démocratie régénérée ; ce ne sera ni un chemin des délices, ni une voie royale. Il supposera notre courage, notre volonté. Nous pourrions l’appeler le « boulevard de l’unité populaire … retrouvée… »
Jean-Marie Philibert.

vendredi 6 juin 2014

la géographie



La géographie.
Le soir vous vous endormez dans une région qui est déjà définie depuis quelques temps, et cela n’a pas été fait en un jour, elle s’appelle le Languedoc-Roussillon et il a fallu plusieurs lustres pour lui donner du pouvoir, des institutions à peu près identifiées, des bâtiments qui en jettent, une action qui commence à se lire dans le paysage (par exemple la construction de quelques lycées)…
Le matin vous vous réveillez, et tout ça a disparu, et tout ça parce que, sur un coin de table de l’Elysée, un pouvoir en posture délicate croit qu’en redessinant une réalité hostile on peut la transformer. Dans la nuit du 2 au 3 juin 2014 la carte de France des régions a été profondément modifiée… et le Languedoc-Roussillon a fait pschittt. Voilà ce que notre histoire risque de retenir d’une décision politique qui est  un signe inquiétant pour la démocratie.
De l’amateurisme ?
Nous sommes en plein amateurisme ! Pire, ne pourrait-on pas parler d’infantilisme devant le rôle désormais dévolu à l’improvisation, à la fantaisie, à l’inconséquence ?
Avec des épisodes précédents de la saga présidentielle, nous pouvions avoir quelques doutes sur la maturité du capitaine de pédalo, alias pépère : les sorties nocturnes de l’Elysée, en scooter, pour découvrir ou redécouvrir les plaisirs sulfureux des amours adolescentes, le largage brutal et totalement inélégant de celle que l’on avait entraînée sur le podium quelques mois auparavant étaient des signes tangibles que les caprices pouvaient prendre le pas sur la pondération que l’on peut exiger de quelqu’un qui a quand même un pouvoir nucléaire au bout des doigts.
Moi-moi-moi.
Rétrospectivement, la longue anaphore, moi président…moi, président… moi président… et l’insistance sur ce moi-moi-moi pouvaient laisser supposer l’égo surdimensionné d’un enfant qui après avoir été le caïd de la promotion Voltaire à l’école de l’ENA continue à se prendre pour le centre du monde.
Et plus proche de nous l’incapacité à entendre ce que lui ont dit les urnes des élections municipales, ce que lui ont répété les urnes des européennes, en plus rude encore, quelques semaines plus tard, révélait l’ampleur d’une coupure grave avec le réel.
L’enfant est dans son monde, il fait mine de vous entendre, de répondre à vos remarques, il peut même promettre de changer… et puis il ne change rien. Il continue comme avant, et même en pire s’il le faut. Là François a visiblement envie de ne rien changer ; avec son copain Manuel  ils se croient les plus fortiches et ils pensent qu’en redessinant régions, départements, communes, ils vont faire oublier le marasme politique dans lequel en quelques mois ils se sont enlisés, et, malheureusement, nous avec.
Des enfants ignorants.
Comme des enfants inconscients à qui on a acheté un puzzle de la France et de ses régions et départements et qui pour faire joujou s’amusent de toutes les combinaisons possibles. Et je te mets la Bretagne avec la Loire et puis je ne te les mets pas ensemble. Et je te fais des régions énormes et puis des toutes petites. L’Auvergne? Où je vais bien pouvoir mettre les Bougnats ?  Avec les Corses ? Avec les Catalans ? Avec les Marseillais ? Et les Bourguignons, avec les Niçois cela n’irait pas mal ? Non ? Les DOM/TOM on s’en fout, comme d’habitude ! Les Normands, on les mets tous ensemble ? Peut-être bien que oui ! Peut-être bien que non ! …
Ne vous étonnez donc pas si vous vous endormez en Languedoc-Roussillon et si au réveil vous êtes passés dans le Midi-Pyrénées : les montagnes n’ont pas changé de place, la Méditerranée non plus ! Les toquades d’une bande d’incompétents, seules, ont changé la géographie.
La géographie, ce n’est pas un peu aussi nos affaires ?
Jean-Marie Philibert.