La
géographie.
Le soir vous vous endormez dans une région qui est déjà
définie depuis quelques temps, et cela n’a pas été fait en un jour, elle
s’appelle le Languedoc-Roussillon et il a fallu plusieurs lustres pour lui
donner du pouvoir, des institutions à peu près identifiées, des bâtiments qui
en jettent, une action qui commence à se lire dans le paysage (par exemple la
construction de quelques lycées)…
Le matin vous vous réveillez, et tout ça a disparu, et tout
ça parce que, sur un coin de table de l’Elysée, un pouvoir en posture délicate
croit qu’en redessinant une réalité hostile on peut la transformer. Dans la
nuit du 2 au 3 juin 2014 la carte de France des régions a été profondément
modifiée… et le Languedoc-Roussillon a fait pschittt. Voilà ce que notre
histoire risque de retenir d’une décision politique qui est un signe inquiétant pour la démocratie.
De
l’amateurisme ?
Nous sommes en plein amateurisme ! Pire, ne pourrait-on
pas parler d’infantilisme devant le rôle désormais dévolu à l’improvisation, à
la fantaisie, à l’inconséquence ?
Avec des épisodes précédents de la saga présidentielle, nous
pouvions avoir quelques doutes sur la maturité du capitaine de pédalo, alias
pépère : les sorties nocturnes de l’Elysée, en scooter, pour découvrir ou
redécouvrir les plaisirs sulfureux des amours adolescentes, le largage brutal
et totalement inélégant de celle que l’on avait entraînée sur le podium
quelques mois auparavant étaient des signes tangibles que les caprices
pouvaient prendre le pas sur la pondération que l’on peut exiger de quelqu’un
qui a quand même un pouvoir nucléaire au bout des doigts.
Moi-moi-moi.
Rétrospectivement, la longue anaphore, moi président…moi,
président… moi président… et l’insistance sur ce moi-moi-moi pouvaient laisser
supposer l’égo surdimensionné d’un enfant qui après avoir été le caïd de la
promotion Voltaire à l’école de l’ENA continue à se prendre pour le centre du
monde.
Et plus proche de nous l’incapacité à entendre ce que lui ont
dit les urnes des élections municipales, ce que lui ont répété les urnes des
européennes, en plus rude encore, quelques semaines plus tard, révélait
l’ampleur d’une coupure grave avec le réel.
L’enfant est dans son monde, il fait mine de vous entendre,
de répondre à vos remarques, il peut même promettre de changer… et puis il ne
change rien. Il continue comme avant, et même en pire s’il le faut. Là François
a visiblement envie de ne rien changer ; avec son copain Manuel ils se croient les plus fortiches et ils
pensent qu’en redessinant régions, départements, communes, ils vont faire
oublier le marasme politique dans lequel en quelques mois ils se sont enlisés,
et, malheureusement, nous avec.
Des enfants
ignorants.
Comme des enfants inconscients à qui on a acheté un puzzle de
la France et de ses régions et départements et qui pour faire joujou s’amusent
de toutes les combinaisons possibles. Et je te mets la Bretagne avec la Loire
et puis je ne te les mets pas ensemble. Et je te fais des régions énormes et
puis des toutes petites. L’Auvergne? Où je vais bien pouvoir mettre les
Bougnats ? Avec les Corses ?
Avec les Catalans ? Avec les Marseillais ? Et les Bourguignons, avec
les Niçois cela n’irait pas mal ? Non ? Les DOM/TOM on s’en fout,
comme d’habitude ! Les Normands, on les mets tous ensemble ?
Peut-être bien que oui ! Peut-être bien que non ! …
Ne vous étonnez donc pas si vous vous endormez en
Languedoc-Roussillon et si au réveil vous êtes passés dans le
Midi-Pyrénées : les montagnes n’ont pas changé de place, la Méditerranée
non plus ! Les toquades d’une bande d’incompétents, seules, ont changé la
géographie.
La géographie, ce n’est pas un peu aussi nos affaires ?
Jean-Marie Philibert.
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